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Qualité de vie et bien-être au travail chez Brittany Ferries
Brittany Ferries est une compagnie de transport maritime basée à Roscoff (Finistère), employant près de 3 000 salariés et dont l’activité principale est d’assurer les liaisons transmanches, avec l’Irlande et l’Espagne.
Ma mission a débuté en avril 2008 au sein de cette entreprise dans un contexte de tensions
internes et de rupture. La disparition du « père » fondateur de l’entreprise avait entraîné un changement de cap. Par ailleurs, Raphaël Doutrebente, DRH de Brittany Ferries, souhaitait anticiper la transposition au niveau national de l’accord cadre européen sur le stress au travail. Il m’a ainsi sollicitée pour l’accompagner dans une démarche de détection des différentes sources de stress. Cette démarche s’est inscrite de façon volontariste, dans le prolongement d’une politique RH tournée vers l’humain.
En effet, sa politique est axée sur le dialogue, le respect des individus et le développement
des compétences. Une politique RH qui se veut donc essentiellement portée sur le développement des personnes et pour les personnes parce que la conviction de l’entreprise est que « les hommes de Brittany Ferries sont la clef de voûte du système ».
Nous avons pu travailler de façon très qualitative et élaborer un plan d’action ambitieux
grâce à un partenariat étroit basé sur une relation de confiance et de valeurs communes partagées.
Pour mener cette mission, je me suis appuyée sur un parcours RH opérationnel de 10 ans validé par un master en management des ressources humaines à l’Essec, cursus complété par une expertise en audit social et prévention des risques psychosociaux.
Mesurer la qualité de vie au travail
Pour ne pas me focaliser sur les tensions, le stress, les risques psychosociaux, j’ai proposé de mesurer la qualité de vie au travail au sein de Brittany Ferries. Des indicateurs quantitatifs et qualitatifs ont été retenus pour évaluer : les conditions de travail, les représentations « métier », la perception des salariés vis-à-vis du management, l’identification des sources spécifiques de motivation et/ou de démotivation….
Après cette phase de pré-diagnostic un questionnaire « sur mesure » a été diffusé à
l’ensemble du personnel. L’analyse quantitative et qualitative de la qualité de vie au travail a mis en relief, dans un respect absolu de l’anonymat, un matériau très riche : suggestions d’amélioration et mots clefs porteurs de solutions. Par ailleurs, les émotions des salariés et des managers ont pu émerger.
Les données qualitatives sont porteuses de subjectivité mais aborder le bien-être et la
qualité de vie au travail interroge fondamentalement le vécu au travail. La partie qualitative des données obtenue initialement par une relation de proximité avec le terrain puis complétée par la diffusion du questionnaire est certes subjective, mais lorsque l’on aborde le bien-être et la qualité de vie au travail, c’est bien du vécu au travail, tel qu’il est perçu par l’individu, qu’il s’agit.
Il convient ensuite de relier avec recul ces données subjectives, sans jugement ni a priori, pour tenter d’objectiver le subjectif et apporter ainsi un éclairage porteur de sens en se refusant de désigner un coupable ou un bouc émissaire.
- C’est en allant sur le terrain qu’apparaissent des trésors souvent cachés d’ingéniosité, de capacité à transformer le prescrit en valeur ajoutée souvent peu reconnue, car peu connue et souvent absente de la fiche de poste ou du système dévaluation.
C’est dans cette relation de proximité que l’on peut mesurer l’énergie qu’apporte à tout individu le sentiment d’être reconnu pour ce qu’il est et ce qu’il fait. À l’inverse, que de souffrances, quand il y a absence de reconnaissance authentique, de respect, d’écoute, de soutien, d’échange, de feed-back, d’une sous-évaluation de son potentiel, de ses compétences. Toujours dans cette relation authentique à l’autre, on s’aperçoit combien le soutien d’un collègue, d’un pair ou d’un responsable est un facteur protecteur de stress.
Le stress, c’est par exemple, se sentir rejeté par une équipe de travail ou éprouver la peur
de ne pas y arriver…
La partie quantitative de cette étude fait, quant à elle, apparaître globalement des taux
de satisfaction favorables sur des articles clefs, mais l’on observe aussi de fortes disparités en fonction des unités de travail.
Une analyse globale, puis segmentée au travers des 5 000 verbatims recueillis dans les
questionnaires, ont donné sens aux résultats quantitatifs et ont contribué à la fois à une
meilleure compréhension des résultats et à faciliter l’appropriation par les salariés du
plan d’action.
Restitution des résultats à tous les salariés
Si initier une telle démarche permet de renouer le dialogue entre direction, encadrement et collaborateurs, elle fait naître de nombreuses attentes. Cela nécessite donc en amont, l’engagement d’une direction de restituer les résultats auprès du personnel et de
mettre en œuvre un plan d’action.
Ce partenariat a mis en forme un document attractif reprenant les éléments essentiels de l’étude. Les salariés ont particulièrement apprécié la présentation des résultats de l’étude et du plan d’action.
- Pour accompagner dans les meilleures conditions les résultats de cette étude, nous avons fait appel à l’agence de communication « Icilondres ».
Il n’y a pas eu de remise en cause ; les salariés ont exprimé le sentiment d’avoir été écoutés. Ils ont perçu cette phase de communication comme un véritable signe de reconnaissance de la direction.
Des disparités importantes de maturité managériale Pour faciliter la prise de conscience de l’encadrement et l’acceptation des résultats, un
accompagnement spécifique a été mené auprès de l’encadrement de chaque unité de travail. Lors des sessions d’animation pédagogique, j’ai pu observer une prise de conscience de leur rôle dans le maintien ou le développement de la performance, de la motivation et
du bien-être de leur équipe.
Cette démarche d’accompagnement a confirmé entre autres, des disparités importantes de maturité managériale et la nécessité de poursuivre les efforts de formation par des actions plus ciblées de coaching.
Les résistances locales observées ont, quant à elles, renforcé la légitimité d’avoir mis en
place une démarche de prévention de stress, un sujet qui reste souvent tabou et dont les
mécanismes et les conséquences sont complexes à appréhender pour l’entreprise.
Si l’apport de cette étude n’est pas une évidence pour tous, elle l’est pour le plus grand nombre. Les bénéfices attendus et recueillis lors des sessions d’animation pédagogique en ont été l’expression la plus vivante.
Un plan de progrès en phase avec les attentes des salariés
Des pistes de progression ont également été proposées par les salariés. Elles portent essentiellement sur les relations humaines, l’ambiance, le cadre de vie, le management,
et la nécessité de renouveler chaque année cette étude pour pouvoir mesurer les progrès
accomplis.
Il est à noter que tous ces thèmes sont repris dans le plan d’action comportant également
des fondamentaux : communication, reconnaissance, système d’évaluation, mobilité et
promotion. La direction a, semble-t-il, bien appréhendé les signes d’apaisement du climat social. Cette sérénité retrouvée s’est forgée, au fil du temps de l’étude puis des actions de communication, grâce à la mobilisation autour d’un objectif commun : « mieux travailler ensemble ».
Pour la direction, il reste à concrétiser un plan d’action pertinent et ambitieux. De multiples changements vont apparaître, avec celui, majeur, concernant les ressources humaines : « mettre l’humain au cœur de notre défi économique ».
Le grand bénéfice est la construction d’une vision collective du futur, partagée par la majorité des professionnels de Brittany Ferries, vision nécessaire, essentielle, garante du succès de demain.
- Santé au travail parrainé par Groupe Technologia
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Excellente démarche , un exemple à suivre