Organisations
ONF : les syndicats pointent un management désastreux
Rien ne va plus entre la direction de l’Office national des forêts (ONF) et le personnel (9 000, dont 6 000 fonctionnaires environ).
Depuis de longs mois (pour ne pas dire une année), ce personnel de statut public et privé alerte la hiérarchie et les ministères de tutelle sur « le malaise » qui règne en interne dans les différents services (techniques, administratifs etc.). Cela sur fond de suppressions d’emplois (25 % des effectifs perdus en dix ans) et de réformes des services censés s’adapter aux restructurations des implantations, lesquelles sont calquées sur le nouveau découpage territorial. Les syndicats pointent les agissements de la direction générale qui gère par la peur, ignore la concertation, fait fi des instances des salariés et s’affranchit des règles de la fonction publique ou du code du travail.
Valérie Forgeront, journaliste à FO Hebdo fait le point cette semaine.
Depuis décembre dernier, les syndicats de l’ONF dont FO (personnel administratif de l’ONF/SNPA-FO et personnel technique SNTF-FO, ingénieurs de l’agriculture et de l’environnement/SNIAE-FO) ne cessent de s’alarmer sur le profond malaise qui règne en quelque sorte à tous les étages de l’ONF. En vain.
Pour l’instant les différents adressés au ministère de l’agriculture, à la direction générale de l’ONF, les déclarations en comité technique ministériel (CTM) ou encore le 17 mai dernier la lettre ouverte adressée au président du conseil d’administration de l’ONF (structuré en établissement public à caractère industriel et commercial (ou EPIC) créé en 19964) n’y ont rien fait.
Le personnel est toujours en souffrance au travail. Les travailleurs subissent une politique de management fait de pressions, d’absence de concertation et même de discussions, explique Alain Thuot, en charge du secteur forêt au sein de la fédération FO de l’agriculture, alimentation, tabacs et activités annexes (FGTA-FO).
Alors que l’établissement qui gère 4,7 millions d’hectares de forêts publiques en métropole (soit 27 % de la forêt française) et 5,6 millions d’hectares outre-mer a fêté ses 50 ans l’an dernier, l’humeur du personnel est loin de la quiétude des belles forêts.
Une épaisse forêt de dysfonctionnements
Tous les efforts exigés du personnel depuis plusieurs décennies ne sont jamais récompensés. Pire encore, les diminutions drastiques des effectifs ne cessent d'accentuer le malaise régnant encore davantage, comme l’avait démontré l’audit socio-organisationnel de 2012, écrivaient le 17 mai cinq syndicats dans leur lettre ouverte au président du conseil d’administration.
Parcours professionnels difficile, insuffisance des remplacements de personnel lors des départs en retraite, équipes de terrain réduites, charges de travail qui ne cessent d’augmenter, perturbation des agents dans leur travail dans le cadre de réformes qui ont restructuré les missions et le découpage territorial (fusions/découpage de directions territoriales et aussi des unités territoriales locales), le personnel, que ses membres soient des agents du public ou des salariés, demande à la direction que tout cela cesse.
Face à ce malaise, peu de mesures correctives ont été mises en places. Quelques unes sont même abandonnées par choix de la direction générale, relèvent encore les syndicats. La direction générale (plus précisément le directeur, Christian Dubreuil) cristalise toute la colère du personnel.
Depuis plus d’un an maintenant, le personnel subit un management reposant sur la peur et le mépris des règles (qu’elles soient de la fonction publique ou bien du code du travail), en oubliant parfois que ces travailleurs sont des êtres humains qui méritent le respect, indiquent les syndicats. Et d'énumérer les dysfonctionnements.
Le directeur général nie le rôle des instances représentatives et rend caduque toute forme de dialogue social ; des directives vont à l’encontre des intérêts d’une gestion durable des forêts ; la direction générale néglige volontairement le droit dans la gestion des emplois, l’insécurité permanente (notamment pour l’encadrement) règne désormais à l’Office, soumis au seul bon vouloir de la direction générale…
Quand la direction nie les IRP…
Les syndicats fustigent l’absence de publicité ou d’appel à candidature pour les postes vacants, quel que soit le niveau de responsabilité. La note de service sur l’organisation opérationnelle et le fonctionnement de la santé et sécurité au travail à l’ONF n’a pas été présentée au instances représentatives du personnel (IRP) mais c’est pourtant ce que prétend la direction en la publiant, s’irritent encore les syndicats remarquant par ailleurs que les missions de l’inspecteur de santé et sécurité au travail (validées à l’unanimité par les représentants du personnel en CCHSCT) ne sont même plus évoquées dans cette note, sans en informer le CCHSCT.
Et de s’inquiéter aussi des dysfonctionnements du comité central d’hygiène et de sécurité (CCHSCT) alors que les collègues continuent d’encourir des risques dans le cadre des projets en cours de mise en œuvre à l’ONF. Ils évoquent encore l’absence de consultation des IRP en amont de la publication de l’instruction relative à l’évolution des métiers de terrain. Cette instruction, soulignent les syndicats, amène pourtant une évolution significative des métiers du personnel de terrain (3 000 agents) et des ouvriers forestiers (3 000 salariés).
Il y a donc « urgence » à agir, lançaient les syndicats en décembre dernier lors d’un comité technique ministériel. Le principal ministère de tutelle de l’ONF (le ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et des Forêts) doit exercer ses missions de contrôle de l’atteinte des objectifs économiques fixés dans le contrat d’objectifs et de performances mais également de ceux relatifs au dialogue social. Ce dernier ne doit pas se résumer à une présentation d’un projet sans possibilité d’amendement : ce n’est plus un dialogue, mais un monologue.
Les pièges du contrat d’objectifs et de performances
L'un des principaux acteurs du malaise du personnel (fonctionnaires comme salariés) est ce contrat d’objectifs et de performances passé entre l’État et l’ONF et à réaliser par l’Office entre 2016 et 2020. Il prétend à une stabilisation des effectifs d’ici 2020. Faux, répondent les syndicats.
Cette stabilisation ne se réaliserait pas à travers les emplois pérennes mais par la montée en puissance des emplois aidés. De 253 en 2015, ils devraient passer à 551 en 2020, selon les chiffres du contrat d'objectifs et de performances.
De leur côté les ingénieurs FO de l’agriculture et de l’environnement pointent un autre phénomène. Une baisse des effectifs de fonctionnaires ne serait pas prévue mais une augmentation des CDI de droit privé, avec un objectif de ratio de 30 % de postes occupés par des agents de droit privé. En réalité, l’ONF est dans une logique purement comptable. Le personnel de droit privé coûte moins cher que les fonctionnaires, ce qui explique les raisons de sa montée en puissance dans l’établissement.
Au cœur encore du malaise et en lien avec le COP 2016-2020, la restructuration interne des implantations de l’ONF pour coller à la nouvelle carte née de la réforme territoriale (découpage régional en treize régions, contre vingt-deux auparavant).
Même si cela ne s’imposait pas, l’ONF a décidé de modifier son organisation interne pour s’adapter à la fusion des régions. L’ONF étant incapable de faire une réforme sans traumatiser ses agents, c’est là encore une source de problèmes et de souffrances, expliquent les ingénieurs FO qui notent que depuis une trentaine d’années, l’ONF aura imposé à ses agents des réforme en continu.