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03 / 09 / 2009 | 2 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Paritarisme, l’heure des comptes a sonné

Les principaux maux du paritarisme sont connus. Il y a d’abord le paritarisme de façade dans lequel les partenaires sociaux se contentent d’occuper des sièges et des « jetons de présence » avec un simple rôle consultatif comme c’est le cas au niveau de l’assurance maladie. Depuis la réforme d’août 2004, la CNAMTS est ainsi essentiellement gérée par son directeur général. Une étatisation qui laisse peu de pouvoir aux organisations syndicales, réunies dans un « conseil ». Et la tendance se confirme avec la mise en place des futures agences régionales de santé (ARS) créées par la loi « Hôpital, patient, santé et territoire » qui vont être le lieu du pilotage du système de santé dans chaque région et qui absorbent les URCAM (Union régionales des caisses d’assurance maladie) où le paritarisme ne faisait que servir de décor.

L'enjeu du marché de la protection sociale

Des missions de service public pourront être attribuées par le directeur de l’ARS à des cliniques privées.

« Désormais, il y aura des missions de service public qui pourront être attribuées par le directeur de l’ARS à des hôpitaux publics mais aussi à des cliniques privées ou à des services dans des établissements privés », souligne Didier Tabuteau, directeur de la chaire Santé de Sciences Po et du Centre d’analyse des politiques publiques de santé de l’École des hautes études en santé publique. L’État entend assumer ses décision et sans chercher une pseudo-caution des partenaires sociaux au travers d’un paritarisme de façade qui ne renforce pas, par ailleurs, la crédibilité des syndicats de salariés dans l'opinion publique. Même tendance du côté de l’Unedic à la faveur de la création de Pôle Emploi. En juillet 2000, l’État était déjà intervenu pour refuser d’agréer la convention d’assurance chômage signée par le patronat, la CFDT et la CFTC.

Cette prise en main de l’État ne signe pas forcément la fin du paritarisme. Ainsi, Didier Tabuteau estime que les CPAM (Caisses primaires d’assurance maladie), dans lesquelles le paritarisme va subsister, « pourraient voir leur pouvoir s’accroître à la faveur de cette loi. » Le paritarisme n’est pas mort, il doit évoluer.

Dès 1995, l’Institut de l’entreprise lançait un groupe de travail sur le paritarisme en tant que mode de gestion d’une protection sociale en crise. L’occasion de prôner « une nouvelle vision du paritarisme » avec une clarification des rôles : « dans les domaines où les partenaires sociaux sont décideurs, et le cas le plus parlant est celui des retraites complémentaires, des décisions de l’État ont eu des répercussions sur l’équilibre des régimes. »

S’appuyant sur les conclusions d’un groupe de travail remises en mars 2009, une négociation des partenaires sociaux a démarré en juillet pour redéfinir la répartition des pouvoirs à la tête des groupes de protection sociale. La gestion paritaire des institutions de prévoyance devrait en sortir renforcée. Dans cette optique, la négociation devrait porter sur quelques gros enjeux comme la réaffirmation du rôle politique de l’association sommitale (le conseil d’administration paritaire d’un groupe) dont l’influence est parfois limitée par d’autres acteurs (le directeur général, un GIE...). Question cruciale de la gestion paritaire des institutions de prévoyance et des caisses de retraite complémentaires qui ne cessent de fusionner à l’heure où les assureurs et les mutuelles convoitent les marchés de l’épargne retraite, de la dépendance et de la santé.

Moins de gestion et plus de services

Au registre des maux, il y a aussi ce paritarisme qui se "contente" de gérer, comme c’est souvent le cas, au niveau de la formation et de l'emploi. Notamment dans les OPCA (Organismes Paritaires Collecteurs Agréés) qui traitent pas loin de 5 milliards d’euros dédiés à la formation professionnelle. Avec au passage des détournements de fonds divers et variés qui alimentent régulièrement les médias et des livres comme "L'argent noir des syndicats."

Là, l’État n’est pas encore intervenu directement pour faire le ménage mais la pression monte. En 2008, le groupe multipartite sur la réforme de la formation professionnelle, présidé par Pierre Ferracci, PDG du groupe Alpha, a préconisé que les OPCA développent davantage des prestations de services et de conseils à l'instar, par exemple, d'une association paritaire comme l'Apec, l'Association pour l'emploi des cadres. Et quand un organisme paritaire fonctionne bien, il fait des réserves dans lesquels l'Etat entend ne pas se priver de piocher.

