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20 / 08 / 2025 | 29 vues
Eric Gautron / Abonné
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Financement de la sécurité sociale : que penser du rapport des trois hauts conseils HCAAM, HCFIPS, HCFEA

Dans le cadre de la réflexion lancée sur le financement de la protection sociale, que penser du rapport  "Pour un redressement durable de la sécurité sociale" (*)  présenté suite à la saisine des trois Hauts Conseils par le Premier Ministre...?



Rappel du contexte


Saisi conjointement par le Premier ministre, le 7 mars 2025, les aux trois Hauts Conseils, le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (Hcaam), le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA), et le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) ont œuvré à la production d’un rapport visant trois objectifs : établir un diagnostic des causes des déséquilibres financiers de la sécurité sociale, identifier les leviers possibles de redressement à court et moyen terme (réglementaires et légaux), et proposer des scénarii de redressement mobilisant ces leviers.


Objet de la note


La note  liste les principales thématiques du rapport des trois Hauts Conseils « pour un redressement durable de la Sécurité sociale » avec les éléments porteurs d’avancées sociales et ceux qui appellent à la plus grande vigilance.


Principaux points positifs


Prévention : le rapport estime que la prévention est le meilleur moyen d’atténuer la progression des dépenses de santé, tout en constatant qu’elle est aujourd’hui éclatée et insuffisamment évaluée, d’où la nécessité d’une stratégie nationale et d’un pilotage ad hoc (ce que revendique notre organisation syndicale ).



Le rapport souhaite prioriser les actions de prévention à « fort impact » en agissant sur les déterminants de santé ou en prévenant l’aggravation de l’état de santé des patients. Une baisse de 5 % des prévalences des facteurs de risques modifiables (tabac, alcool, surpoids, obésité) est souhaitée.


Il défend aussi un renforcement « de l’aller-vers » pour que la prévention soit un outil au service de la réduction des inégalités sociales. A court terme, le rapport souhaite prioriser les mesures de prévention secondaires et tertiaires dans le champ des maladies chroniques.


Les taxes comportementales sont également évoquées afin d’améliorer la qualité de l’offre et réduire la consommation de produits transformés, gras, salés, sucrés, d’où la généralisation du Nutri-Score et l’encadrement de la publicité pour ces produits.


La prévention est également évoquée pour les seniors : prévention de la perte d’autonomie et adaptation de la société au vieillissement.


Lutte contre la fraude : elle se décline dans le rapport à travers diverses mesures, dont l’ordonnance électronique qui se déploie et devrait assurer une plus grande sécurité de la délivrance, mais également une transmission croisée des informations entre l’AMO et l’AMC.


Dépenses de la branche Famille : le rapport déplore le fait que les excédents budgétaires de la branche aient servi à financer des transferts vers d’autres branches ces dernières années. Il plaide pour que les recettes de la branche Famille en pourcentage du PIB soient de nouveau garanties.


Il propose notamment la modification de la règle d’indexation des prestations familiales pour leur permettre une évolution plus dynamique, le développement de l’accueil du jeune enfant, la refonte du congé parental et la prévention de risques de santé en liés à l’alimentation.


Santé de l’enfant : le rapport met l’accent sur la santé mentale des enfants et adolescents (répondre aux besoins non couverts), ainsi que sur l’urgence de faire baisser le taux de mortalité infantile en France. Il rappelle les propositions formulées par le HCFEA pour une meilleure conciliation des temps professionnel et personnel pour les parents, ainsi que les outils de pilotage pour une montée en qualité affective éducative et sociale de l’accueil collectif pour la petite enfance.


La lutte contre la sédentarité et le repli sur les écrans est également évoquée.


Nécessité de tenir compte du vieillissement de la population : le rapport plaide pour une limitation du recours aux urgences et aux hospitalisations évitables pour les personnes âgées (forte mortalité aux urgences), ce qui implique de renforcer la médicalisation des Ehpad et de réfléchir à des solutions alternatives.


La diminution des dépenses de soins non pertinents est également avancée. L’accélération du développement d’habitats partagés et la refonte de l’allocation personnalisée à l’autonomie font également partie des pistes.


Le rapport rappelle également la nécessité d’une loi pluriannuelle sur le grand âge (point sur lequel le législateur s’est engagé dans la loi du 8 avril 2024 sur le bien vieillir).


La piste avancée d’une mobilisation plus forte des patrimoines des personnes âgées pour financer la perte d’autonomie appelle toutefois à la vigilance.


