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06 / 03 / 2009 | 153 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Les limites des indicateurs de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes

Toujours plus. Les nouveaux indicateurs du rapport de situation comparée entre les hommes et les femmes, fixés par le décret du 22 août 2008, ne suffisent pas à beaucoup de délégués syndicaux. Chez Amadeus, la centrale de réservation, la CFDT demande ainsi cinq nouveaux indicateurs hommes-femmes (salaires moyens par niveau et par type de métier, effectifs par métier et par niveau, salaires à l’embauche par niveau et par type de métier, mobilité interne par division d’arrivée, taux de remplacement des personnes en congé longue durée par niveau hiérarchique). La CFE-CFG de Michelin demande quant à elle l’intégration du pourcentage de femmes participant aux plans de successions. Du côté de la CGT de Thales, on demande trois nouveaux indicateurs, par catégories professionnelles, que sont la date d’embauche, le coefficient à l’embauche et le diplôme à l’embauche.

Des indicateurs difficiles à commenter

« On peut toujours en demander plus mais on se rend compte que cela n’aide pas forcément au diagnostic » - Annie Ducellier, cabinet Isotélie Des indicateurs qui ne font pas partie du cahier des charges du nouveau rapport de situation comparée dont Anne de Ravaran, directrice juridique des ressources humaines de Thales, a conduit le groupe de travail au début de l’année 2008. « Il faut faire attention à ne pas trop multiplier les indicateurs. On peut toujours en demander plus mais on se rend compte que cela n’aide pas forcément au diagnostic », affirme Annie Ducellier, du cabinet Isotelie. Pour Isabelle Gueguen du cabinet Perfegal, lui aussi spécialisé dans l’accompagnement des entreprises en matière d’égalité professionnelle, « les rubriques commentaires associées aux rapports de situations comparées se réduisent souvent au strict minimum. Cela démontre bien la difficulté qu’il y a d’interpréter les indicateurs déjà existants ».

30 % des entreprises d’au moins 300 salariés ne se pliaient pas à l’exercice théoriquement obligatoire du rapport annuel de situation comparée, ancienne version, sans craindre quoi que ce soit de la part des inspecteurs du travail. C’est bien pour cela que le rapport de situation comparée, nouvelle formule, qui s’impose à toutes les entreprises de plus de 300 salariés simplifie et précise avant tous des indicateurs préexistants. Seuls les indicateurs sur l’ancienneté et les durées moyennes d’interruption dans l’activité salarié sont nouveaux. Les directions seront-elles plus enclines à remplir correctement ce rapport dont l’obligation est toute théorique ? Pas certain. « Aucun système informatique ne permet de sortir automatiquement le rapport de situation comparée. Les données à traiter viennent de systèmes différents », explique Annie Ducellier. Sans compter qu’il ne faut pas attendre que le système informatique produise les commentaires, même avec l’intelligence artificielle en option.

Il y a certes eu une indéniable simplification du rapport mais l’exercice pour le produire reste compliqué. Les directions se montrent donc d’autant moins enclines à aller au delà de l’obligation légale.

  • D’autant que certains indicateurs sont considérés comme sensibles. Chez Airbus, au niveau des cadres, le rapport indique qu’en 2007, 72,2 % des femmes contre 68,7 % des hommes ont reçu une augmentation individuelle. Mais la transparence a ses limites. Ainsi, mystère sur la place des femmes dans les 9 % de cadres ayant perçu une prime annuelle supérieure à 13,5 % de la rémunération annuelle.

Des indicateurs qui nourissent les négociations

Malgré leurs limites, les indicateurs permettent toutefois de nourrir les négociations des accords égalité professionnelle. L’occasion pour les syndicats de négocier des objectifs en terme de taux de féminisation. Lors de son premier accord de 2005, Michelin ne tenait pas à s’engager sur des objectifs de taux de féminisation. Le bilan à la fin 2008 montre que le taux n’a progressé que de 0,5 %. Ainsi, pour le nouvel accord triennal, la direction serait d’accord pour s’engager sur une progression du taux de féminisation de 5 % en 3 ans sur les métiers du commerce et de l’industrie.

