Organisations
Formation « santé » des membres du CSE : attention à l’intox
Les délégués syndicaux et les élus des IRP ont la lourde tâche de négocier la mise en place du comité social et économique (CSE), dans un contexte où les ordonnances Macron révisent les obligations de l’employeur à la baisse, en lui octroyant des possibilités de négociation qui n’existaient pas auparavant.
Pour la formation en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail (sujet qui nous intéresse ici), il ne devrait pas y avoir à négocier. En effet, comme le rappelle le Ministère du Travail, dans un document du 19 avril 2018 intitulé « CSE : 100 questions-réponses » :
- tous les membres du CSE (y compris les suppléants) bénéficient de cette formation, conformément à l’article L2315-18 ;
- sa durée est de 5 jours pour les entreprises d’au moins 300 salariés et de 3 jours pour les autres.
Ce qui devrait être simple ne l’est en fait pas car bien des négociateurs entendent des sons de cloche dissonants. D’abord, certains sites syndicaux territoriaux tardent à réactualiser des commentaires datant de l’époque où les ordonnances envisageaient de ne former que les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT). Par ailleurs et étonnamment, les sites internet de quelques experts (y compris de l’INRS) ignorent la mise au point du Ministère du Travail. Alors que les textes actuels présentent des incohérences uniquement parce qu’ils ont été corrigés à la hâte, ces sites s’efforcent d’en faire une interprétation juridique, forcément laborieuse, qui les mène au final à considérer que la durée de la formation n’est pas définie lorsque l’entreprise n'est pas dotée d’une CSSCT. De là à en conclure que cette durée doit être négociée, il n’y a qu’un pas.
Ceux qui persistent à ne pas tenir compte du document ministériel « 100 questions-réponses » justifient leur position par le fait qu’il n’a pas force de loi. C'est exact mais le temps des « ordonnances-balais » étant passé, les acteurs sociaux sont bien obligés de se contenter de ce type de document pour faire face aux incohérences et erreurs rédactionnelles en tout genre qui caractérisent les ordonnances. À titre d’exemple, citons l’article R2312-9 qui détaille le contenu de la BDES pour les entreprises d’au moins 300 salariés : il comprend 51 notes, dont 3 posent problème (soit 6 % d’anomalies !) [1].
Le patronat essaie depuis plusieurs années de contrôler les stages de santé-sécurité.Mais venons-en à la raison pour laquelle nos propos précédents doivent retenir l’attention. Le patronat essaie depuis plusieurs années de contrôler les stages de santé-sécurité, dont il sait qu’ils mettront en évidence les obligations légales auxquelles il est tenu s’ils sont organisés par les organisations syndicales. La loi sur le travail d’août 2016 avait déjà amorcé la promotion de formations communes employeurs-représentants du personnel. Les ordonnances créent les conditions, via les accords collectifs, pour passer à une étape supérieure.
Ainsi, dans une filiale d’un grand groupe, un accord prévoyant que l’organisation de la formation en santé-sécurité est du ressort exclusif de l’entreprise vient d'être signé. Pour aboutir à ce résultat, l’employeur a affirmé que la durée des formations est négociable et, en contrepartie de la concession susmentionnée, « a consenti » qu’elle soit similaire à celle dont disposait le CHSCT. Autrement dit, il est parvenu à ses fins en spéculant sur les incertitudes de ses interlocuteurs quant à la durée des stages. Cette manœuvre risque de se reproduire car le MEDEF s’est visiblement donné pour consigne de contrôler le choix des organismes de formation.
Des stages placés sous l’égide des chefs d’entreprise sont évidemment à écarter : ils priveraient inévitablement le représentant du personnel des repères nécessaires à l’exercice de son mandat. Il y a en effet fort à parier qu’ils passeront sous silence des thématiques telles que la non-déclaration des accidents du travail, la nécessité de préserver les collectifs de travail, la faute inexcusable de l’employeur, les obligations légales de ce dernier au regard des neuf principes de prévention, les déterminants des RPS etc.
En conclusion, il importe aujourd’hui de faire savoir, le plus largement possible, que la durée des formations en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail n’est pas négociable ; répétons-le, elle est au minimum de 3 jours pour les entreprises de moins de 300 salariés et de 5 jours pour les entreprises de 300 salariés et plus. Tous les acteurs dont la fonction est de promouvoir la prévention des risques professionnels doivent œuvrer en ce sens.
[1] La note n° 23 ne se rattache à aucun texte. Idem pour la note n° 44 qui, de surcroît, fait référence à la déclaration annuelle des employeurs 2483 qui n'est plus en vigueur depuis 2015. La note n° 19 présente un calcul de la rémunération mensuelle moyenne qui est incompréhensible (avec notamment une confusion entre « 1/2 » et « 1/12).