Organisation du travail à la DGFIP : à quoi joue-t-on ?
Le 1er juillet s’est tenue la séance plénière de la formation spécialisée du Comité Social d'Administration de Réseau ( CSAR), présidée par la cheffe du service RH de la DGFiP.
Figuraient à l’ordre du jour l’approbation du PV de la dernière séance pour avis, le projet de cahier des clauses techniques particulières (CCTP) de l’étude d’impact « Intelligence artificielle (IA) » pour information, le bilan du DUERP 2024 pour information, le budget de la FS de réseau 2025 pour avis, les résultats de l’observatoire interne 2025 pour info et les questions diverses.
Dans sa déclaration liminaire, notre syndicat a tenu à revenir sur les suicides au sein de notre Direction et sur la nécessaire prise de conscience que doit avoir la Directrice Générale de cette situation malheureusement inédite.
Nous ne pouvions pas non plus passer sous silence l’attribution à la licorne Alan de la PSC des agents du ministère.
Nous avons déploré également, en rapport avec l’ordre du jour, la légèreté avec laquelle l’administration traite les représentants du personnel en FSR (formation spécialisée de réseau) en ne leur fournissant que des données incomplètes sur le budget, l’observatoire interne ou encore le CCTP (Le cahier des clauses techniques particulières ) de l’étude IA.
Quant au bilan du DUERP 2024, le constat s’impose d’une nouvelle méthode de calcul des risques qui conduit à leur déclassement.
SUICIDES : DES ÉLÉMENTS DE LANGAGE QU'ON NE VEUT PLUS ENTENDRE
En réaction à notre déclaration liminaire soulevant la douloureuse actualité des suicides et tentatives de suicides, la présidente de l’instance est restée campée sur ses éléments de langage, pourtant devenus inaudibles, d’un engagement fort de la Direction Générale. À croire que nos propos liminaires exigeant un véritable plan d’actions sur les suicides, doublé de comités de suivi réguliers, n’étaient pas assez explicites ! Nous avons exigé de la prévention primaire car, pour nous une « fiche réflexe » et une formation à la santé mentale ne sont pas des outils suffisants pour, sinon éradiquer, au moins infléchir cette courbe des suicides et tentatives de suicide à la DGFiP.
Nous avons insisté sur la question que doit se poser l’administration des conséquences, directes ou indirectes, des réorganisations en tout genre (suppressions d’emplois, NRP Nouveau réseau de proximité, LDG Lignes directrices de Gestion en RH, industrialisation des tâches, IA) sur ces dramatiques évènements.
Face à nos remarques, la présidente de la séance a informé que cette thématique actes suicidaires ferait l’objet d’une réunion technique prochainement .
ÉTUDE D'IMPACT IA : RETARD À L'ALLUMAGE CONFIRMÉ
Sur les sujets à l’ordre du jour, celui de la présentation des éléments du CCTP de l’étude d’impact de l’IA et des nouvelles technologies sur l’organisation du travail a permis de constater que les réserves mises sur la faisabilité et l’utilité de cette étude par notre syndicat n’étaient pas totalement dénuées de fondement. En effet, SPIB a saisi la Direction des affaires juridiques (DAJ) pour étudier et valider la faisabilité juridique (réponse attendue le 31/7/25) d’une procédure dite de « quasi-régie » permettant de s’exonérer de la procédure d’appel d’offres afin d’aller plus vite « pour pouvoir passer par l’ANACT ou le laboratoire de recherches LaborIA » ...
Ce qui est assez cocasse, puisque notre syndicat avait proposé de se joindre il y a un an à l’étude déjà lancée en ministériel avec LaborIA sur les conséquences de l’IA sur les métiers des grandes directions du ministère (dont la DGFiP bien sûr) ; nous avions essuyé alors une fin de non-recevoir de la Présidente.
Si la « quasi-régie » est validée, cela lancerait un long processus avec , au mieux, un marché notifié le 1/3/26 et donc une restitution de cette étude au mieux fin 2026, calendrier que la cheffe du bureau SPIB 2B juge ambitieux !
Si la DAJ refuse la « quasi-régie », SPIB passerait alors par la procédure dite du « sourçage » (art R.2111-1 du Code de la commande publique) pour l’achat de la prestation avec un calendrier assez similaire et une notification du marché au candidat retenu estimée au mieux le 10/5/2026.
