Participatif
ACCÈS PUBLIC
17 / 03 / 2017 | 4 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
Articles : 4216
Inscrit(e) le 16 / 11 / 2007

Leader et après ? Quelles compétences font un secrétaire de CE, de CHSCT ou un patron de syndicat ?

Le 16 décembre dernier, Miroir Social et TrouverUneFormationCE.com organisaient une journée débat sur les trajectoires des représentants du personnel en partenariat avec Malakoff Médéric, le groupe Up, Secafi, Oasys Consultants et le réseau national des instituts du travail.



Retrouvez 25 intervenants sur 5 séquences dans le reportage textes et photos de la journée.

  • Comment les organisations syndicales se positionnent-elles en matière de reconnaissance de compétences des mandatés ?
  • De la loi à la réalité : quels sont les dispositifs pour valoriser l’expérience des représentants du personnel ?
  • Ex-syndicalistes ou toujours mandatés : ils sont diplômés ou certifiés  et ils témoignent.
  • Des représentants du personnel au cœur du travail : quel rôle pour les managers ?
  • Leader et après ? Quelles compétences font un secrétaire de CE, de CHSCT ou un patron de syndicat ?

Éclairage sur la dernière séquence

« Les faibles ne défendent pas les faibles ». La devise de Sébastien Crozier, président de la CFE-CGC d'Orange peut sembler abrupte mais elle est d’autant plus assumée après la série de suicides qu’a connu le groupe en 2008 et 2009, au plus fort de sa réorganisation : « il fallait être capable d’entendre la détresse des salariés et de les accompagner sans se mettre en danger soit même ». Avec cette approche, le syndicat s’emploie à identifier les quelque 200 militants « permanents » de la CFE CGC qui portent près de 1 000 mandats. « Il faut désormais se montrer pro-actif pour aller chercher les compétences qui nous manquent. Ce management de l’adhésion s’impose si l’on ne veut pas assister à une ubérisation des syndicats », considère Sébastien Crozier qui a « débauché » en 2016 l’initiateur de la communauté TSQTBCOQ (TuSAisQueTuBossesChezOrangeQuand), qui compte plus de 8 000 membres authentifiés sur un groupe privé de Facebook.

Ce président de syndicat occupe par ailleurs un poste de cadre dirigeant chez Orange concernant des projets de développement de nouveaux services à l’international. Il encadre ainsi une équipe de projets de 8 personnes et son temps de travail opérationnel varie de 80 à 20 % selon le contexte. À l’approche des élections, priorité va être donnée à l’activité syndicale. Une organisation opérationnelle en mode projet très flexible s’adaptant à sa charge de travail militante.

Capacité d'infuence

Ex-cadre sup’ de Hewlett-Packard, Jean-Paul Vouiller a basculé à temps plein dans la représentation du personnel après avoir refusé d’accompagner une restructuration au sein de ses équipes. Il a appliqué une rigueur professionnelle pour développer une CFTC qui a récolté 49 % des voix aux dernières élections de l’autonome 2016 mais qui compte aussi et surtout à laquelle 18 % des salariés adhérent. Au total, cela fait plus de 100 représentants à coordonner et à placer aux bons endroits, notamment par l’identification de 50 thèmes de spécialisation. « Le crédit d’heures de délégation dont nous bénéficions permet d’animer cette filière d'expertise en marge des stricts mandats dans les instances », explique Jean-Paul Vouiller, délégué syndical national qui développe un réseau de correspondants d’entreprise formés à l’écoute, aux paroles et à l’orientation des premiers secours des salariés en souffrance psychologique. La méthode certifiée est une déclinaison de l’approche de la Fédération des travailleurs du Québec (500 000 adhérents) qui anime depuis 32 ans un réseau de 2 500 délégués sociaux.

Pas question de miser sur un management autoritaire et priorité à la capacité d’influence, notamment dans la composition des listes au niveau du CHSCT. « Je n’ai aucune capacité de passer en force. À charge pour moi de convaincre qu’une diversité de sensibilités est nécessaire dans cette instance pour justement mieux converger sur un front uni en matière de conditions de travail, surtout face aux nouvelles restructurations auxquelles nous devons faire face », illustre ce leader syndical qui a toujours refusé d’accepter la voiture de fonction à laquelle son poste de rattachement lui donnerait théoriquement droit. Simple question d’exemplarité.

