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La structure de la rémunération : un avantage individuel acquis
La Cour de cassation a récemment apporté d’importantes précisions relatives à la notion d’avantage individuel acquis (Cass. soc., 2 mars 2016, n° 14-16414 à n° 14-16420).
Ces précisions sont précieuses. Le concept d’avantage individuel acquis n’est, en effet, pas toujours aisé à appréhender.
Or, l’enjeu est important puisque lorsqu’une convention collective dénoncée n’a pas été remplacée par une nouvelle convention à l’expiration d’un délai d’un an à l’issue du préavis (soit 15 mois), les salariés conservent les avantages individuels acquis (art. L. 2261-13 du code du travail).
Le législateur n’a pas défini la notion d’avantage individuel acquis
La jurisprudence l’a défini comme celui qui, au jour de la dénonciation de la convention collective, procurait au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et pas simplement éventuel (Cass. soc., 13 mars 2001, n° 99-45651 ; Cass. soc., 18 janvier 2006, n° 03-44753).
En matière de rémunération, il a très rapidement été considéré que le niveau de la rémunération constituait un avantage individuel acquis (ex. Cass. soc. 22 avril 1992, n° 88-40921 ; Cass. soc., 26 janvier 2005, n° 02-44712).
Dans un arrêt du 1er juillet 2008 (Cass. soc., 1 juillet 2008, n° 06-44437), la Cour de cassation a jugé que la structure de la rémunération constitue, au même titre que le niveau de rémunération, un avantage individuel acquis.
Dans le présent arrêt, la Cour de cassation complète sa jurisprudence en jugeant que l’engagement unilatéral de l’employeur contraire au principe énoncé dans l’arrêt de 2008 ne peut avoir force obligatoire.
En l’espèce, des salariés bénéficiaient en vertu d’un accord collectif, outre d’un salaire de base, de primes de vacances, familiale et d’expérience.
À l’issue du délai de survie de l’accord, en octobre 2002, l’employeur informe les salariés que ces primes ne figuraient plus, comme auparavant, de manière distincte sur les bulletins de paie mais qu’elles seraient intégrées au salaire de base.
Eu égard à la décision rendue le 1er juillet 2008 par la chambre sociale, à compter de 2010, l’employeur a établi des bulletins de paie mentionnant, sur des lignes distinctes, le salaire de base et chacune des primes maintenues au titre des avantages individuels acquis pour des montants cristallisés à la date de leur incorporation aux contrats de travail.
Une action en justice est engagée par plusieurs salariés. Les intéressés se fondent sur l’engagement unilatéral pris par l’employeur en 2002, non dénoncé depuis, d’intégrer les primes dans l’assiette du salaire de base. Selon eux, les primes intégrées auraient dû suivre l’évolution du salaire de base.
La Cour d’appel accède à leurs demandes et condamne l’employeur à établir, pour chacun des salariés, pour la période allant d’octobre 2008 à novembre 2013, des bulletins de paie faisant apparaître distinctement le salaire de base et chacune des primes maintenues au titre des avantages individuels acquis valorisées en fonction de l’évolution du salaire de base. Ce raisonnement est censuré par la Cour de cassation. Le juge considère que l’engagement unilatéral de l’employeur pris dans un tel contexte est dépourvu de force obligatoire.