Le 27 juin 2008, un document de travail de la Délégation Générale à l’Emploi et à la Formation Professionnelle (DGEFP) avançait la possibilité d’un reversement automatique des potentiels excédents de l’Apec. Le tout dans le cadre d’un contrôle global a posteriori du budget de cette association paritaire qui a développé une véritable offre de services. L’État a finalement reculé. Pas à l’Agefiph, l’association paritaire en charge de la gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées, dans lequel l’État a ponctionné 50 millions d’euros. Autre exemple avec le 1 % de logements où l’affectation des ressources ne se décidera plus que par des accords entre les partenaires sociaux et l’État.

  • Sur le champ des conditions de travail, des organismes paritaires comme l’ANACT et l’INRS ont été invités à se donner les moyens de développer du conseil, de la communication, sous peine de risquer une prise en main directe de l’État qui coordonne déjà les orientations de ces organismes, dont les périmètres d’intervention sont très proches, au travers de l’Afsset. À un moment, dans le cadre de la RGPP (Révision générale des politiques publiques), l’État a même pu être tenté de fusionner l’ANACT et l’INRS. La question s’est posée.


La réforme de la formation professionnelle prévoit bien une réduction drastique du nombre d’OPCA de 40 à 12 contre 99 actuellement. La CFDT s’est déclarée favorable à « une réduction très forte » du nombre d’Opca. Idem à la CGT où on serait favorable à des OPCA par filières d’activités. Restera à voir les contreparties car la présence d’administrateurs des syndicats représentatifs dans tous les OPCA alimente une bonne partie des « revenus » du paritarisme. Les partenaires sociaux récolte ainsi chaque année 1,5% de la collecte des Opca.

La réforme des OPCA va de pair avec celle des branches professionnelles portées par Jean-Frédéric Poisson, le député et secrétaire national de l’UMP en charge de l’emploi. Ce dernier recommande un regroupement des branches, davantage de prérogatives pour les syndicats dans la gestion paritaire et des moyens financiers dédiés. L'idée étant de gagner en efficacité. Notamment sur le plan de la formation. « Je rappelle que les OPCA sont théoriquement censées mettre en œuvre les orientations stratégiques définies par les branches. La réalité est tout autre », souligne René Gaborski, conseiller confédéral CGT chargé des activités de la formation initiale et continue. Cette volonté de Jean-Frédéric Poisson de donner plus de poids aux négociations et donc aux orientations des branches professionnelles ne s’inscrit pas dans la logique de la direction du Medef mais plus dans celle de l’Union des Industries et Métiers de la Métallurgie (UIMM).

Un Medef qui privilégie la micro-négociation

Voilà en effet d’un côté, un Medef qui revendique une levée des contraintes pesant sur les entreprises (loi, accords interprofessionnels, accords de branches) et de l’autre, une UIMM, qui a accepté le jeu du paritarisme depuis 1945, y trouvant un moyen de préserver une relative paix sociale dans ses usines. Comme l’indique le politologue René Mouriaux : « La bataille actuelle porte sur la contractualisation des rapports sociaux. Le Medef veut un dialogue social dans l’entreprise, au cas par cas. Cela vient en conflit avec l’UIMM qui a, pendant de longues années, négocié avec les syndicats à tous les échelons, et a développé une expertise technique et juridique dans cette optique ».

Pour Danièle Fraboulet, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Paris XIII : « Il faut se souvenir que l’UIMM est entrée à reculons dans le paritarisme, mais qu’ensuite elle y a trouvé son intérêt et en est devenue l’un des piliers, considérant qu’il est utile de connaître ses adversaires. Aujourd’hui, un certain nombre de patrons des services veulent remettre en cause le système paritaire. C’est un vrai choix de société qui se joue ». Le Medef veut-il encore d’un paritarisme nouvelle formule où il ne pourra pas faire l’impasse sur la question de la représentativité patronale ? Pour Jean-Frédéric Poisson, « la question de la représentativité patronale doit être réglée. Dans le prolongement de la loi du 20 août 2008 qui a réformé la représentativité syndicale, de nouvelles règles doivent définir les conditions d’accès à la table des négociations pour les organisations patronales. »

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