Participatif
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08 / 10 / 2015 | 133 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Quand le droit d’expression se dilue dans le management participatif

En 2010, l’avocat Bruce Dévernois portait une proposition de loi visant à ressusciter un droit d’expression quasiment mort-né en 1982. D’abord en proposant de ne plus exclure les sujets en rapport aux classifications, aux contreparties directes et indirectes du travail ou encore à la détermination des objectifs généraux de production de l’entreprise. « Le droit d’expression étant par définition collectif, il serait réducteur d’organiser son exercice simplement par rapport à son seul poste de travail, sans englober les interactions avec le travail des autres salariés », estime l’avocat qui proposait de pousser le bouchon encore plus loin en « articulant l’exercice de ce droit avec la négociation d’accords d’entreprise de façon à ce que l’expression des salariés sur l’organisation du travail et de ses contreparties au sein de l’entreprise puisse constituer une matière première pour les partenaires sociaux dans leurs négociations ». Une proposition de loi restée lettre morte faute de relais tant du côté des employeurs que des syndicats. Une CFDT pourtant réceptive à l’idée d’organiser « par les syndicats négociateurs d’une expression préalable des salariés sur le sujet de la négociation », comme elle l’a exprimé dans sa contribution au rapport Combrexelles.

Expression directe nécessaire mais insuffisante

La CFDT qui considère que « l’expression directe des individus est nécessaire et intéressante mais qu’elle est insuffisante pour un dialogue éclairé et complet sur un sujet aussi important que l’organisation du travail ». Et le syndicat de reconnaître le développement des groupes d’expression dans les entreprises à l’initiative des directions, en dehors de toutes références à la loi du 4 août 1982. « Cela ne doit pas relever exclusivement de la dimension managériale. Le collectif des salariés tel qu’il choisit de se faire représenter devrait pouvoir être entendu en tant que tel et avec les appuis auquel il a droit (expertise par exemple, mais aussi appui de l’organisation syndicale », estime la CFDT alors qu’aucun accord sur le droit d’expression ne prévoit une telle implication syndicale...

L’accord signé en 2012 chez Euriware se limite à ce que les comptes-rendus des réunions des groupes d’expression soient adressées aux CE, CHSCT et délégués du personnel. La CGT a bien tenté de faire jouer aux représentants du personnel un rôle d’arbitre dans les groupes afin de recadrer, si nécessaire, les échanges face à des « animateurs » trop directifs. La direction n’a pas voulu entendre parler de l’instauration d’un rôle, perçue comme celle d’une « police politique ». Les premiers retours des groupes ont été jugés positifs par les signataires, même si il n’y aura pas plus d’une réunion par an et par groupe puisque l’accord dégage un crédit d’une demi-journée par an.

Digestion managériale

Tout l’enjeu consiste à intégrer le droit d’expression dans l’activité quotidienne de l’encadrement. On en est encore loin tant les dispositifs mis en place ici et là ne sont pas généralisés. Chez Renault, les groupes d’expression expérimentés dans deux unités de l’usine de Flins et de façon tout aussi ciblée au Technocentre, se traduisent par deux réunions d’échange de 20 minutes chaque mois avec à la baguette des salariés référents élus par les pairs pour un « mandat » de 6 mois. C’est l’encadrement de proximité qui assure ici un rôle de régulation. Si les syndicats sont dans la boucle dans le suivi de l’expérience tant au niveau local que national, la direction ne tient pas à ce qu’ils s’immiscent dans le nouveau rôle de référent. Une direction qui ne manque pas de mettre en avant la qualité des groupes d’expression par rapport à l’approche classique des CHSCT. C’est sur la méthode de l’auto-confrontation croisée par vidéo de l’équipe de psychologie du travail du CNAM portée par Yves Clos que reposent les groupes d’expression expérimentés chez Renault, dont la DRH se demande bien quelles seraient les conditions d’une extension du dispositif à toutes les couches hiérarchiques de l’entreprise

À l’AFPA, c’est le CCE qui a demandé à la direction d’expérimenter la méthode du CNAM. Alors que la démarche n’a concerné que quelques métiers la direction assure vouloir internaliser la méthode pour l’étendre à tous les métiers. « La richesse des discussions qui découle d’une seule auto-confrontation est édifiante. On est déjà à la recherche de solutions qui questionnent tant le management, que la DRH ou les syndicats. C’est l’occasion de faire le lien entre ce support vidéo et les communautés numériques sur les métiers qui se mettent en place », explique Hervé Dufoix, DRH de l’AFPA. En attendant, c’est une instance de délibération avec le personnel, des représentants du personnel, les organisations syndicales et les directions des niveaux local, régional et national qui se met en place pour confronter les points de vue et décider des actions à mener.

Le participatif se niche ici et là sans jamais vraiment se fixer : pour accompagner des réorganisations ou pour enrichir le document unique de prévention comme cela a été le cas en 2009 à la Fnac quand la direction a voulu intégrer les risques psychosociaux. À l’époque, la présence de cadres dans les groupes d’évaluation avait été refusée par certains représentants du personnel...

Le cabinet Plein Sens, spécialisé dans l’analyse du travail, utilise les groupes d’expression pour faire transpirer la réalité du travail en partant du principe que les encadrants doivent être en capacité de faciliter cette expression au quotidien et en ayant des moyens en termes de régulation. « Le temps où l’on se posait la question de savoir si un manager rentrait dans la catégorie des leaders ou dans celle des experts est révolu. L’essentiel est désormais qu’il soit capable d’analyser le travail avec son équipe pour créer les conditions d’un échange construit sur les pratiques des uns et des autres. Ce n’est pas totalement naturel pour des managers formés à démultiplier des objectifs, les référentiels de qualité et à la tenue de tableaux de bord. Rendre explicite le travail, décrire et analyser une activité, impliquer le collectif : cela s’apprend », explique Étienne Forcioli Conti, président de Plein Sens.

Une expression sur le travail qui se trouve facilitée par l’écrit. C’est le positionnement de la coopérative Dire le Travail qui propose notamment des ateliers d’écriture sur le travail. Une démarche issue de l’expérience des Cahiers Pédagogiques, une association qui permet aux enseignants de libérer l’expression sur leur métier. Une source d’inspiration pour le Syndicat Général de l'Éducation Nationale CFDT qui a lancé un site baptisé Raconter le travail.

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