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10 / 12 / 2024 | 56 vues
Jean Meyronneinc / Abonné
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Un allongement très progressif de la durée de vie professionnelle des agents de la fonction publique de l’État

Les réformes successives des retraites, qui reportent les différents âges légaux des départs en retraite des agents publics et augmentent le nombre de trimestres nécessaires à une pension sans décote, ont rallongé mécaniquement leur vie professionnelle depuis une dizaine d’années. Une adaptation des outils de gestion des RH est à engager rapidement.

 

La réforme des retraites du 14 avril 2023 va sans nul doute amplifier le  phénomène dans un contexte marqué par une pyramide des âges des agents de l’Etat déjà vieillissante..

 

Qu'en sera-t-il vraiment?


La  Cour des Comptes , dans un rapport rendu public la semaine dernière, apporte des éléments de réponses pour éclairer concrètement le sujet....pour les fonctionnaires de la Fonction Publique de l'Etat .(1) Elle a  ainsi pu analyser les tendances de fond qui vont commander dans les dix prochaines années les évolutions démographiques de la FPE afin  de  préconiser un certain nombre de  mesures d’adaptation à ces évolutions. 

 

Pour la Cour, plusieurs  facteurs essentiels sont  à prendre en compte dans l’analyse de ce sujet :
 

- l’évolution démographique naturelle en raison de l’effet d’inertie dû à des carrières d’environ 40 ans,

- les paramètres de départ à la retraite combinant l’âge légal, la durée de cotisation et des bonifications diverses (services actifs, nombre d’enfants, carrière longue),

- et les fluctuations des politiques de recrutement.

 

Les principaux éléments de constat:

 

- Un allongement très progressif de la durée de vie professionnelle des agents de la fonction publique de l’État, elle-même caractérisée par son vieillissement

 

Selon la Cour, l’âge moyen des agents publics sera augmenté de 0,4 an à partir de 2030 et la tendance à l’allongement de la vie professionnelle serait d’un ordre de grandeur d’environ trois trimestres sur la même période. Pour elle, à noter que les conséquences budgétaires demeurent quant à elles contenues.
 

Elle souligne que les mesures d’âge seront d’un effet mineur, eu égard aux âges de départ élevés des agents de l’État, les agents civils sédentaires partant déjà en moyenne à 63 ans et 8 mois.
 

En revanche, l’augmentation régulière du nombre de trimestres de cotisation nécessaires pour obtenir une retraite pleine est d’un impact certainement plus important mais aussi plus difficile à cerner.
 

Enfin, avec le développement des recrutements de contractuels, la fréquence accrue de carrières antérieures à l’entrée dans la fonction publique rend également les projections dans ce domaine plus volatiles qu’auparavant.
 

S'intéressant logiquement aussi à la pyramide des âges, le rapport souligne que:
 

- La situation des agents de plus de 60 ans différencie nettement la FPE du reste de la fonction publique : depuis 2010, leur part dans les effectifs est passée de 4% à 9% en 2021, elle devrait s’élever à l’échéance de 10 ans à 12%, puis en 2040 à 14%.

- C’est l’importance des effectifs d’agents de catégorie A et, dans une moindre mesure, d’agents de catégorie A+, formant l’encadrement supérieur de l’État, qui explique cette spécificité.

- et qu'au  total ,la déformation du haut des pyramides des âges selon les versants de la fonction publique est due aux agents de catégorie A pour l’État et à ceux de catégorie C pour les collectivités territoriales

 

- Des segments de la FPE  sont plus affectés que d’autres par le double phénomène du vieillissement et du report de l’âge de départ à la retraite

 

L’analyse des pyramides des âges par départements ministériels, types d’emploi ou catégories statutaires, fait apparaître des zones de tension et de fragilité.
 

L’allongement de la vie professionnelle, même modéré, va accentuer le vieillissement de certaines catégories d’agents dont la situation est déjà détériorée : les cadres supérieurs, les membres de la fonction enseignante, les agents administratifs de catégorie A et B.
 

