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Risque de « chantage » à la signature conjointe d’accords APLD et de plans de départs volontaires au rabais
Le gouvernement vient de procéder à d’importants assouplissements du nouveau système des Accords Partiels de Longue Durée (APLD) par un décret du 29 septembre 2020 (n° 2020-1188). Ces assouplissements augmentent aussi les risques de "chantage à l’APLD".
Le premier assouplissement ne pose pas de difficulté : le non respect des engagements pris n'entrainera désormais plus de suspension des aides s'il s'avère que « les perspectives d'activité se sont dégradées par rapport à celles prévues dans l'accord collectif ou le document de l'employeur ».
C’est le second assouplissement qui est source de risques. Jusqu’à présent, le régime prévoyait une obligation de remboursement des aides perçues pour tous les salariés « dont le contrat de travail est rompu » pour motif économique pendant la durée de recours au dispositif. Désormais, cette obligation ne concerne plus que les salariés « dont le licenciement est prononcé » (pour motif économique).
Il s’agit là d’une différence de taille. Il est en effet ainsi reconnu explicitement la possibilité de mettre en place de manière conjointe des accords APLD et des plans de départs volontaires (ruptures conventionnelles collectives (RCC), accords de congés mobilité, PDV sous forme de PSE).
Cette possibilité de cumul augmente les risques d’un « chantage » à la signature conjointe d’accords APLD et RCC/congés mobilité.
Cette stratégie consiste à subordonner la signature d’un APLD (et le bénéfice des avantages de l’Etat) à la signature par les syndicats d’un accord RCC/mobilité prévoyant des mesures à rabais. L’employeur présente aux syndicats ces deux types d’accords comme « indissociables » ; il refuse de signer l’APLD tant que les syndicats n’ont pas signé l’accord RCC / mobilité. Il menace en cas de refus d'accord de mettre en place un PSE plus élargi.
Or, à la différence d'un Plan de départ volontaire mis en place par le biais d'un PSE unilatéral, les départs volontaires mis en place par accord collectif (RCC / Mobilité) en sont pas soumis au pouvoir de contrôle de l’administration sur la proportionnalité des mesures de départ volontaire avec les moyens du groupe (cf. : ex : CAA Nancy, 27.11.14, n°14NC01730 et 14NC01865).
Dans le cas d'un chantage à l'accord APLD, l’employeur utilise donc très concrètement les aides de l’Etat APLD pour forcer le consentement des syndicats à signer des accords RCC / mobilité à rabais.
Les salariés visés par les départs volontaires sont dans un tel schéma généralement incités par leur hiérarchie à « profiter » de ces mesures de départ volontaire (parfois avant même que les accords soient signés). Les départs étant « volontaires » et « approuvés » par les syndicats, le risque de contestation est faible.
Ne pas se laisser impressionner
Il faut souhaiter que les organisations syndicales ne se laissent pas impressionner par de tels procédés.
Il ne s’agit là très certainement que d’un bluff grossier. On imagine assez mal l’employeur venir se tirer une balle dans le pied en refusant de signer un accord APLD. Une telle attitude caractériserait une faute de gestion. Elle pourrait remettre en cause le caractère réel et sérieux de licenciements prononcés dans le cadre d'un PSE.
A supposer qu’un tel chantage fonctionne, la validité de tels accords pourrait être questionnée. En effet, conformément aux principes de droit commun fixés par les articles 1130 et suivants du Code civil, le consentement, pour être valable, ne doit pas avoir été vicié. En particulier, la signature de l'une des parties est nulle si elle a été extorquée par violence ou si elle est le résultat d'une erreur ou d'un dol. Ces exigences rejoignent celles du sacro-saint principe de loyauté dans la négociation collective.
Les accords RCC / mobilité restent heureusement soumis à une appréciation, certes légère, de la Direccte. Les syndicats non-signataires pourraient donc interpeller cette institution pour qu’elle sanctionne de tels procédés déloyaux par un refus de validation.
D’un point de vue individuel, l’Administration a déjà indiqué, dans son « Questions – Réponses » DGT du 13 avril 2018, que « s’il s’avère finalement que l’employeur détourne la mesure de sa finalité afin de contourner l’obligation de mettre en place un PSE (en particulier si les salariés font l’objet de pressions avérées pour obtenir leur consentement), les juges pourraient considérer qu’il s’agit en réalité d’un licenciement économique déguisé et l’employeur pourrait se voir infliger de lourdes sanctions à la fois civiles (nullité des licenciements) et pénales (amende de 3 750 euros prononcée autant de fois qu’il y a de salariés licenciés telle que prévu à l’article L. 1238-4 du Code du travail). »
Un tel risque est a priori faible car il est toujours difficile pour un salarié d’établir seul l’existence de pressions le concernant.
Cependant, si l’existence d’un chantage à l’APLD est avérée, il pourrait être envisagé de soutenir que les accords RCC / mobilités ont été mis en place de manière frauduleuse et qu’il y a fraude à mise en place d’un PSE. Cela entrainerait la nullité des ruptures conventionnelles avec obligation de réintégration avec paiement rétroactif des salaires. S’il y a regroupement de salariés mécontents des conditions à rabais de leurs départs soi-disant volontaires, ce risque devient beaucoup plus tangible.
Il n’est donc pas certains qu’en se prêtant à de tels jeux les maitres chanteurs y retrouvent forcément leurs comptes.