La crise : d’où elle vient, où elle va ?
Acte 1 :2001- 2005 Crédit à go-go
Normalement une banque est limitée dans sa possibilité de faire des prêts : un prêt est risqué (l’emprunteur peut ne pas payer) elle doit donc avoir une richesse suffisante à couvrir une partie de ces risques : une partie seulement, car on sait, statistiquement, que la plupart des gens et des entreprises remboursent…
Entre 2000 et 2006 les banques américaines développent de manière exponentielle le crédit, en particulier le crédit habitat, aidées par le premier domino, des taux d’intérêts très bas (voulus par la banque fédérale américaine, la FED, pour relancer l’économie et contrer la récession de 2001) et de nouvelles techniques financières qui permettent aux banques d’aller au-delà des limites posées par ces règles de bonne gestion. Comment ?
Les banques ont transformé leurs crédits (immobiliers surtout mais pas seulement) en titres négociables sur les marchés financiers : l’acquéreur recevra une partie des intérêts payés par les emprunteurs. L’argent que la banque récolte en vendant ces titres-créances lui servira à faire d’autres crédits. En clair, pour prêter la banque s’endette et elle offre comme garantie de sa dette ses crédits, eux-mêmes garantis par les maisons (dominos deux et trois).
Même en cas de non remboursement, la banque pourra récupérer le bien et le vendre et ainsi honorer sa dette vis-à vis du porteur de titre (les titres sont appelés MBS ou ABS, sigle anglais qui signifie « titre assis sur une hypothèque ou titre assis sur un actif). De plus, souvent, ces titres sont contre-garantis par une sorte d’assurance ( dite monoline… mais là je vous passe l’explication du terme ! c’est le domino quatre).
Les titres sont donc considérés comme sûrs et offrent un bon rendement. Les fonds d’investissement (domino cinq) en sont « friands » et les banques d’affaires (domino six) spécialisées dans ces montages sollicitent - plus ou moins directement - les banques de détail (la banque de monsieur Toutlemonde) à vendre de plus en plus de crédits.
Des produits sophistiqués de crédit-habitat atteignent ainsi les strates les plus risqués parmi les consommateurs (les NINJA : No Income, No Job, no Assets = sans revenu, sans travail, sans patrimoine…). Ces crédits, appelés subprime, deviennent, eux aussi, des titres … Entre temps le prix des immeubles augmente, poussé par une demande devenue, grâce à ces crédits, « solvable ».
Les rendements intéressants des ABS/ MBS ont poussé certains fonds d’investissement et banques d’affaires à s’endetter pour en acheter. Ils ont pour cela émis des obligations à plus court terme (CDO: obligations ou titres sur dette collatérale… ça n’a rien à voir avec les dégâts collatéraux des bombardements.. quoique..). Avec l’argent récupéré par les ABS vont rémunérer les porteurs de CDO. Qui a acheté ces CDO ? D’autres fonds, d’autres banques,américaines, européennes.. mondiales…(Dominos sept, huit, neuf …)
Acte 2 : 2005- 2007, l’éclatement de la bulle immobilière
Vers 2005 les taux d’intérêts remontent (le premier domino vacille…). De plus en plus d’emprunteurs américains commencent à se trouver piégés par des mensualités qui grandissent à cause de mécanismes sophistiqués de remboursement de crédits (différés de remboursement de capital, mensualités croissantes etc.). La demande de maisons s’essouffle, l’offre explose sous l’effet, entre autres, des saisies/ventes… Le marché immobilier américain entame sa baisse : dans certains états, ils’ écroule… tout simplement.
Acte 3 : Juillet 2007, la crise des subprimes
Les emprunteurs ont des difficultés de remboursement et la valeur des garanties réelles (la maison) baisse : les banques de détail qui ont prêté ont de plus en plus de mal à récupérer l’argent. Elles ont donc de plus en plus de mal payer leur propre dette aux porteurs des titres ABS (fonds d’investissement et autres banques) qu’elles ont vendu (domino deux touché, parfois coulé).