Près de 70 000 départs à la retraite sont prévus dans les cinq prochaines années. Il est urgent pour ces personnels d’anticiper ces évolutions sociales et professionnelles et surtout de définir les besoins de remplacement en fonction d’une réflexion sur les missions, les tâches et les compétences requises à l’avenir.
 

La fonction enseignante et les emplois dits d’encadrement supérieurs sont un autre sujet de préoccupation car ces catégories sont plus affectées que d’autres par l’allongement de la vie professionnelle. D’une part, ils entrent plus tard dans l’emploi public et ont ainsi tendance à dépasser l’âge de départ pour obtenir les droits à une retraite pleine, d’autre part leurs débouchés de fin de carrière sont limités.

 

-Une carence dommageable des prévisions démographiques à moyen terme, des anticipations dès lors impossibles pour profiler les politiques de recrutement et les effectifs de l’État
 

Les auteurs du rapport insiste sur le fait:
 

- qu'il  est contradictoire d’appeler de façon régulière à une gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC) de l’État sans avoir créé les conditions de sa mise en place.

- que les études d’impact des lois relatives aux réformes des retraites n’abordent pas spécifiquement la fonction publique

- et qu'aucune étude spécifique n’a été commandée par les pouvoirs publics dans ce domaine pour explorer les conséquences de l’allongement de la vie professionnelle sur des effectifs vieillissants.


Or il est impossible de construire une GPEEC sans projection à moyen et long termes des effectifs.

 

- Une adaptation des outils de gestion des ressources humaines est donc à engager rapidement

 

La Cour des comptes recommande donc, entre autres, de :

 

-Construire un appareil statistique en vue de produire des projections démographiques de l’emploi public de l’État.

- Lancer dans les plus brefs délais un travail conceptuel et collaboratif pour la création d’une GPEEC de l’emploi de l’État, selon une architecture déconcentrée et déclinable par département ministériel, voire par direction, par corps ou type d’emplois.

- Recenser les métiers ou missions pouvant être assurés grâce à la mutation d'agents plus âgés, accompagner ces mutations professionnelles par des dispositifs de formation et d’incitation indemnitaire existants.

- Définir une politique des ressources humaines de troisième temps de carrière pour les agents de l’État, conçue à un niveau interministériel.

-Demander aux administrations d’assortir leurs lignes directrice de gestion des principales orientations qui motivent les décisions individuelles de prolongement de la vie professionnelle au-delà de 67 ans.

- et d'utiliser les ruptures conventionnelles dans les cas d’absence de perspective de troisième temps de carrière constatée par l'employeur et lorsque le coût est inférieur au maintien dans l’emploi.

 

(1) Le rapport de la Cour des Comptes:

Lire le document (PDF - 4 MB)

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Études et Statistiques

 

En 2023, 157 000 nouvelles pensions de droit direct ont été attribuées à des agents qui ont travaillé dans la fonction publique. Les départs à la retraite connaissent un repli (− 2,6 %, après + 6,8 % en 2022), qui illustre le contrecoup d’une probable anticipation de la réforme des retraites l’année précédente.


Globalement, la moitié des retraites sont liquidées pour ancienneté dans un emploi sédentaire, une sur cinq l’est du fait de l’exercice d’un emploi de catégorie active, et une sur six pour carrière longue. Cette répartition varie fortement d’un versant à l’autre en fonction de la structure des postes le composant.


Depuis 2015, l’âge de départ à la retraite des fonctionnaires civils a augmenté d’un an et deux mois. En 2023, il est de 62 ans en moyenne, tous motifs confondus : c’est un mois de plus qu’en 2022. Cette même année, les agents sédentaires liquident leur retraite à 63,8 ans, contre 60,2 ans pour ceux qui ont occupé un emploi de catégorie active.


En 2023, trois pensions sur dix bénéficient d’une surcote, quatre sur dix ne sont ni décotées ni surcotées, tandis qu’une sur six est portée au minimum garanti et une sur sept est décotée.

https://www.fonction-publique.gouv.fr/toutes-les-publications/les-departs-la-retraite-dans-la-fonction-publique-en-2023