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[Quels élus pour demain ?] Comment parler de son expérience de représentant du personnel à un recruteur ?
Si mentionner son engagement associatif dans son CV ne fait pas trop débat, il en va tout autrement sur la question d'afficher son engagement d'élu, syndiqué ou non. Le jeu est risqué. Dans le cadre d'un entretien en revanche, en fonction des situations, il peut y avoir matière à en parler. Retour sur le direct organisé par Miroir Social le 21 novembre 2024 en partenariat avec Oasys Mobilité et UpCoop.
Faire état de ses mandats de représentants des salariés dans son CV n'est pas la meilleure idée. "Je ne le conseille pas alors que je suis pourtant convaincue de la nécessité de pouvoir dialoguer avec des élus qui ne soient pas de simples accompagnateurs mais bien en capacité de challenger. Dans la dernière entreprise où j'ai été DRH, un CV était vu par quatre personnes et chacune était en mesure de bloquer le processus de recrutement. Or l'importance que j'accorde au dialogue social est loin d’être partagée", souligne Suzanne Côté-Peover, consultante RH et ancienne DRH du Ritz à Paris jusqu'en 2020. Celle-ci a eu l'occasion de vivre une expérience atypique puisqu'elle a négocié les conditions de la fermeture de l'établissement de luxe en 2012 pour le ré-ouvrir 4 ans plus tard. 160 des 650 salariés avaient alors été réintégrés. La négociation n'a pas été un long fleuve tranquille. "Nous étions d'accord pour ne pas être d'accord", illustre l'ex DRH.
Objectiver les résultats
Que ce soit dans le cadre de PSE, de GEPP externes ou d'outplacement, une partie des candidats à un nouveau poste accompagnés par Oasys Mobilité ont à un moment ou un autre porté un mandat de représentant du personnel. "Certains ne tiennent absolument pas à en parler, d'autres oui. Il faut dans ce cas éviter de partir sur des généralités sur le sens de l'engagement au service du collectif pour mettre en avant les compétences qui sont directement en rapport avec le poste que l'on vise. Nous aidons les candidats à être en capacité d'objectiver au maximum les résultats des actions qu'ils ont conduites dans le cadre de leur mandat. C'est une démarche qui sous entend de prendre du recul", explique Christophe Badaire, consultant senior au sein de ce cabinet qui a interrogé 44 élus qui avaient été accompagnés. Une prise de recul qui requiert du temps, or une majorité des répondants a déclaré avoir eu des difficultés à en trouver afin de réfléchir à son projet, du fait notamment de la poursuite de l’engagement dans le mandat. “La transition n’est pas forcément évidente mais il faut passer dans une dynamique individuelle”, conseille Christophe Badaire. Sur les six qui ont parlé de leur expérience syndicale lors des entretiens, deux ont retrouvé une situation dans une nouvelle structure tandis que les autres ont créé leur activité.
Compétences des représentants du personnel, avec qui on en parle ? L’enquête conduite par Oasys Mobilité en partenariat avec Miroir Social révèle que 20 % des répondants dont 91 % sont en poste n’en parlent à personne. Retrouvez une première synthèse de la teneur des réponses aux 12 questions posées.
La question de l'opportunité de parler, ou non, de son expérience syndicale se pose aussi dans le cadre d'une mobilité interne. Là, impossible de cacher quoi que ce soit. "Je n’en ai pas parlé au cours des entretiens avec la direction opérationnelle. J'ai privilégié ma capacité d'ingénieur à m'adapter pour répondre aux attendus du poste que je visais", illustre Patrick Michel, ancien permanent syndical pendant 6 ans chez Stellantis (du temps de PSA) comme secrétaire du comité de groupe et DSC. Ce dernier a toutefois vu l'intérêt de suivre un parcours à Sciences Po pour obtenir un Executive Master "Dialogue social et stratégie d'entreprise. "C'est une façon de reconnaître mon parcours syndical mais sans avoir nécessairement besoin d’en parler", précise celui qui a conservé un mandat de représentant de proximité en marge du poste d’homologateur qu’il occupe désormais
Stéphane Destugues, secrétaire général de la CFDT Métallurgie, détaché de Safran s'est lui aussi engagé dans un parcours diplômant à l'université Dauphine pour obtenir une Master 2 en Négociations & Relations sociales. "Cela m'est apparu indispensable pour prétendre intégrer un cabinet d'expertise au CSE mais mon projet d'évolution professionnelle a entre-temps évolué dans une direction où mon expérience intrinsèque de responsable fédérale va trouver à s'exprimer encore plus naturellement", explique celui qui compte pour autant valider son diplôme. C'est la voie du mécénat de compétences qu'il entend mettre en œuvre pour mettre son expérience et son réseau, tant du côté des syndicats que des directions, au service d'une association. "Mon profil les intéresse mais cela s'anticipe. Safran, mon employeur, est informé depuis déjà 2 ans de mon souhait de quitter mon mandat fédéral en juin 2025", conseille celui qui aura occupé le poste de secrétaire général de la fédération pendant 7 ans et qui aurait pu faire 3 ans de plus. A noter qu’environ 10 % des militants fédéraux de la CFDT Métallurgie ont accepté d’être accompagnés par un cabinet dans un projet de reconversion. Ils sont devenus formateur dans un CFA, DRH, assistant social,...
Casser les a priori, renforcer la légitimité des actions
"Un salarié qui va créer une section syndicale, la développer, gagner les élections et négocier des droits mobilise des compétences transférables sur plusieurs métiers d'une entreprise. Du commercial aux achats en passant par la communication. Ce n'est pourtant pas une évidence dans beaucoup d'entreprises", considère Arnaud Breuil, directeur des partenariats et de la coopération d'UpCoop dont la création il y a 60 ans est à mettre au crédit des syndicats. Sur les 12 administrateurs salariés-sociétaires de la coopérative qui compte près de 800 détenteurs de parts sociales, on retrouve ainsi 3 administrateurs syndicaux représentant les confédérations syndicales co-fondatrices CGT, CFDT et FO. Un conseil d'administration où siègent aussi trois élus du CSE mais avec cette fois une voix consultative.
"L'importance du rôle des représentants est clairement posée dans la formation de tout l'encadrement", expliquait Virginie Linard, la DRH de UpCoop où le fait syndical est par exemple affirmé lors des journées d'intégration des nouvelles recrues lors de son intervention sur le direct 12 novembre dernier consacré à la reconnaissance du temps de représentation.
"Avoir une expérience syndicale est un plus pour rejoindre l'équipe chargée des partenariats. Notre objectif est d'aider les représentants du personnel à conforter leurs actions dans les entreprises", souligne Arnaud Breuil. Et Suzanne Côté-Peover de conclure :"Je suis parvenue à casser les a priori entretenus par des directeurs généraux sur le syndicalisme. C'est une satisfaction".