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15 / 07 / 2024 | 386 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Direct Ocirp

Salariés aidants : comment désamorcer la bombe à retardement des coûts cachés ?

Les salariés aidants qui ne se déclarent pas comme tels, et ils sont la majorité, illustrent pleinement le coût caché que représente l'absentéisme dans les entreprises. Retour sur le direct organisé le 28 mai 2024 par Miroir Social en partenariat avec l'Ocirp (Union d’institutions de prévoyance) qui a été l'occasion de présenter les enjeux pour constater comment un secteur comme celui du soin aux personnes qui devrait être exemplaire ne l'est pas.
 


Le nombre de salariés aidants progresse mais ces derniers taisent leur rôle en jonglant avec les contraintes. Au prix de la dégradation de leur propre santé, ils prennent sur leur congés et quand il devient impossible de conjuguer travail et aidance, l'arrêt de travail pour maladie s'impose. Dans le même temps, les collectifs de travail s'adaptent pour absorber la même charge de travail, avec moins de moyens.


Jusqu'à quand est-ce que cela va tenir, tant sur le registre de la surcharge et de la dégradation du travail que de celui du déficit des comptes de l'assurance maladie alors qu'un salarié sur 4 sera aidant en 2030 ?  Si 86 % des salariés aidants pensent qu'il coûte plus cher de ne rien faire que d'agir pour les salariés aidants, on chute à 61 % quand on interroge les partenaires sociaux.

 

Alléger la charge
 

L'Ocirp, au travers de son étude de 2023 conduite avec Viavoice, met en avant les coûts cachés de l'aidance et l'intérêt à reconnaître la réalité du phénomène.  Un coût évalué entre 24 et 31 milliards d'euros. Si 29 % des aidants ont recours à un arrêt de travail, 49 % des aidants prennent sur leur congés et RTT en dégradant leur propre santé. 1 sur 2 a d'ailleurs déjà renoncé à consulter alors qu'il en avait besoin. "L'absentéisme a un coût, le présentéisme aussi avec des salariés aidants qui ne sont plus aussi efficaces que leurs collègues", souligne l'économiste Nathalie Chusseau, professeure à l’Université de Lille,  qui a mené l'étude de l'Ocirp sur le volet des coûts directs et indirects. Pour l'économiste, c'est d'abord dans l'organisation du travail des aidants que se trouve la solution pour limiter les coûts cachés. 5,9 sur 10, c'est la note donnée par les salariés aidants à leur encadrement quant à la souplesse accordée sur les horaires de travail. Peut mieux faire... "Ce n'est pas seulement de la souplesse dont ont besoin les aidants mais d’un véritable allègement de leur charge de travail. Un allègement dont le besoin va être plus important au début jusqu'à une forme de stabilisation", précise Nathalie Chusseau. Il s'agit donc d'adapter le travail à la charge que représente l'aidance pour que les salariés aidants profitent pleinement de leur congés payés, de leur RTT pour vraiment souffler. Un véritable défi managérial, surtout quand les moyens ne sont pas là.
 

"Il est quasiment impossible de parler d'allègement de la charge de travail des salariés aidants dans un secteur qui se trouve en pénurie de main d'œuvre et avec un taux d'absentéisme très important comme le nôtre où les directions ont tout intérêt à ne pas lever le rideau sur la réalité des surcharges de travail", confirme Franck Houlgatte, Secrétaire Général de l'Union Nationale des syndicats de la Santé Privée Force Ouvrière. Même écho du côté de Frédéric Fischbach, Président du syndicat CFTC Santé Sociaux : "Les établissements de santé sont sous-financés. Cela ne donne aucune marge de manœuvre pour signer le moindre accord innovant pour reconnaître les salariés aidants du secteur." Des syndicats de la santé dont les élus sont d'ailleurs peu sollicités sur le sujet tant ils ne voient pas où sont les solutions. "Les arrangements se font de gré à gré en fonction de la capacité des salariés à négocier. C'est un facteur d'inégalité", souligne Franck Houlgatte qui revendique un droit aux congés rémunérés à 100 %.

 

Dialogue professionnel et protection sociale
 

De fait, le congé de proche aidant introduit par la loi, limité à 66 jours avec une indemnisation forfaitaire fixée à 64,54 € par jour est loin d'être la solution miracle. En 2013, dans la branche des industries électriques et gazières où le congé de proche aidant est complété à 100 % par les employeurs, il n'y a eu que 16 demandes…


"Le congé de proche aidant est trop restrictif. Il faudrait donc assouplir les conditions d'éligibilité sans que cela soit synonyme d'intrusion dans la vie privée comme nous avons déjà pu le constater dans des dispositifs de don de jours", note Frédéric Fischbach. Alors que 70 % des salariés sont favorables  à  un dispositif de prévoyance collective sous la forme d'un dispositif de droit aux congés rémunérés pour les aidants, les partenaires sociaux y sont favorables à 61 %. "La reconnaissance des salariés aidants par le dialogue professionnel avec l'aménagement du temps de travail est un préalable mais l'amélioration de la protection sociale avec les droits aux congés est un complément indispensable", explique Jean-Manuel Kupiec, Directeur du Lab OCIRP Autonomie, qui précise que si 80 % des partenaires sociaux considèrent que les salariés aidants ont des compétences à valoriser, seulement 44 % des salariés concernés le pensent.