En août 2007, la banque américaine Countrywide et deux des plus anciennes banques du pays sont au bord de la faillite. Les titres émis par ces banques s’effondrent, et avec eux les autres titres de même nature. C’est la crise des « subprimes ».
Acte 4 : Automne 2007, début de la crise de liquidité
Les ABS et autres titres de ce genre sont désormais disséminés dans les fonds d’investissements et des institutions financières du monde entier. «Sûrs» et rémunérateurs ils rentrent dans les « paniers » dynamiques, comme dans les plus « sages ». Mais, plus personne n’en veut, les institutions qui en ont ne peuvent plus les vendre.
En se soupçonnant mutuellement d’avoir dans leur bilan ces actifs ou des « dérivés » de ces actifs, les banques commencent à douter de la solvabilité de leurs consoeurs : une banque qui a des titres poubelles ne peut pas les vendre pour repayer ses dettes, une banque qui n’en a pas ne peut pas emprunter car on soupçonne qu’elle en a… Plus aucune banque ne prête à l’autre, ou alors, elle demande d’importantes primes de risque faisant ainsi monter les taux d’intérêt, notamment à (très) court terme : du jour au lendemain certaines banquent ne peuvent plus trouver de l’argent nécessaire à « faire rouler » l’activité, alors qu’elles ont dans le ventre des milliards d’actifs , en grande partie encore bons !. C’est la crise de liquidité…(les dominos de trois à neuf vacillent,il « s’appuient » l’un sur l’autre, globalement ils se tiennent encore dans un équilibre précaire…)
Acte 5 : …crises, faillites, palliatifs monétaires et nouvelles crises
Un peu comme si, à notre niveau, on acceptait la garantie d’un chômeur pour la location d’un F5 dans le 16ème, uniquement parce que le chômeur a une maîtrise de math Dans l’impossibilité d’une part de céder des actifs (parce que personne n’en veut) et d’autre part d’emprunter auprès des consoeurs, certaines banques voient le spectre de la faillite s’approcher : tels Northern Rock , banque anglaise , qui ne peut plus faire face au retraits massifs d’argent de ces clients. Pour faire repartir la machine grippée aux USA, la FED « injecte » de l’argent frais dans le système financier américain : en clair elle « prête » aux banques l’argent qu’elles ne trouvent plus sur les marchés, et elle le fait à des taux de plus en plus bas. Cela leur permet de souffler un peu. Au Royaume Uni la nationalisation de Northern Rock « sauve » les dépôts des épargnants …
Par ailleurs, les Monoliners (rehausseur de crédits en français) , les « assureurs » qui garantissaient touts ces titres commencent a sentir le roussi : il risquent de donc verser de l’argent pour des centaines de milliers de milliards ( je l’écris en lettres et pas en chiffres, ça fait plein de zéros , on s’y perds) de titres et produits dérivés divers.
Le coté absurde est que ces institutions n’appliquent pas à proprement parler les principes des assurances. En particulier ils ne bénéficient pas de réserves cumulées en « garantie » de ces risques : un peu comme si, à notre niveau, on acceptait la garantie d’un chômeur pour la location d’un F5 dans le 16ème, uniquement parce que le chômeur a - tout de même - une maîtrise de math…(et je m’excuse avec les matheux au chômage) .
Ainsi, face à la vague de défaillance des titres garantis, nombre d’entre eux risquent de ne pas pouvoir honorer leurs engagements. L’assurance des ABS pourrait donc ne pas fonctionner.
Cela explique pourquoi on a commencé, l’année dernière par donner un chiffrage des pertes à l’automne 2007, puis on l’as revu en janvier, puis en mars … chaque fois qu’une pièce du domino financier « déclare » d’être touchée ,elle «appuie » un peu plus sur les autres, qui doivent refaire leur comptes et annoncer de nouvelles pertes, entrainant de nouveaux calculs pour les autres etc.
