Organisations
Fonction publique : ces réformes qui font exploser le corporatisme
« Bien entendu que le statut doit pouvoir évoluer à la condition que les fondamentaux comme l’impartialité, l’intérêt général et la grille indiciaire restent assurés. Nous sommes contre le statu quo », affirme Damien Leroux, secrétaire général de la fédération CFDT des finances.
Dialogue social plus collectif
Une large majorité des syndicats de la fonction publique a ainsi accepté de rendre moins corporatiste le dialogue social en signant en 2008 les accords dits « de Bercy ». À l’époque, seules FO et la CFTC n’avaient pas signé cet accord qui se mettra en route en... 2011. Les signataires ont accepté une nouvelle règle du jeu : ce sont les votes dans les CT (commissions techniques), et plus dans les CAP (commissions administratives paritaires), qui seront pris en compte pour les élections professionnelles. Les CT abordent le travail à un niveau collectif à l’image d’un CE dans le secteur privé, alors que les CAP se focalisent sur les dossiers individuels (promotions, mutations, sanctions...) avec une approche par grade qui entretient naturellement une forme de corporatisme. Mais cet accord de 2008 apporte une autre évolution majeure dans la mesure où, désormais, les contractuels de la fonction publique seront invités à voter...
- Et pour ce million de nouveaux électeurs potentiels, aucun plan de titularisation massive n'est au programme.
Décloisonnement territorial
Le décloisonnement est aussi à l’honneur avec la création des DDI (Directions départementales interministérielles) et des DRI (Directions régionales interministérielles), ces nouvelles structures territoriales de l’État chamboulent le mode d’organisation vertical des syndicats. En effet, DDI et DRI font travailler ensemble des agents issus de corps différents (préfecture, équipement, concurrence, travail, économie...). Une nouvelle occasion de réduire les réflexes corporatistes.
- Prés de 70 000 agents sont concernés par la mise en place progressive de ces nouvelles structures.
"C'est à partir de 2011, 2012 que l'on verra les premiers effets de la loi sur la mobilité des fonctionnaires," annonce Eric Beynel, porte parole de Solidaires. La loi du 3 aout 2009 permet en effet de mettre "en disponibilité" un fonctionnaire, sans salaire, s'il refuse trois propositions d'affectation après la suppression de son poste.
Individualisation de la rémunération
En attendant, les agents en poste dans les DDI et DRI conservent les primes et autres traitements propres à leur corps d’origine. Un mille feuilles. C’est bien ce à quoi ressemblent les primes indemnitaires qui se sont empilées dans les trois fonctions publiques (d’État, hospitalière et territoriale) au gré des corps et de l’histoire. Elles sont plus ou moins modulables selon les corps, les grades et... les performances individuelles. Avec la PFR (prime de fonctions et de résultats), l’administration centrale entend harmoniser le principe d’attribution puisque celui-ci reposera sur les mêmes critères partout. C’est du moins l’objectif à l'horizon 2012.
La fonction, la part de F, le premier critère de pondération de cette prime ne déclenche pas l’hostilité de la plupart des syndicats. Et pourtant, chaque ministère et les autres entités de la fonction publique doivent définir des niveaux de fonctions qui tiennent compte des responsabilités, de l’expertise, des contraintes de tous les postes, en s’affranchissant des notions de corps et de grades. L’occasion d’enterrer définitivement le corporatisme et d’ouvrir la voie à une approche globale de la rémunération des agents, qui risque de minorer la part indiciaire de la rémunération au profit du F et du R de la PFR.
- En 2011, le point d’indice n’augmentera d’ailleurs pas... La PFR ouvre ainsi aussi la voie d’une individualisation décomplexée, en partie compensée par un dispositif d’intéressement collectif.
Une agitation sociale maîtrisée
Et pendant ce temps-là, la règle d’au moins un non-remplacement pour deux départs en retraite s’applique, tout comme la RGPP2 qui se traduit par une baisse de 10 % des crédits de fonctionnement. Le tout sans créer une agitation sociale qui pousserait l’État à reculer. « Il y a eu de fortes mobilisations à la culture, aux finances ou à l’équipement. Le problème est qu’elles ne sont pas coordonnées. Il nous faut trouver un rapport de force convergent », souligne Jean-Marc Canon, secrétaire général de la fédération CGT de la fonction publique. Une difficulté pour les syndicats à se retrouver sur une plate-forme commune, du fait justement des corporatismes...
Eric Beynel, porte-parole de Solidaires, avance une autre explication : « Le malaise des agents a tendance à être intériorisé plus qu’à se traduire par des revendications ». C’est d’ailleurs sur le registre de l’obligation de l’État employeur à garantir la santé au travail de ses agents que les syndicats entendent faire contrepoids au train des réorganisations.
Régulièrement, l’État sonde le niveau d’adhésion des agents aux changements en cours. « Ces baromètres de climat social, du moins aux finances, indiquent que les agents admettent globalement qu’il faut changer les choses, mais aussi de véritables faiblesses en termes de management. L’enjeu est de décliner à tout l’encadrement la fixation d’objectifs de management », explique Jean-Francois Verdier. Les cadres du Ministère des Finances, l’objectif managérial peut déjà représenter jusqu’à 20 % de la prime variable.