NAO : quelles augmentations demander pour 2023 ?
L’arrivée de la fin d’année est l’occasion pour les élus du personnel de se préparer aux négociations annuelles obligatoires, dites « NAO ». Cette négociation s’inscrit dans un cadre inédit depuis des décennies, à savoir, une inflation forte et des risques de récession, liés à la guerre en Ukraine. Situation aggravée par une pénurie de personnel dans pratiquement tous les métiers…
Dans beaucoup d’entreprises, la rentrée de septembre s’est faite sous le signe des rapports de force : d’après l’étude de rentrée de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH), 39 % des DRH anticipent « une dégradation des relations sociales » dans leur entreprise. « Il y a un climat relativement tendu, pas seulement en raison de l’inflation, mais à cause de la machine à laver dans laquelle nous évoluons depuis trois ans, du Covid à la guerre en Ukraine en passant par les difficultés de recrutement, rappelle Benoît Serre, vice-président délégué de l’ANDRH. Côté DRH, la pression sur les salaires est réelle, surtout depuis un mois et surtout chez les salariés les moins rémunérés. »
Alors, que peuvent espérer négocier les syndicats et les salariés ? Tour d’horizon d’un sujet brulant !
Augmentations de salaire, la quadrature du cercle !
La situation exceptionnelle que nous traversons crée des intérêts contradictoires.
La récession annoncée incite les employeurs à la plus grande prudence, sur les augmentations octroyées, en raison d’une situation économique incertaine, tout en devant être attractifs, sur un marché du travail, marqué par la pénurie de main-d’œuvre.
Les salariés connaissent une baisse de leur pouvoir d’achat jamais vu depuis les années 80. Avec une inflation estimée à 5 % pour 2022 et 4 % pour 2023, ils souhaitent obtenir des revalorisations salariales significatives.
Les NAO s’annoncent difficiles. La multiplication des grèves en est l’un des symptômes.
NAO obligatoires dans certaines entreprises
La négociation annuelle obligatoire (NAO) sur les salaires concerne toutes les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives de salariés. Cette négociation est imposée par le Code du travail : Article L2242-1, modifié par Ordonnance n°2017-1385 du 22 septembre 2017 - art. 7 :
« Dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d'organisations représentatives, l'employeur engage au moins une fois tous les quatre ans :
1° Une négociation sur la rémunération, notamment les salaires effectifs, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l'entreprise ;
2° Une négociation sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, portant notamment sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération, et la qualité de vie au travail ».
Un accord collectif peut fixer une périodicité différente. A défaut, cette négociation a lieu chaque année.
L’employeur qui ne prend pas l’initiative d’engager cette concertation s’expose à des sanctions financières et pénales. Il lui appartient donc de convoquer les organisations syndicales pour négocier.
Les thèmes suivants sont obligatoirement abordés lors des NAO :
- Rémunération, temps de travail, partage de la valeur ajoutée
- Salaires bruts, primes, avantages en nature, etc.. à l’exclusion des décisions individuelles en matière de rémunération
- Durée effective et organisation du temps de travail
- Intéressement, participation et épargne salariale
- Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et qualité de vie au travail
- Articulation entre la vie personnelle et vie professionnelle
- Objectifs et mesures permettant d’atteindre l’égalité professionnelle
- Possibilité de maintenir l’assiette des cotisations des salariés à temps partiel au niveau de ceux des salariés à temps plein pour l’assurance vieillesse
- Mesures pour lutter contre la discrimination
- Mesures concernant l’emploi des handicapés
- Assurance frais santé
- Exercice du droit d’expression directe et collective des salariés
- Droit à la déconnexion
- Prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels
- Gestion des emplois et des parcours professionnels (entreprise d’au moins 300 salariés)
- Mise en place d’un dispositif de gestion des emplois et des compétences (GPEC)
- Mobilité professionnelle ou géographique interne
- Grandes orientations à trois ans de la formation professionnelle
- Recours aux différents contrats de travail, au temps partiel et aux stages
- Déroulement de la carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales
Comment se déroulent les NAO ?
En général, plusieurs réunions sont nécessaires. Lors de la première, sont déterminés le calendrier des réunions et la liste des documents qui seront remis aux délégués syndicaux. Les délégués syndicaux peuvent également s’appuyer, pour négocier, sur les documents contenus dans la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE). Ils y trouveront de nombreuses informations utiles.
