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14 / 01 / 2016 | 17 vues
Philippe Pihet / Membre
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Clause de recommandation : le Défenseur des droits soulève le risque d'antisélection sur la prévoyance

En toute fin d’année 2015, nous avons reçu la copie d’une décision du Défenseur des droits ayant trait aux conséquences de la généralisation de la complémentaire de santé. Argumentée à partir de contributions recueillies sur sollicitation par les services du Défenseur, cette décision recommande la systématisation de la clause de recommandation, contenue dans la loi du 14 Juin 2013.
 
Jusque là, rien de nouveau, nous n’attendions pas du Défenseur des droits qu’il s’oppose aux décisions du Conseil constitutionnel. Cependant il est particulièrement intéressant de relever les points d’argumentation qui vont mener le Défenseur à cette conclusion.
 
Un paragraphe résume à lui seul les griefs que nous avions soulevés lors de la négociation de janvier 2013 : la disparition de la mutualisation ou encore la fin de la solidarité organisée par branche : « Les clauses de recommandations substituées aux clauses de désignation ne remettent pas en question l’accès des entreprises de la branche aux couvertures prévoyance, à terme, le dispositif pourrait toutefois conduire à un risque d’antisélection. En effet, si toutes les entreprises présentant des risques aggravés ou une forte sinistralité ont intérêt à recourir aux organismes recommandés, celles présentant un risque faible à modéré n’auront-elles pas plus intérêt à chercher auprès d’un organisme assureur concurrent des tarifs plus avantageux que ceux négociés au sein de la branche ? Cette faculté pourrait avoir pour conséquence d’entraîner une augmentation du tarif de la branche ».
 

Un satisfecit pour notre analyse politique, un grand danger pour la politique conventionnelle

À la différence de style près, ce sont les positions que nous avons développées non seulement lors de la négociation mais encore auprès du Conseil constitutionnel avant qu’il ne prenne cette malencontreuse décision quant aux clauses de désignation. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une « victoire morale ».
 
La politique conventionnelle est ancrée dans le réel des salariés et des entreprises, pas dans des concepts fumeux sur l’égalité ou la justice, particulièrement lorsque le résultat obtenu par les signataires va à l’encontre des intérêts des salariés et des entreprises.
 
Ces signataires qui voulaient laisser « le libre choix de l’assureur à l’entreprise » laissent dans les faits les salariés exposés aux aléas du marché, qui, in fine, fixera les coûts de la
protection sociale complémentaire. La politique conventionnelle, comme son nom l’indique, est menée par les organisations syndicales et patronales.
 
Si les recommandations du Défenseur des droits faites aux ministères de tutelle devaient aboutir, c’est l’ensemble de l’édifice « privé » qui serait remis en cause. « Au vu de ce qui précède, le Défenseur des droits souligne que le recours aux clauses de recommandations dans les accords de branche est le seul moyen permettant d’instaurer une réelle solidarité professionnelle en matière de protection sociale complémentaire et invite les partenaires
sociaux à y recourir systématiquement… Le Défenseur des droits décide de recommander à la ministre du Travail, à la ministre de la Santé et au ministre de l’Économie de mettre en place un dispositif de suivi de l’accès des entreprises aux couvertures de prévoyance collective obligatoire… Si des difficultés d’accès à l’assurance étaient constatées dans le cadre de ce suivi, le Défenseur des droits considère qu’une réforme devra être envisagée visant à étendre le champ de compétence du bureau central de tarification (BCT) aux couvertures de prévoyance collective obligatoire pour les employeurs ».
 
On ne peut être plus explicite, surtout lorsque l’on connaît la composition du BCT : à parité de représentants d’assureurs et d’assurés, nommés par les ministres concernés et, comme si ça ne suffisait pas, les réunions se tiennent en présence d’un commissaire du gouvernement.
 
La procédure pour saisir ce BCT est codifiée, dans le code des assurances. À ce jour, le BCT est compétent en matière de responsabilité civile automobile, d’assurance construction, d’assurance des catastrophes naturelles et de responsabilité civile médicale.
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