DUERP 2024 : UNE NOUVELLE MÉTHODE DE CALCUL QUI MINIMISE LES RISQUES
Concernant le bilan du DUERP 2024, saluons l’arrivée d’un nouvel applicatif robuste, à portée nationale, abondamment documenté sur Alizé et disponible toute l’année, mais nous restons particulièrement mobilisés sur les points suivants :
- lourdeur des travaux de création et/ou de mise à jour des lignes de risque par les chefs de service et/ou les assistants de prévention. Il est urgent de procéder à des mises à jour logicielles pour améliorer l’ergonomie de PREV’ACTION ;
- impossibilité pour les représentants du personnel de créer leur propre masque de restitution des risques recensés, alors que la possibilité est offerte aux assistants de prévention (AP) ;
- les services RH locaux semblent encore trop souvent perdus dans l’application alors que comme l’AP ils sont un rouage essentiel dans le traitement des signalements. Une formation approfondie serait bienvenue
- notre organisation syndicale s’insurge de voir écrit dans les documents préparatoires qu’en 2024, la majorité des risques recensés par les agents sont des risques «faibles», ce dernier mot utilisé avec des guillemets reflétant une certaine inélégance. Une petite comparaison s’impose : avec la nouvelle cotation ces risques « moyens » sont désormais qualifiés de « faibles » et aucune mesure de correction ne s’impose ! Pour mémoire le même risque dans l’ancien système de cotation était considéré comme un risque substantiel qui devait être réduit ou supprimé et nécessitait une action à programmer. Il est aisé de revendiquer ces risques faibles quand c’est la nouvelle méthode de calcul qui a conduit à leur déclassement !
- l’analyse du DUERP uniquement par le prisme des situations d’exposition (ie du nombre d’agents exposés) est biaisée en particulier quand il s’agit de coordonner le DUERP aux éventuelles dépenses d’une FS locale (ou même du budget directionnel local) : le coût du désamiantage préventif d’un escalier extérieur abîmé, par exemple, sera le même qu’il y ait 20 ou 50 personnes dans le bâtiment ;
- compte tenu de la réduction du nombre de familles de risques et de la diminution des situations d’exposition, la volonté affichée de réduire l’usage du classement dans la section «Autres» semble impossible à atteindre ;
- les RPS demeurent les risques les plus représentés et ceux pour lesquels les «traitements» sont les plus complexes.
Si notre syndicat s’inscrit complètement dans la généralisation des formations de premier secours «psycho» au-delà des seuls AP et services RH comme le propose la Centrale, nous ne perdons pas de vue que c’est l’organisation du travail telle qu’elle est imposée verticalement, violemment et sans plus aucune considération pour les agents qui conduit à cette dégradation. Un service ne devient pas convivial parce qu’on y installe un canapé, un siège ballon et un peu de verdure !
La Présidente se contente de rappeler le travail énorme fait par les assistants de prévention (AP) sur ce premier exercice en mode Prév’Action et élude les critiques sur les modifications de calcul des risques.
IMPOSSIBLE DE VOTER LE BUDGET 2025 DE LA FSR, MÊME SI CELA DÉPLAÎT À LA PRÉSIDENTE
Le point budget 2025 de la FSR était soumis au vote. Il s’agit du énième point budgétaire dans une incompréhension toujours aussi totale.
Ce budget de la FSR ne fonctionne décidément pas comme les budgets des FS locales ; jugez plutôt :
il n’y a pas de propositions de financements venant des représentants du personnel et l’administration nous met devant le fait accompli d’actions sorties du chapeau ;
les propositions de financements ne sont pas débattues avec les représentants du personnel et quand elles sont soumises au vote (comme aujourd’hui) la documentation relative à chaque ligne, devis, brochure technique n’est pas mise à disposition de ces derniers ;
le point budgétaire à chaque séance plénière (parce que nous l’avons exigé) de la FSR est fait dans l’opacité la plus totale sans tableau laissant apparaître l’ensemble des demandes de financements, permettant d’identifier celles qui ont été retenues, à hauteur de quel montant, leur engagement et enfin le budget «restant à dépenser».