Rappel : les employeurs d'au moins 50 salariés doivent mettre à disposition du comité économique et social (CSE) et des représentants du personnel cette BDESE. Elle rassemble les informations sur les grandes orientations économiques, sociales et environnementales de l'entreprise.
La ou les réunions suivantes doivent permettre aux pourparlers d’avancer. Il est important à ce stade que les élus avancent des revendications crédibles et argumentées, c’est-à-dire en phase avec les réalités économiques et financières de l’entreprise. Un argumentaire construit et étayé sera plus difficilement contesté par l’employeur, sauf mauvaise foi... Trop souvent, les élus se présentent devant l’employeur sans éléments concrets !
Tant que dure la négociation, l’employeur ne peut prendre aucune décision unilatérale sur les sujets abordés.
Il n’est pas obligatoire d’aboutir à un accord. Si les NAO aboutissent, un accord écrit est signé entre les parties. En l’absence d’accord, un procès-verbal (de désaccord) est établi. Il rappelle les propositions de chaque partie et les décisions unilatérales de l’employeur, éventuellement prises.
NAO 2023 : quelles augmentations demander ?
Les prévisions économiques
En raison de la guerre en Ukraine, il convient d’être très prudent sur les anticipations économiques. La Banque de France (note conjoncturelle du 15 septembre 2022) anticipe les projections suivantes :
- Croissance du PIB entre + 0,8 % et - 0,5 %,
- Taux d’inflation entre + 4,2 % et + 6,9 %.
Nota : La projection est entourée d’incertitudes très larges liées à l’évolution de la guerre russe en Ukraine. Les aléas portent à la fois sur les quantités et les prix d’approvisionnement en gaz, ainsi que sur l’ampleur et la durée des mesures gouvernementales de protection des ménages et des entreprises.
À l’horizon 2024, dans un contexte de détente graduelle des tensions sur les marchés de l’énergie, l’économie française « renouerait » avec une croissance plus soutenue de l’ordre de + 1,8 % et d’une inflation de +2,7 %.
Des directions RH frileuses sur les augmentations de salaires
Selon une étude menée par l’ANDRH (4 octobre 2022), malgré un contexte de forte inflation et de pénurie de personnel, les directions des ressources humaines (DRH) seraient réticentes à accorder de fortes augmentations de salaire.
« Ils alertent sur la difficulté de revaloriser les salaires au vu du contexte économique », affirme Benoit Serre, vice-président délégué de l’ANDRH et DRH de L’Oréal France.
Les résultats des NAO déjà engagées dans les entreprises
Augmentations de salaire négociées
De nombreuses entreprises, surtout les grands groupes, ont déjà engagé des négociations annuelles sur les salaires pour 2023. La tendance « s’orienterait » vers des hausses de rémunérations de l’ordre de +5 % à + 6 %.
Cette tendance n’est pas une surprise, elle correspond à la prévision d’inflation annoncée pour 2022. Les salariés ne gagnent donc pas de pouvoir d’achat, mais le maintiendrait.
Les délégués syndicaux des entreprises peuvent donc raisonnablement négocier des hausses de salaire de cette ampleur.
Partage de la valeur ajoutée négociée
Les NAO ont également porté sur d’autres thèmes : prime de partage de la valeur (PPV), négociation ou renégociation de l’intéressement et de la participation, rachat de jours de RTT.
Pour la prime de partage de la valeur (PPV), les sommes versées, y compris au sein d’entreprises de taille conséquente, varient très significativement : AMPHENOL (500 €), ALTHO (400 € brut), TRANSAVIA FRANCE (320 € net), 1 000 € chez RESEAU CLUBS BOUYGUES TELECOM, 1 100 € brut chez RTE et 1 200 € au sein de CRISTAL UNION et SEPHORA.
En tenant compte de 36 des accords mettant en place une PPV disponibles sur Légifrance, le montant moyen du plafond de la prime s’élève à 956,20 €.
40 % des entreprises envisagent de verser cette année la prime de partage de la valeur. « La prime de partage de la valeur est un outil apprécié des DRH qui permet de répondre aux attentes des salariés sans mettre en péril les équilibres moyen-terme de l’entreprise », précise Benoit Serre.