Des indicateurs qui permettent de modérer les discours de certaines directions. La direction d’Auchan France a ainsi vu « une évolution en faveur des femmes » dans son bilan sur l’égalité professionnelle, présenté en commission paritaire nationale fin 2008. La CFDT y est allée de son bémol en soulignant que « là où il y a beaucoup de femmes, il y en a de plus en plus. Et là, il n’y en a pas beaucoup, il y a en de moins en moins... » Au niveau hiérarchique 9, le plus élevé, le nombre de femmes a diminué par rapport à 2006 (6 femmes en moins) alors que cette population a augmenté de 80 personnes... Le pourcentage des femmes augmente en revanche au niveau 2. C’est là que l’on retrouve 70 % d’entre elles.

Les indicateurs sur les écarts de rémunération permettent quant à eux de baliser des plans d’actions. Au Crédit du Nord, la situation individuelle d’un salarié est désormais analysée dès constatation d’un écart salarial supérieur à 10 % à niveau égal de qualification et de compétence et dans des conditions semblables d’exercice d’un métier.

  • La négociation des accords égalité professionnelle s’invite parfois dans les négociations salariales annuelles (NAO). Le groupe Caisse d’Épargne a, un temps, conditionné la réduction en 2008 des écarts de rémunération non justifiés, si l’accord salarial était signé par une majorité de syndicats.
« Cela ouvre une marge de négociation pour les salariés qui n’ont pas pris de congés parental  » - Marc de Raphélis-Soissan, CFTC de Thales Raytheon Systems Company SAS

L’exemple de l’avenant à l’accord égalité professionnelle de Thales Raytheon Systems Company SAS (défense aérienne), signé en décembre 2008, démontre bien l’incidence globale que peut avoir une telle négociation. Un des points clés de l’avenant indique en effet qu’au retour d’un congé parental d’éducation, le salarié bénéficiera d’une revalorisation du salaire égale à la moyenne des augmentations de sa catégorie professionnelle durant le congé. « Cela ouvre une marge de négociation pour les salariés qui n’ont pas pris de congés parental et qui n’ont pas eu de revalorisation salariale correspondant à la moyenne de leur catégorie professionnelle. Sur le principe, ils sont tout autant éligibles à un rattrapage », souligne Marc de Raphélis-Soissan, le délégué syndical CFTC de cette filiale de 660 salariés du groupe Thales où pas loin de 15 % des effectifs n’obtiendraient pas d’augmentations dans la moyenne. Histoire de ne pas ouvrir la boîte de Pandore, les directions préfèrent circonscrire le rattrapage au congé maternité. Une enquête conduite par le cabinet Isotélie, pour le compte de l’Anact, indique que 68 % des 51 accords égalité professionnelle signés entre 2005 et 2008 s’engageaient à garantir des augmentations salariales moyennes aux salariées durant leur congés maternité.

Priorité à la femme cadre

« L'indicateur femme cadre correspond encore largement à un modèle de cadre masculin » - Isabelle Gueguen, cabinet Perfegal

Des accords égalité professionnelle hommes-femmes qui ont tendance à se focaliser sur la place des femmes au niveau des cadres. Fin 2010, le Crédit du Nord vise une représentation des femmes dans la catégorie cadre supérieure à 40 %. L’accord de la branche Caisse d’Épargne de novembre 2007 se donnait 36 mois pour passer à 36 % de femmes cadres contre 29 % au moment de la signature. À la Société Générale, 40 % des salariées sont cadres (contre 35,7 %, fin 2005) avec un objectif de 42 %, fin 2011. « On peut tourner les choses différemment selon que l’indicateur va concerner le pourcentage de cadres qui sont des femmes ou le pourcentage de femmes qui sont cadres », prévient Isabelle Gueguen. Et celle-ci de mettre en garde sur le côté réducteur de l’indicateur femme cadre : « celui-ci correspond encore largement à un modèle de cadre masculin. Les hommes cadres sont très peu interrogés sur les questions d’équilibre entre vies professionnelles. La réflexion et les actions en faveur de l’égalité professionnelle doivent être globales ».

Dans ce contexte, les indicateurs représentent des conditions nécessaires, mais en aucun cas suffisantes, pour faire évoluer les mentalités, les pratiques, la culture. Des changements qui prennent du temps. Ne serait-ce que pour faire évoluer la répartition de ceux et celles qui négocient justement des accords égalité professionnelle. L’étude conduite par Isotélie révèle que les femmes représentaient 27,5 % des signataires des accords analysés. Et le cabinet de s’interroger sur le  « décalage entre l’objectif annoncé de féminisation de l’encadrement et un taux de 100 % de signataires masculins. »

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