Dénonciation de la financiarisation du vieillissement : le rapport note les différents travaux récents qui ont mis en lumière le manque de régulation des acteurs privés lucratifs, que ce soit au niveau des crèches, de la santé ou des Ehpad. Il insiste sur la nécessaire transparence financière et sur les engagements des groupes, lesquels pourraient être matérialisés par des conventions.


Refus des transferts de charges AMO/AMC : le rapport estime que les transferts successifs engendreraient un changement de nature de notre système, qu’il ne souhaite pas. De plus, il estime que la hausse du ticket modérateur ne réduit pas la dépense de santé et a des effets comparables à ceux d’une hausse des prélèvements obligatoires.


Limiter la consommation de médicaments : parmi les pistes évoquées, figure la réduction de psychotropes chez les enfants, en forte augmentation ces dernières années.


Branche Accidents du travail/Maladies professionnelles : le rapport évoque le sur-risque encouru par certains salariés au travail (intérimaires, sous-traitants…). Il se prononce en faveur d’une meilleure approche de la santé au travail et pour l’engagement d’une réflexion sur la rénovation de la branche, en concertation avec les interlocuteurs sociaux.


Pédagogie citoyenne : le rapport insiste sur la nécessité de conforter l’adhésion citoyenne au système de Sécurité social français avec notamment un site dédié aux 80 ans de la Sécurité sociale.

 

Points de vigilance  


Nouvelles recettes pour la Sécurité sociale : le rapport estime qu’il est « totalement logique » que les revenus de remplacement soient financés par les cotisations sociales (ce qui est positif). Le rapport évoque toutefois la perspective d’une hausse de la TVA « sociale », tout en rappelant qu’elle est fortement rejetée par les organisations syndicales. Il pointe le fait que cette ressource supplémentaire, si elle était retenue, devrait nécessairement être fléchée pour financer le rééquilibrage des comptes.


Il évoque également la perspective d’une hausse de la CSG sur les revenus du capital.


Notre confédération rejette catégoriquement le recours à une hausse de la TVA et de la CSG .


Transfert du financement des arrêts de travail courts sur l’employeur : si les réflexions relatives à l’impact des conditions de travail, des méthodes de management sur le nombre d’arrêts de travail méritent d’être relevées, tout comme ceux relatifs à la prévention de la désinsertion professionnelle, il en va autrement de la piste d’un report du financement des arrêts courts sur l’employeur (aussi préconisé dans le rapport « Charges et produits »).


Cela constituerait un recul et engendrerait une hausse du coût de la prévoyance. Cette piste a aussi été évoquée dans le rapport « Charges et produits » avec la perspective d’un contrat prévoyance responsable. Derrière cette idée de « responsabilisation » des assurés sociaux, se profilerait une moins bonne indemnisation des arrêts de travail courts.


Réforme des ALD : le rapport préconise soit la création d’un double régime en matière d’ALD soit leur remplacement par un bouclier sanitaire avec un plafonnement de la participation des assurés sociaux. Cela reviendrait à se concentrer sur le « gros risque » et ainsi augmenter le reste- à-charge des patients en ALD.


Déremboursements :
 

 

  • en cas de prescriptions délivrées par des médecins non conventionnés : compte tenu des déserts médicaux, certains patients sont contraints de consulter des médecins non conventionnés, ce qui peut alors constituer une double peine. Quid également de l’information des assurés sur les médecins non conventionnés, est-elle suffisante ?
  • Les déremboursements pourraient aussi concerner le panier libre, ainsi que certains médicaments (service médical mineur) et cures thermales.


Révision du contrat responsable : le rapport reconnait la hausse des dépenses de santé de l’AMC en lien avec le déploiement de la réforme dite du « 100 % santé ».


Pour ce faire, il évoque plusieurs pistes d’économies (également partagées par le CTIP1) : allongement du délai de renouvellement des équipements optiques, interdiction de la publicité pour les lunettes de vue/audioprothèses, réduction de certaines prises en charge sur le panier libre.


Baisse de certaines exonérations : en particulier sur les titres-restaurant (le rapport a pris soin de rappeler que les organisations syndicales y sont opposées), mais aussi sur les heures supplémentaires, les indemnités de rupture conventionnelle et les contrats complémentaires santé/prévoyance. Rappelons sur ce point que la fiscalisation de ces contrats est déjà élevée en France.
 

(*) plus de détails: 

Synthèse du rapport "Pour un redressement durable de la Sécurité sociale"

Synthèse du rapport "Les leviers d’action pour un système de santé efficient et solidaire"

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