Organisations
RGDP : quel cadre collectif pour un recueil individualisé des données personnelles ?
Ce contenu est produit par Miroir Social dans le cadre d'un partenariat avec le comptoir mm de la nouvelle entreprise, une démarche éditoriale portée par le groupe Malakoff Médéric. Il propose un regard syndical dans le cadre d'un dossier global sur l'intelligence artificielle (IA) qui s'articule sur une étude conduite avec The Boston Consulting Group.
Aujourd’hui, l’employeur dispose d’un nombre important de données sur ses salariés et les syndicats n’ont pas attendu la RGDP pour se saisir du sujet. La CFE-CGC d’Orange a ainsi cartographié toutes les données personnelles de ses salariés. Le syndicat distingue quatre types de données : celles obligatoirement liées au contrat de travail (état civil, fonction, salaire, temps de travail, arrêt de travail, e-mail professionnel, évaluation…), celles émises par certaines actions professionnelles (comme le niveau de l’épargne salariale, la participation ou l’abstention au vote des élections des représentants du personnel ou encore les traces laissées sur Plazza, le réseau social interne de l’entreprise) celles produites par les salariés en tant que clients des produits Orange et, enfin, celles qu’ils laissent sur les réseaux sociaux publics.
Pas de parano artificielle
Le besoin de sensibilisation est d’autant plus indispensable que l’exploitation de données personnelles des salariés via des algorithmes donne lieu à pas mal de scénarios. Ainsi, certains imaginent un système expert qui ferait des listes de salariés à licencier en priorité en cas de difficultés économiques sur la base de l’analyse des compétences, des comportements, du lieu d’habitation ou encore du revenu global du foyer. Mais les syndicats sombrent d’autant moins dans la paranoïa que les directions n’ont pas encore une stratégie globale sur l’exploitation de toutes les données personnelles. Chaque recueil correspond un traitement particulier, parfaitement justifié qui reste dans son silo. Or, le développement de l’intelligence artificielle va faire exploser ces cloisons. Il faut donc s’y préparer. Au-delà de la sensibilisation, les syndicats tiennent à être associés dans des démarches de co-construction avec les directions sur les usages des données personnelles.
Co-construire les usages de l’IA
La gestion des compétences se révèle être un terrain propice. « Nous sommes les premiers à demander que la direction se serve de l’intelligence artificielle pour fluidifier la mobilité interne qui reste insatisfaisante. En fonction de son parcours et de ses compétences, chaque collaborateur devrait pouvoir recevoir de façon proactive des offres de poste interne adaptées », revendique ainsi Sébastien Crozier, responsable de la CFE-CGC d’Orange, qui se plaît à rêver d’un grand marché des compétences internes. « Mais cela sous-entend une transparence totale sur la nature des traitements », poursuit le responsable syndical. Alors que le savoir-être se trouve de plus en plus pris en compte dans l’évaluation des compétences, mieux vaut bien border le traitement des données recueillies. Pour Jérôme Chemin, délégué syndical CFDT d’Accenture, « les évaluations reposent en partie sur les commentaires émis par des collègues quant à la façon dont chacun mène ses missions. C’est la chasse aux feedbacks car bien faire son travail ne suffit pas. Il y a matière à s’interroger ensemble et à mettre sur la table ce qui pourrait être fait de l’analyse par une intelligence artificielle de tous ces commentaires et de leurs pondérations ».
- L’occasion pour le délégué syndical d’un éditeur informatique de rassurer : « un algorithme ne pourra de toute façon pas rendre les évaluations plus arbitraires qu’elles ne le sont déjà ».
Si la gestion des compétences sous intelligence artificielle paraît être un sujet que les syndicats tiennent à explorer avec les directions, celui de l’optimisation des mobilités domicile-travail en est un autre. « Il faudrait commencer par éviter de mettre les jeunes parents sur des missions éloignées. Pour faire cela, il n’y a pas besoin d’intelligence artificielle », souligne Jérôme Chemin. Il suffit de prendre en compte les distances entre les domiciles des salariés en mission chez les clients qui leurs sont proposées. Un facteur très concret de qualité de vie au travail. Selon Sébastien Crozier, « on pourrait considérablement réduire les temps de transport en croisant les besoins en compétences, les locaux professionnels accessibles et les lieux d’habitation des salariés. Avec la RGPD, il faudra recueillir l’acceptation des salariés pour se livrer à un tel traitement ». À noter que des systèmes experts sont déjà capables de déterminer, en cas de déménagement, la part et les profils des salariés qui préféreront démissionner sur la base des temps de transports de chacun…
Les données des syndicats
La RGPD ne s’impose pas qu’aux employeurs. Elle s’applique également aux syndicats qui eux-mêmes détiennent des données sur les salariés, adhérents ou non. Quid des traitements qui s’opèrent à l’heure où la concurrence est rude au moment des élections ? Mieux vaut être en mesure de bien cibler les actions. D’autant que la capacité à délivrer les bons services aux bonnes personnes est aussi l’un des vecteurs de développement des syndicats en plus de la dimension collective de l’action. La CFE-CGC d’Orange planche ainsi sur la mise en ligne de sa propre chatbox.