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07 / 11 / 2019 | 768 vues
Didier Cozin / Membre
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10 milliards d'euros du CPF des fonctionnaires mais aucune cotisation pour les former

En matière de formation, les pouvoirs publics sont passés maîtres dans l'art de créer des droits virtuels à la formation. Il en est ainsi depuis 2004 dans le secteur privé et 2007 pour le secteur privé avec un droit individuel à la formation (DIF) devenu compte personnel de formation (CPF) en 2015 (2017 pour le public), sans capacité de financière de mettre le droit d'initiative des travailleurs face à leur formation en œuvre.
 

Depuis 2007, les fonctionnaires ne peuvent toujours pas se former de leur propre initiative
 

L'État aime donner des leçons aux autres (en l'occurrence, les entreprises du secteur privé qui, en 2020, encourent une sanction de 3 000 € par personne non formée sur une durée de six ans) mais il s'avère incapable de donner l'exemple en mettant effectivement en œuvre les formations individuelles qu'il prétend promouvoir (y compris via la récente loi Dussopt, qui aborde le problème de la mobilité et du CPF sans imaginer la moindre enveloppe financière pour ce faire).
 

En février 2019, le député Jacques Savatier et le sénateur Arnaud de Belenet ont remis un rapport sur le CNFPT et les centres de gestion de la formation des fonctionnaires au Premier Ministre. Dans ce rapport, mention est faite du coût total du compte personnel de formation pour 6 millions de fonctionnaires : 10 milliards d'euros (environ 2 000 € par personne de droits cumulés depuis 2007).
 

Le DIF puis le CPF auront été des leurres dans la fonction publique
 


Aucune collectivité et quasiment aucun ministère ne s'est donné les moyens (ni ne les a accordés à ses services de ressources humaines) de déployer la formation professionnelle des agents et de leur permettre une individualisation des formations alors que les trois fonctions publiques (comme l'entièreté du monde du travail) vont affronter des enjeux éducatifs et sociaux majeurs :
 

  • la transition territoriale (avec la création de 13 régions et les réorganisations et mobilités qu'elle imposera) ;
  • une transition écologique (avec notamment la gestion des conséquences du changement climatique) ;
  • une transition numérique (avec la transformation rapide de nombreux métiers - intelligence artificielle, par exemple - qui, conjointement à l’allongement de la durée de travail liée à un départ plus tardif à la retraite, induira des carrières plus morcelées) ;
  • une transition démographique (avec de nombreuses reconversions et des transitions professionnelles).
     

Le compte personnel de formation des fonctionnaires est triplement handicapé
 

  • Il ne dispose pas d'un commencement de financement (excepté une mini-enveloppe de l'ANFH). Depuis 2007, on a laissé le dispositif cumuler des heures jusqu'au plafond des compteurs (150 heures), comme si l'acquisition d'heures de formation était un but en soi, comme l'addition d'heures de formation témoignait de la compétence (ou de la sécurisation) des agents.
  • Depuis 2019, le CPF des fonctionnaires « obéit » à des règles parfaitement divergentes comparé au CPF des salariés du secteur privé. En 2020, la Caisse des dépôts est supposée gérer (et financer) 33 millions de CPF : une vingtaine de millions de compteurs CPF des salariés (exprimés en euros), six millions de compteurs CPF des fonctionnaires exprimés en heures de formation et enfin trois millions de compteurs CPF des bénévoles des associations (sans financement évidemment).
  • Pour la plupart, les syndicats s'opposent à ce que les formations en développement des compétences se déroulent hors temps de travail, sur le temps libre des agents.
     

La politique de formation d'une organisation est une décision souveraine de la direction ; si celle-ci ne donne pas les moyens à ses services de mettre les lois et réglementations du pays en œuvre, il y a blocage et non-respect de la loi.
 

Dans de nombreuses collectivités locales, la DRH prétexte le manque de moyens accordés par la mairie à la formation pour éviter de mettre le CPF en œuvre. Ce manque de moyens n'est pas une fatalité : employer un fonctionnaire implique non seulement de lui payer son salaire mais aussi de le former régulièrement tout au long de sa vie. À cet égard, la cotisation de l'employeur dans la fonction publique territoriale (0,9 % de la masse salariale) reste symbolique. En entreprise, la moyenne des dépenses de formation est au moins de 3 % de la masse salariale. 
 

Si les employeurs publics ne peuvent former les agents, il faut qu'ils cotisent auprès de l'URSSAF comme les employeurs privés.
 

Le montant du CPF des fonctionnaires s'élève à 360 € par an et par agent (selon le tarif de 15 €/h du Ministère du Travail), soit environ 2 milliards d'euros par an. Si les administrations sont incapables de mettre les droits à la formation de leurs agents en œuvre, elles devront cotiser auprès de l'URSSAF (au moins 1 % de la masse salariale), ce qui autorisera enfin la mobilité entre le public et le privé, tout en s'attaquant aux changements importants qui taraudent le monde du travail.

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