Pour nous le traitement qui est infligé aux agents au travers de leurs représentants, est inadmissible. Cette fois-ci, l’administration proposait un vote global. En réaction, les OS ont demandé de voter point par point.
De ce fait, notre syndicat a voté contre le module CVT ( conditions de vie au travail) à destination des chefs de service dans l’applicatif ARCHE (Accompagnement Relationnel Changement Exploration), car pour nous il s’agit tout bonnement « d’avaler » le changement coûte que coûte, sans se soucier des dégâts collatéraux.
Rappelons que la DGFiP se compose d’agents qui sont avant tout des humains qui ne se gèrent pas par une hasardeuse application managériale ! Les représentants des personnels ont refusé de se prononcer sur table sur les actions proposées (Gestion de la voix dans les centres de contact et d’appel, prévention du traumatisme indirect et prévention des violences sexuelles et sexistes (VSS) pour les AP et services RH) au motif de coûts financiers non détaillés, d’absence de fiches explicatives de stages et de non production de plusieurs devis.
L’administration culpabilise les représentants des personnels d’un budget de 342 000 € non encore engagé au 30/6/2025 ; c’est oublier un peu vite que c’est la première fois de l’année qu’elle évoque le sujet et toutes les turpitudes énoncées ci-dessus.
Finalement, et dans son infinie bonté, l’administration consent à nous transmettre prochainement les différents devis et fiches explicatives du contenu des actions proposées, ce qui permettra normalement de valider et enfin pouvoir commencer à consommer les crédits 2025...(NDLR : à J+15 nous n’avons toujours rien vu venir !)
OBSERVATOIRE INTERNE : PAS DE QUOI FRIMER
Comment pouvons-nous nous comprendre quand l’administration fait venir deux représentants du cabinet BVA promouvoir les résultats soi-disant en hausse du baromètre social 2025 de la DGFiP et des OS expliquer que quelques points en plus que l’année dernière ne modifient pas la sinistrose ambiante ? La palme de langue de bois revient encore à la Présidente qui n’hésite pas à affirmer que l’on est « sur une dynamique positive »…
Et pourtant, 60 % des agents répondants estiment que leur direction n’évolue pas dans le bon sens, un tiers se dit inquiet, désabusé et fatigué, 56 % déclarent ne pas être optimistes quant à leur avenir professionnel et 69 % indiquent ne pas se sentir acteurs des changements menés au sein de leur Direction...
Concernant les conditions de travail, si une globale satisfaction s’exprime sur les ambiances de travail, l’équilibre vie professionnelle vie personnelle ainsi que les conditions matérielles de travail, il n’en demeure pas moins que près de la moitié (44%) des répondants émettent un avis négatif sur leur charge de travail avec un indice de stress au travail très élevé de 6,2 sur une échelle de 10, bien en deçà des résultats de la fonction publique d’État (7,1/10). Si les collègues témoignent de leur intérêt au sujet du contenu de leur travail, l’insatisfaction perdure, en revanche, en ce qui concerne la reconnaissance et la valorisation dans le travail (46 % d’insatisfaits), la rémunération (64 % d’insatisfaits) et les possibilités de promotions (62 % d’insatisfaits).
Si cette nième édition de l’observatoire interne du ministère présente des indicateurs en très légère amélioration par rapport aux résultats catastrophiques de 2024, les signaux d’alerte restent forts préoccupants.
La charge de travail trop forte en lien avec le manque de moyens, le fait de ne pas être associé aux réformes, une reconnaissance en constante berne, un management perfectible et des collectifs endommagés participent à une perception largement négative des collègues au regard de leurs conditions de travail et de l’exercice de leurs missions. Au final ressort de cette instance le constat d’être pris pour des sous représentants des personnels qui, à la différence de nos camarades en local, n’ont droit qu’à des informations distillées au compte-gouttes et doivent se battre pied à pied pour obtenir ce à quoi nous avons légitimement droit.
Ça doit changer et notre syndicat y veillera !
Il est encore temps de se ressaisir et d’œuvrer concrètement pour la prévention et l’amélioration des CVT de nos collègues au quotidien dans une DGFiP où l’humain est relégué au second plan, sacrifié de plus en plus sur l’autel de la rentabilité, des process, des concentrations de structures et de missions et du management qui n’a de bienveillant que le nom.