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22 / 07 / 2021 | 437 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Le cadre de l’expertise CSE répond-il aux besoins des élus ?

Le cadre de l’expertise CSE évolue. Notamment sur le registre des conditions de travail où le conseil trouve désormais une place. Mais en quoi l’expertise et le conseil répondent-ils à des approches certes complémentaires mais spécifiques ? Le direct du 29 juin parrainé par Plein Sens visait à mieux circonscrire les besoins de conseils et d’accompagnement des élus en marge de la stricte expertise.

 

Si l’expertise de CSE est un droit, celui-ci se trouve largement sous-utilisé par les représentants du personnel. En premier lieu dans les PME où les rares élus syndiqués se retrouvent souvent isolés. « Les élus non syndiqués sont souvent plus sensibles aux arguments des directions sur l’inutilité de l’expertise et de son coût préjudiciable à l’entreprise », explique Emmanuelle Lavignac, conseillère à la fédération CGT des Sociétés d'Etudes. Dans les grandes entreprises, les directions n’hésitent pas à contester les recours à expertise des CSE ou à jouer la montre sur l’accès aux informations par les experts. « Je suis un partisan de l’expertise mais je dois convenir que ce n’est pas toujours la position de certains de mes confrères et consœurs de la DRH. Il me semble qu'ils passent à côté d'un regard complémentaire et critique qui peut venir compléter le projet initial. Sur le site de Rodez qui va subir une forte restructuration, nous avons accepté que l’expertise commence avant l’information-consultation », témoigne Dominique Olivier, DRH de Bosch France.


Le cadre du recours à expertise est devenu beaucoup plus contraint avec le passage en CSE, notamment sur la question des délais. Pour Gilles Lecuelle, secrétaire national en charge du dialogue social à la CFE-CGC, « l’exécutif s’est uniquement basé sur les exceptions pour décider d’une nouvelle normalisation qui renforce la capacité des employeurs à limiter la place de l’expertise ». Dans le cadre d’un projet de revente comme c’est le cas chez Saint-Gobain-PAM, l’expertise prend une importance particulière. « Cela nous permet d’avoir une vue globale sur tout le groupe », considère Didier Rivelois, le délégué syndical central CFE-CGC de l’entreprise que Saint Gobain veut céder. Pour Nils Veaux, directeur général de Plein Sens, « face à l’asymétrie des moyens, le droit à expertise est plus que jamais indispensable mais apporter une analyse comme expert n’est pas la même chose que de conseiller les élus dans leur actions. Il y a une place pour du conseil sur la base du co-financement ». Chez Plein Sens, le strict recours à l’expertise CSE, circonscrites aux conditions de travail, représente 10 % de l’activité du cabinet qui se positionne avant tout sur une activité de conseil, qui trouve souvent sa place dans des accords de méthode.

Accompagner les préconisations

La certification qualité qui s’impose désormais aux experts CSE intervenant sur le champ des conditions de travail et de l'égalité professionnelle d’ici fin 2021 accorde une importance particulière aux méthodes des cabinets visant à s’assurer que les missions ont bien répondu aux attentes des élus (Sur abonnement: le retour d'expérience du premier cabinet certifié) La dimension de conseil se trouve donc d’autant plus intégrée dans l’audit qualité des cabinets que les attentes des élus dépassent le strict cadre de l’expertise. Pour autant, aucun moyen n’est prévu pour accompagner les préconisations. Le cadre n’a pas évolué en la matière. Dans la pratique, les cabinets accompagnent les élus en mode conseil dans le cadre de la mission d’expertise. Dans la rédaction de l’avis motivé du CSE, par exemple… Mais, faute d’être spécifiquement valorisée, l’exercice du conseil a ses limites budgétaires dans le cadre d’une expertise. « Sur certains projets, je peux accepter que l’expert revienne quelques mois après pour analyser la réalité du déploiement », explique Dominique Olivier. On s’inscrit bien là dans le besoin d’un accompagnement quasi permanent des élus. Pour Emmanuelle Lavignac, « Il faut prendre garde à ne pas trop se reposer sur l’expert. Les élus doivent garder la main. L’enjeu doit être de sanctuariser les droits, notamment pour des élus sans expérience qui sont les moins enclins à recourir à l’expertise plutôt que de voir des employeurs accorder uniquement des moyens supplémentaires quand les situations sont devenues ultra-tendues ».

Assurer le transfert des ressources aux élus

Quid de la capacité des élus à utiliser les ressources produites par les cabinets pour interagir avec les salariés ? « Le rapport d’expertise complet relatif au projet de cession n’est pas proposé en accès libre à tous les salariés car ce n’est pas son objet. Nous y puisons, bien entendu, des éléments dans l’information que nous diffusons aux salariés », souligne Didier Rivelois. Cette partie de communication se révèle être potentiellement très politique. « Sur la base d’un même rapport d’expertise, un syndicat peut décider d’acter la fermeture pour négocier un PSE tandis que l’autre va défendre la solution d’une reprise. C’est ce qu’il s’est passé dans l’usine historique de Jacob Delafon dans le Jura, où l’équipe de la CFE-CFC a porté la reprise », illustre Gilles Lecuelle. Un vrai gage d’appropriation du rapport. Pour Nils Veaux, « les élus doivent être au clair sur ce qu’ils veulent faire et des appuis dont ils ont besoin. Notre rôle consiste à les y aider en assumant pleinement leurs responsabilités ».