Organisations
Souffrance au travail : IV - la réingénierie
La réingénierie, que l’on pourrait tenter de traduire par « écrasement de la pyramide hiérarchique » ou encore « création d’organigrammes en râteau », nous a été présentée, vers le milieu des années 1990, sous des aspects particulièrement alléchants : repenser les processus de l'entreprise dans l’optique d’une efficacité optimale à coût réduit. Rien de plus.
Du coup, les dirigeants des grandes entreprises, souvent peu aguerris au fonctionnement des hommes et surtout à celui des groupes car issus de grandes écoles que ces « basses contingences matérielles » n’intéressent pas, ont vu dans cette promesse une recette magique, apte à améliorer en un temps record la gestion des ressources humaines. Apte aussi, et surtout, à réduire les coûts du travail et accroître la productivité, cette vertu cardinale du point de vue de ces mêmes grandes écoles, bien connues pour ne s’intéresser qu’à la gestion et aux résultats financiers mais surtout pas à la matérialité du travail, ni au bon fonctionnement des équipes.
Un constat depuis longtemps regretté par plus d’un économiste. Récemment encore, par Daniel Cohen, professeur à l’école normale supérieure, qui explique sur liberation.fr le 25 janvier 2010 sous le titre « Il y a une vraie révolution à faire » : depuis une vingtaine d’années, dans les écoles de commerce, on enseigne l’art du management par le stress, ce qui est catastrophique. Ces écoles forment des managers dans les ressources humaines qui font ensuite tout pour rendre les gens malheureux.
Comme il fallait s’y attendre, les problèmes typiques (et connus depuis longtemps) de l’organisation matricielle sont vite apparus :
Au début des années 2000, alors que la réingénierie avait considérablement élargi son emprise, en réponse à ces graves inconvénients des études ont commencé à confirmer l'importance fondamentale de l'affectif dans les situations de changement, ainsi qu’à mettre en garde contre l'inflation du discours managérial qui tourne à vide et cède aux pressions de l'idéologie ultralibérale.
Dans le même temps, certains se sont mis à pointer du doigt le vide préjudiciable laissé par la disparition progressive du management intermédiaire que l’« empowerment », cette « nouveauté » qui vient tout juste d’être mise à l’ordre du jour du cercle des décideurs, ne suffirait pas à combler.
À suivre > Souffrance au travail : V - l’« empowerment »
Du coup, les dirigeants des grandes entreprises, souvent peu aguerris au fonctionnement des hommes et surtout à celui des groupes car issus de grandes écoles que ces « basses contingences matérielles » n’intéressent pas, ont vu dans cette promesse une recette magique, apte à améliorer en un temps record la gestion des ressources humaines. Apte aussi, et surtout, à réduire les coûts du travail et accroître la productivité, cette vertu cardinale du point de vue de ces mêmes grandes écoles, bien connues pour ne s’intéresser qu’à la gestion et aux résultats financiers mais surtout pas à la matérialité du travail, ni au bon fonctionnement des équipes.
Un constat depuis longtemps regretté par plus d’un économiste. Récemment encore, par Daniel Cohen, professeur à l’école normale supérieure, qui explique sur liberation.fr le 25 janvier 2010 sous le titre « Il y a une vraie révolution à faire » : depuis une vingtaine d’années, dans les écoles de commerce, on enseigne l’art du management par le stress, ce qui est catastrophique. Ces écoles forment des managers dans les ressources humaines qui font ensuite tout pour rendre les gens malheureux.
- L’hypothèse posée par la réingénierie étant somme toute de supprimer la plupart des agents de maîtrise et des cadres moyens (mais sans jamais le dire ouvertement), ce qui donnerait aux cadres supérieurs l’occasion de plus et mieux déléguer, il fallait pour cela abandonner l'organisation verticale (pyramidale), en faveur d'une structure horizontale. Ce fut rapidement chose faite par la mise en place d’une nouvelle organisation, dite matricielle. C’est-à-dire, pour l’essentiel, par le raccourcissant significatif de la ligne hiérarchique sensé déplacer de lui-même la décision vers les personnes qui côtoient le client. Et donc, un raccourcissement sensé offrir aux opérationnels une plus large marge de manœuvre baptisée pour l’occasion « empowerment ». Nous y reviendrons.
Comme il fallait s’y attendre, les problèmes typiques (et connus depuis longtemps) de l’organisation matricielle sont vite apparus :
- Tout d’abord, la multiplication d’organigrammes dans lesquels un responsable encadre directement un nombre important de collaborateurs (jusqu’à trente, voire plus, d’où l’image du râteau). Ce qui a mécaniquement eu pour effet d’accentuer la distanciation entre encadrant et encadré, et donc de dégrader la communication.
- Puis, deuxième difficulté, la question jusque là escamotée de la véritable volonté de délégation, c’est-à-dire de confiance, des « nouveaux » responsables envers leurs « nouveaux » collaborateurs. Il faut en effet savoir que pour tout hiérarchique, accepter de « prêter » une partie de ses prérogatives en délégant revient à s'en priver soi-même. Ce qui signifie que la délégation ne se décrète pas, mais se choisit. En réalité la délégation est non seulement une technique qui se choisit, mais elle se prépare, s’explique, se négocie et se suit dans le temps cf Le management durable (page 37 et suivantes).
- En troisième lieu, est venu s’ajouter un autre inconvénient tenant à la création même d’une organisation de type matriciel : l’un des buts de la réingénierie étant de réduire significativement le nombre de cadres de proximité, ces disparitions ont rapidement laissé planer sur l'ensemble de la nouvelle organisation une inquiétude plus ou moins diffuse de type « à qui le tour ? ».
- De son coté, l’information, pourtant très officiellement démultipliée par des outils électroniques (conférence téléphone, visioconférence, plateformes de formation, systèmes d'information interne, téléphones mobiles) prétendant se substituer à la relation humaine entre dirigeant et dirigé, a commencé à manquer. On avait une fois de plus singulièrement oublié l’histoire, en oubliant la différence entre quantité et qualité de l’information. Pourtant les études sur la question sont nombreuses, connues et depuis longtemps confirmées.
- À l’inverse, l'informatique s’est rapidement imposée comme le moteur d’une organisation néotaylorienne truffée de « reporting » et autres outils de traçabilité, qui ont vite frisé l’agression en accroissant considérablement la visibilité sur le travail de chacun, et donc le contrôle central.
Au début des années 2000, alors que la réingénierie avait considérablement élargi son emprise, en réponse à ces graves inconvénients des études ont commencé à confirmer l'importance fondamentale de l'affectif dans les situations de changement, ainsi qu’à mettre en garde contre l'inflation du discours managérial qui tourne à vide et cède aux pressions de l'idéologie ultralibérale.
Dans le même temps, certains se sont mis à pointer du doigt le vide préjudiciable laissé par la disparition progressive du management intermédiaire que l’« empowerment », cette « nouveauté » qui vient tout juste d’être mise à l’ordre du jour du cercle des décideurs, ne suffirait pas à combler.
À suivre > Souffrance au travail : V - l’« empowerment »
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