Une véritable petite entreprise

La compétence, c’est le point d’appui de Christine Fontaine, secrétaire du CE de l’Institut Gustave Roussy et secrétaire du syndicat FO de ce centre de lutte contre le cancer. Cette technicienne de radiologie a en effet passé un cycle de formation continue à l’Institut des cadres de santé avant de suivre un master 2 de négociations et de relations sociales à l’Université Paris-Dauphine. Ces diplômes conjugués à une expérience de direction de PME l’ont propulsée à la tête du CE alors que son syndicat, certes en progression, n’avait obtenu que 16 % des voix aux élections. Avec plus de 30 % de voix mais consciente de son manque d’expérience, l’UNSA avait préféré laisser la main. « Le CE est une véritable petite entreprise de près de 10 salariés qu’il faut gérer tout en démêlant les jeux syndicaux qui nuisent trop souvent à l’action », regrette Christine Fontaine préférant exprimer sa force de conviction au niveau de son syndicat.

Management de projet

De la capacité de conviction, il en faut à Anne-Juliette Tillay, secrétaire depuis 9 ans de l’union parisienne de l’UNSA et déléguée syndicale en charge des négociations chez Axa. « Une union représente l’interprofessionnel. On y trouve des syndicats qui n’ont pas forcément de prime abord des intérêts convergents. Au moment de la réforme des rythmes scolaires par exemple, il a fallu faire en sorte de trouver le point de convergence entre le syndicat de l’éducation et celui des éducateurs spécialisés », se rappelle la secrétaire qui concilie les intérêts des 17 membres du bureau d’une UD qui se bouge en mode projet quand il s’agit de faire un partenariat avec la ville de Paris pour accompagner les assistances maternelles.

Le syndicat Assmat des assistantes maternelles développant par ailleurs une stratégie d’adhésion à succès en jouant la carte de la proximité tant en face-à-face que sur Facebook. Résultat : plus de 1 000 adhésions ces 12 derniers mois. L’UD a aussi négocié une certification avec le CNAM pour les défenseurs syndicaux UNSA.

Le mode projet est aussi en place à l’union régionale CFDT d’Île-de-France qui compte 56 personnes physiques (21 ETP) encadrées par 6 exécutifs. Les statuts sont divers puisque l’on trouve une dizaine de salariés mais aussi des militants mis à disposition ou détachés. Tous passent désormais des entretiens d’évaluation afin de s’assurer qu’ils répondent aux exigences du terrain. « Un militant peut parfaitement se trouver en marge de quelques fondamentaux d’un fonctionnement académique en mode projet sans que cela ne pose de problème à partir du moment où le retour des militants est bon. C’est en effet le critère clef de l’évaluation », explique Diego Melchior, l’un des secrétaires régionaux de l’URI CFDT IDF qui, à 30 ans, a eu l’occasion d’avoir un parcours RH dans une grande entreprise puis celui d’un consultant dans un grand cabinet, avant de s’engager professionnellement dans le militantisme à temps plein. Et celui-ci de concéder n’avoir « pas pour vocation de passer encore 25 ans à la CFDT au regard des sphères de porosité qui existent entre l’engagement syndical et d’autres implications professionnelles ».

Pour Christophe Doyon, directeur général de Secafi, « management de l’adhésion, management de l’influence, management de la confiance et management de la conviction sont autant de déclinaisons découlant du leadership des responsables syndicaux et d’instances représentatives du personnel. Ce sont des compétences transversales que l’on demande à tous les managers. Pourtant, il faut malheureusement sortir de l’entreprise pour évoluer professionnellement en dehors du syndicalisme. Ce n’est pas un enjeu de compétences mais bien plus un enjeu de représentation. Or la division syndicale ne peut qu’alimenter des représentations caricaturales ». La reconnaissance est donc encore loin d'être au rendez-vous, la perte de compétences est importante. En attendant, la pression est forte. « Quand un leader syndical doit simultanément batailler à la fois contre la direction, d’autres syndicats et parfois même au sein de son propre syndicat, mieux vaut qu’il ait une forte capacité d’écoute, de persévérance et de résistance au stress », souligne Christophe Doyon. En 2016, le cabinet a d'ailleurs publié un guide pour la prévention des risques psychosociaux des représentants du personnel.

Pas encore de commentaires