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03 / 04 / 2012 | 24 vues
Jean-Charles Pappens / Membre
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E-management: les dangers du management par courriel chez BNP Paribas

L’e-mail ou courriel est un formidable outil de communication qui peut en un instant transmettre toutes sortes d’informations : textes, fichiers, photos, son vidéo etc. il est devenu un canal privilégié tant au niveau professionnel que personnel. Son instantanéité a changé  nos vies et nos comportements en matière de communication. Il a donc, au fil des années, pris la place d’un certain nombre de nos gestes jusqu’alors habituels et nous a permis de gagner du temps. Plus la peine de se déplacer ou d’envoyer par la poste ses dossiers, ses photos, ses présentations, ses exposés ou diverses études et résultats.

« Plus le chemin est long, plus le message d’origine tend à être déformé. »

L’information vous arrive immédiatement dans votre boîte aux lettres en quelques clics.
Dans des métiers comme les nôtres, où l’administration et les niveaux hiérarchiques sont assez lourds, la communication n’est pas une chose facile, car c’est bien connu, « plus le chemin est long, plus le message d’origine tend à être déformé ». Qu’il soit transmis de vive voix ou par téléphone,  le courriel a accentué ce risque en raison de son coté impersonnel et discret. Du coup, on se rend donc compte que le courriel est bien souvent utilisé là où un simple coup de fil ferait l’affaire.

  • La discrétion étant un motif souvent mis en avant pour justifier cette démarche.

La cascade de l'information descendante

L'organisation hiérarchique chez BNP Paribas est particulièrement nivelée en matière de pouvoir de décision. Si nous prenons l’exemple de BDDF, nous partons du conseiller, en passant par le responsable du point de vente, puis le directeur d’entité, puis le décideur commercial lié au responsable commercial (professionnels ou particuliers) et enfin le directeur de groupe qui lui-même est lié à la direction régionale. Vous ajoutez le responsable groupe des ressources humaines lié à la direction régionale également et des animateurs comme le chargé d’animation commercial (CAC), le chargé du marché des jeunes (CMJ),  l’expert crédit et les responsables pôles risques et fonctions, et vous obtenez pas moins d’une douzaine d’interlocuteurs.

  • Si, sur le plan décisionnel, l’information ascendante ne pose pas trop de problème, hormis un certain délai parfois pour le conseiller en bas de l’échelle qui désire répondre à une demande d'un client, il en est tout autrement dans le sens descendant où là, les niveaux hiérarchiques ne sont plus du tout respectés en termes de communication.

Chacun y va de son interprétation, et de sa capacité à étoffer son courriel (ou celui de son supérieur) de graphiques, tableaux, illustrations et autre jeux de polices de caractères pour faire passer le même message. À croire que le style et la quantité sont gages de légitimité dans son poste. L’effet pervers d’une communication dense et lourde est bien connu : « trop d’infos, tue l’info ». L’essentiel se perd dans le désordre hiérarchique et les artifices et parfois même il n’arrive jamais quand la boîte de réception sature !

Force est de constater que ces nouvelles technologies nous éloignent de plus en plus les uns des autres dans nos relations professionnelles. La communication entre les individus tend à passer de plus en plus par des réseaux plutôt que par des entretiens physiques. Internet nous a ouvert l’accès au monde entier et aujourd’hui, nous communiquons de la même manière avec nos collègues d’un même bâtiment ou d’un même groupe, qu’avec des interlocuteurs situés aux quatre coins du monde. Ces changements viennent alors semer le trouble dans les missions d’encadrement, d’animation, de gestion et de direction qui caractérisent notre métier. C’est ainsi que l’on parle de plus en plus d'« e-management » ou de management électronique. 

Gare aux dérives

Le courriel a la force de l’écrit et l’instantanéité de la parole mais sans droit de réponse immédiat. Il est une missive électronique qui peut avoir la force d’un missile. Il ne permet pas de se raccrocher à d’autres indices émotionnels (gestes, intonations, postures corporelles).

La pression toujours croissante de la hiérarchie pour vendre d’avantage place le premier maillon de la chaîne ; le conseiller, en récepteur quotidien d’états et d’ordres de production, dans lesquels chaque niveau hiérarchique y va de son commentaire en faisant suivre aux collaborateurs dont il a la responsabilité managériale ou bien en  faisant son propre courriel (sans oublier de mettre en copie sa hiérarchie pour prouver son action de manager).
  • D’un outil de communication, le courriel devient un canal dans lequel il est très facile de bafouer les règles managériales des plus basiques (formules de politesse)  aux plus fondamentales, et dans le pire des cas les notions même de respect de la personne.

Des commentaires désobligeants sans état d’âme ou pensant que l’ironie est appropriée, des menaces indéfinies si les objectifs ne sont pas atteints comme si la fin du monde devait nous tomber sur la tête, sont envoyés à tout un groupe, une entité, une agence ou à un collaborateur. Les commentaires sur l’incapacité de production, voir la médiocrité de tous ou de certains collègues sans distinction vont bon train. « Nous sommes mauvais. Vous n’êtes pas bons »... On assiste également à des cas où les collaborateurs sont nommés et comparés les uns aux autres, comme dans une foire aux bestiaux.

Les dérives s’expriment aussi directement sur le plan individuel : pression par messages successifs tous les jours sur les différents états de production du collaborateur, commentaires gratuits (voire mesquins) joints par facilité (« Votre cas relève de la psychiatrie !»).

  • Ensuite, lorsqu’on vous croise plus tard on vous salue avec le sourire, comme si de rien n’était.
  • Le terme « facilité » résume à lui seul les dérives que nous enregistrons chaque jour en plus grand nombre par les témoignages que nous transmettent au SNB les collègues.  Pourquoi se déplacer, recevoir et échanger avec ses équipes puisque le courril le permet instantanément. Lotus n’est pas un outil de management mais de communication et de transfert d’informations. La direction devrait sûrement intensifier la formation et les rappels sur les fondamentaux du management et de l’animation commerciale à tous les états majors, si nous ne voulons pas finir dans une entreprise totalement déshumanisée et impersonnelle.

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Suite à la publication de cet article dans notre magazine distribué à l'ensemble des salariés BNP PARIBAS, la Direction Générale a réagit et s'est exprimée sur le sujet en rappelant que "la messagerie interne n'est pas un outil de management !" Certes, des mauvaises pratiques persistes encore, et même si les collaborateurs continuent à recevoir des e-mails plusieurs fois par jours remplis de tableaux d'objectifs, de challenges ou de resultats, le point positif c'est, qu'aujourd'hui, la règle a été rappelé à tous. Cela a permis de remettre chacun face à ses droits et ses devoirs dans notre entreprise et donner pouvoir le rappeler à chaque fois que cela s'avère nécessaire...