Par exemple : pourquoi chez nous on a très peur depuis quelques semaines ? Entre autres parce que AIG ( l’assureur américain qui a « failli faire faillite » et qui, finalement a été repris par l’état ) garantissait des sommes très importantes détenues ou émises par des établissements européens : votre maison est en train de brûler et on vous appelle pour vous dire que votre assureur n’a plus un sous … Vous vous portez toujours bien ?
Acte 7 : Le passage du financier au réel
Les faiseurs de fusions-acquisitions eux par contre n’ont pas trop de souci à se faire ! La crainte majeure, qui devient de plus en plus une réalité, est que, suite à la crise financière les USA d’abord, et les autres pays occidentaux ensuite, subissent un ralentissement considérable de la croissance, voire une véritable récession. Cela signifie des vaches maigres pour tous, pas seulement pour ceux qui ont eu des vaches aux hormones jusqu’ici … Pourquoi ?
Plusieurs mécanismes font penser que « le passage au réel » est inévitable :
Les USA sont le plus gros consommateur au monde : quand ils sont moins riches ils consomment moins et donc les autres pays vendent moins. En plus petit ( mais plus proche de nous)le même raisonnement peut être fait pour le secteur financier, qui est un consommateur friand de certains services, informatiques notamment (quant aux faiseurs de fusions-acquisitions eux par contre n’ont pas trop de souci à se faire !).
Il est vrai que la grosse majorité des exportations européennes se font dans la zone euros mais, désormais même les banques européennes ont vraiment des soucis. En ce moment elles ont moins d’argent à prêter et donc elles y font (plus) attention. Mais jusqu’à hier nombre d’entreprises vivait grâce à ces largesses, ou se projetait dans le futur en les prenant en considération : on est comme une voiture qui est en train de rouler (plus ou moins) vite et qui soudainement à des problèmes d’alimentation elle va encore rouler, mais elle va ralentir, tousser…La distance qu’elle va parcourir, si elle ne règle pas son problème, sera fonction de l’habilité du conducteur …
Même si une entreprise n’est pas trop dépendante de sa banque la situation de « panique » va certainement influencer les décisions à prendre : elle sera plus prudente, plus austère, cela signifie qu’elle ira moins vite, cela signifie qu'elle « ralentira sa (la) croissance ». Les économistes appellent ce phénomène « les prophéties qui s’auto vérifient »
On le voit ces jours ci, les « marchés » anticipent le ralentissement et les bourses chutent : en clair, je vends mes actions maintenant car je pense que demain elles vaudront encore moins . Quel effet sur l’économie réelle ? Là encore la réponse est à tiroirs.
- Ma belle-mère (Mme Toutlemonde) a une partie de son argent sur une sicav actions (merci le conseiller financier de la gentille banque !) … à Noel elle sera moins généreuse, ça fera de la « croissance » en moins, pour les produits français…
- Mon beau-frère travaille dans une boite cotée. La boîte devait s’agrandir et pour cela « lever de l’argent » : mais ses actions chutent, elle va avoir du mal à faire une augmentation de capital, et, en plus les vieux actionnaires vont demander de récupérer en dividendes ce qu’ils ont perdu en capital … il va y avoir une réduction d’effectifs … mon beau-frère renonce à s’acheter une nouvelle voiture.. on ne sait jamais que ça tombe sur lui, la réduction….
Et dans tout cela nous, engagés dans les questions sociales allons faire quoi ? Répondre à l’appel de l’unité nationale face à la grande méchante crise « imprévisible » et « jamais-vue-mais-tout-de-même-moins-grave -qu’en-29 », se serrer les coudes (trad : la ceinture) avec/pour ceux qui , depuis longtemps , ne trouvent plus de pantalons à leur taille ?
Ou allons nous nous retrousser les manches et faire de cette crise une opportunité comme jamais pour remettre les hommes, tous, à leur juste place dans l’économie ?