Organisations
Comment définir les règles communes du bien travailler ensemble de l’entreprise inclusive ?
Seriez-vous prêts à davantage échanger et agir avec des gens différents ? Le cabinet Convivencia pose cette question aux salariés dans son « baromètre de l’inclusion », lequel permet de mesurer la capacité d’une organisation à dépasser des diversités apparentes qui peuvent être trompeuses. Retour sur la rencontre en ligne du 15 octobre dernier, parrainée par Convivencia et Inqwst et qui a démontré la fragilité de l’équilibre d’une entreprise inclusive.
« On peut avoir une entreprise qui coche tous les indicateurs de la diversité mais qui n’est pour autant pas du tout inclusive dans sa capacité à faire travailler ensemble des gens différents. Ce besoin s’est d’autant plus révélé avec le confinement qui a exacerbé les singularités des salariés », estime Victor Grezes, co-fondateur de Convivencia, cabinet spécialisé sur l’inclusion et qui a eu l’occasion d’accompagner beaucoup d’entreprises privées, et notamment sur le sujet épineux de la gestion du fait religieux. L’expression des singularités au travail a toute sa place, à partir du moment où la règle commune au collectif prévaut.
« Ce besoin de reconnaissance des singularités peut parfois se heurter à des incivilités au travail ou à la multiplication de micro-inégalités perçues. On ne parle pas ici, à cette étape, de discriminations répréhensibles par la loi mais de ces micro-inégalités ce manque d’attention à l’autre, un manque de civilité et de comportements qui passent sous le radar, de situations qui s’installent à bas bruit au sein des collectifs de travail et qui peuvent avoir des conséquences sur la santé des salariés qui se considèrent comme non reconnus, voire exclus pour ce qu'ils sont », précise Denis Poitrey, fondateur du cabinet InQwst, partenaire de Convivencia et spécialiste de la QVT et de l’inclusion. Celui-ci plaide pour le développement de la notion de civilité en entreprise. « Au Québec, par exemple, notion de civilité au travail est prise en compte par les entreprises, elle répond à diverses obligations légales et a donné lieu à des jurisprudences » Car « ce sont aussi ces petites incivilités du quotidien qui nourrissent une réelle souffrance au travail et peuvent créer les conditions du harcèlement, de discriminations, voire des deux, agir, au plus près du travail, avec des règles et une culture commune de la civilité participe de la prévention » ajoute Denis Poitrey.
Règles communes
Chez APF France Handicap, qui emploie 15 000 salariés, le taux d’emploi direct de travailleurs reconnus handicapés est de 7 % tandis que la loi en demande un minimum de 6 % (emploi direct + indirect en secteur protégé), la question des règles communes s’impose comme une évidence. « Les salariés ont droit à deux jours de télétravail dans la semaine et, sauf avis contraire d’un médecin du travail, il n’y a aucune raison de déroger à cette règle quand des salariés reconnus handicapés demandent de télétravailler trois jours par semaine », illustre Nathalie Pinto, DRH d’APF France Handicap et qui rappelle que le premier gage d’inclusivité réside à uniquement recruter sur les compétences et les qualifications et pas uniquement pour atteindre un taux d’emploi. La stricte application des règles s’applique aussi pour que les aménagements des postes nécessaires soient effectifs au moment de la prise de poste des salariés pour leur permettre de travailler dans les bonnes conditions. « Cela fait partie de l’égalité de traitement. À partir de là, la solidarité va naturellement se développer dans le collectif », souligne Nathalie Pinto.
Réalité masquée
À la RATP, la diversité est une réalité dans le recrutement des roulants. Ils viennent des quartiers où les bus passent. Le sujet du communautarisme religieux n’a pas manqué de se poser. « La religion est une forme de diversité qui doit s’appréhender comme toutes les autres pour mieux la dépassionner, mais sans être naïf. Des réponses existent à toutes les situations, mais la pire des positions est de ne pas en avoir », explique Victor Grezes. Des mesures ont été prises pour poser les règles. Les cas problématiques remontent moins. « Cela ne signifie pas pour autant qu’il y a moins de cas car la pression sur la productivité sur fond d’ouverture à la concurrence prend le pas sur tous les sujets, que ce soit l’entrisme religieux, les discriminations sexuelles ou encore le sexisme. Cela remonte forcément moins quand on rogne sur le temps passé avec les équipes par des encadrants censés être de proximité », considère Frédéric Ruiz, président CFE-CGC du groupe RATP au sein duquel cela réorganise et rationalise dans tous les sens. Pour ne rien arranger, les mesures prises sur le plan des rémunérations notamment laisseraient croire que c’est sur les encadrants que la direction compte gratter le plus [Sur abonnement]. De quoi diviser cadres et opérateurs qui représentent respectivement un tiers et deux tiers des effectifs.
Certaines entreprises transpirent la diversité. Du moins dans leur communication, comme c’est le cas de Decathlon. Pour Sébastien Chauvin, délégué syndical CFDT, « ce sont les apparences de la diversité et de l’inclusion que cultive la marque en sur-communiquant à l’externe. Mais, en interne, la réalité est tout autre en matière de handicap, d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, d’âge, de promotion interne ou encore d’origine. Le décalage est profond mais nous sommes pourtant considérés comme déloyaux par les autres syndicats quand nous le soulignons. Ce n’est pas tant que Decathlon fait moins bien que les autres entreprises mais elle est loin d’être un exemple ».
Des diversités trompeuses
Les réalités de la diversité sont donc très différentes entre APF France Handicap. Seriez-vous prêts à davantage échanger et agir avec des gens différents ? Le cabinet Convivencia pose cette question aux salariés parmi de nombreuses autres questions dans son « baromètre de l’inclusion » qui permet de mesurer la capacité d’une organisation à créer un espace inclusif où toutes les diversités se sentent respectées. Origine sociale, conviction religieuse, origine culturelle, orientation sexuelle… Le baromètre basé sur un questionnaire déclaratif et des entretiens, lancé il y a moins de six mois en partenariat avec l’IFOP, permet aux entreprises de comparer leur mesure avec celle de la population française et questionne tous ces éléments de diversité. « Ce baromètre permet d’orienter avec justesse les politiques Inclusion en interne, car les entreprises sont en difficulté dès lors qu’il faut prioriser les actions pour favoriser l’inclusion de la diversité. Les entretiens qualitatifs que nous animons parallèlement au baromètre (quantitatif) sont très riches d’enseignement », explique Victor Grezes qui précise que la démarche doit être partagée par la direction avec les représentants du personnel pour maximiser les retours du terrain. Les premiers déploiements montrent des résultats particulièrement instructifs et utiles pour les entreprises qui se sont déjà lancées dans cette étude.