Portabilité des couvertures complémentaires santé : conséquences du défaut d’information
Dans un arrêt du 20 novembre 2013, la Cour de Cassation a jugé que l’employeur n’informant pas le salarié sur le maintien des garanties complémentaires santé et prévoyance est redevable d’une indemnisation. En pratique, les conséquences financières peuvent se révéler très lourdes…
L’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008, modifié par l'avenant n° 3 du 18 mai 2009, a prévu la mise en place d'un dispositif de portabilité permettant aux salariés, pris en charge par l’assurance-chômage, de conserver temporairement le bénéfice des garanties complémentaires santé et prévoyance dont ils bénéficiaient auprès de leur ancien employeur.
À ce jour, le dispositif s’applique aux employeurs des branches d'activité représentées par le MEDEF, la CGPME ou l'UPA, à l’exception des professions agricoles et des professions libérales, du secteur de l’économie sociale et du secteur sanitaire et social, et enfin des particuliers-employeurs (qui sont en dehors du champ de l’avenant).
Tous les salariés, sous contrat à durée indéterminée mais aussi à durée déterminée, bénéficient de ce dispositif de portabilité.
À noter : les salariés sous contrat d'apprentissage sont éligibles au maintien des droits de la complémentaire santé et de la prévoyance (circ. Acoss n° 2011-36 du 24 mars 2011).
Par ailleurs, tous les modes de rupture ouvrant droit aux allocations d’assurance chômage sont concernés par le dispositif : licenciement, rupture conventionnelle, démission « légitime », fin de contrat à durée déterminée… Seul le licenciement pour faute lourde est expressément exclu par les textes susvisés.
Les anciens salariés concernés peuvent conserver le bénéfice des garanties complémentaires santé et prévoyance pendant leur période de chômage, et pour une durée égale à celle de leur dernier contrat de travail, appréciée en mois entiers, dans la limite de neuf mois.
La portabilité de ces garanties est subordonnée aux conditions suivantes :
- que le salarié dispose de l’ancienneté requise ;
- quel’entreprise ait mis en place des couvertures complémentaires de santé et prévoyance ;
- que la rupture du contrat de travail ouvre droit à une prise en charge par le régime d'assurance chômage.
Le financement du maintien des garanties est assuré conjointement par les parties dans les proportions et dans les conditions applicables durant l’exécution du contrat de travail.
Le salarié a la possibilité de renoncer au maintien des garanties, à condition de notifier sa renonciation par écrit à son ancien employeur, dans les dix jours suivant la date de cessation du contrat de travail.
À la rupture du contrat de travail, l’employeur doit informer le salarié de l’ensemble des dispositions susvisées et lui remettre tous documents utiles (notice d’information, formulaire de renonciation…).
Afin d’assurer cette portabilité en pratique, l’employeur doit se rapprocher de son organisme de prévoyance, suffisamment en amont de la rupture du contrat de travail, afin de disposer de tous les éléments nécessaires en temps utile.
Sanctions de l’absence d’information du salariéDans son arrêt du 20 novembre 2013, la Cour de Cassation censure la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence ayant débouté une salariée de sa demande de dommages et intérêts au titre du défaut d'information sur la portabilité, en retenant qu'aucune obligation d'information n'est mise à la charge de l'employeur par les textes.
La Cour de Cassation se fonde sur l’article L. 932-6 du Code de la Sécurité sociale, qui régit les notices des institutions de prévoyance, et selon lequel lorsque des modifications sont apportées aux droits et obligations des participants, l'adhérent est également tenu d'informer chaque participant en lui remettant une notice établie à cet effet par l'institution.
La preuve de la remise de la notice au participant et de l'information relatives aux modifications contractuelles incombent à l'adhérent.
Il en résulte logiquement que le salarié doit connaître ses droits au maintien des couvertures complémentaires santé et prévoyance au moment de la rupture du contrat de travail. Il convient de noter que la Cour de Cassation n’était pas appelée à se prononcer sur l’étendue du préjudice du salarié.
Cela étant, il est probable qu’elle considérera que l’absence d’information sur le dispositif de portabilité « cause nécessairement un préjudice au salarié ».
Cette formulation est, en effet, devenue classique pour la chambre sociale (ex. en l’absence d’information sur le DIF : Cass. soc., 17 février 2010, n° 08-45.382, en l’absence de visite médicale d’embauche : Cass. soc., 5 octobre 2010, n° 09-40.913 ; en présence d’une clause de non-concurrence nulle : Cass. soc., 12 janvier 2011, n° 08-45.280…).
Il n’en reste pas moins que les juges du fond peuvent évaluer le préjudice du salarié, en fonction des éléments fournis par ce dernier.
À titre d’exemple, le salarié peut établir qu’en l’absence de mutuelle, il a dû acquitter des frais non pris en charge par la Sécurité sociale ou, encore, qu’il a dû adhérer à une mutuelle dont il demande alors le remboursement des cotisations.
Dans certains cas, l’absence d’information du salarié peut entraîner des conséquences financières bien plus lourdes.
C’est notamment le cas si le salarié décède après la rupture du contrat de travail, alors qu’il n’a pas bénéficié de la possibilité de conserver un dispositif de prévoyance.
Dans un tel cas, les ayant-droits du salarié seraient fondés à solliciter de l’employeur une indemnisation correspondant à une partie du capital-décès prévu par le contrat de prévoyance, sur le fondement de la perte de chance.
Les employeurs sont donc invités à la plus grande vigilance en matière d’information des salariés sur le maintien des couvertures complémentaires santé et prévoyance. Cette question est d’autant plus importante que le dispositif va prochainement être étendu et généralisé (loi 2013-504 du 14 juin 2013).
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