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Dépression : le grand vide de la reconnaissance des salariés
11 ans pour faire reconnaître sa dépression. C’est le temps qu’il aura fallu pour que la justice reconnaisse en 2010 que la dépression d’une ancienne responsable de magasin constituait un accident du travail consécutif à la faute inexcusable de son employeur. La dépression constitue « l’aboutissement d’un processus de dégradation de l’état psychologique causé par l’instauration d’un climat de violence et de menace que l’employeur n’ignorait pas et qu’il n’a pas cherché à arrêter », souligne ce jugement en forme d’exception qui témoigne d’un certains flou. « La dépression est une maladie qui s’installe dans la durée. Si elle est liée au travail, elle ne peut être reconnue que comme une maladie professionnelle et non comme un accident du travail qui découle d’un fait soudain ou brutal », affirme ainsi Patricia Mercier, initiatrice d’une formation au sein du syndicat MG France visant à permettre aux médecins généralistes de mieux appréhender les liens entre les pathologies de leurs patients et le travail, notamment au niveau du stress.
Chemin de croix
C’est un chemin de croix qui commence pour le salarié désireux de faire reconnaïtre le lien entre sa dépression et le travail. Il doit d'abord établir une déclaration de maladie à caractère professionnel. Et comme les maladies mentales ne figurent pas au tableau des maladies professionnelles, le dossier doit passer devant le CRRMP (Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles) et justifier d’un taux d’incapacité de 25 %. Une procédure contradictoire s’applique en outre systématiquement pour toute demande de reconnaissance de maladies professionnelle. L’employeur est donc au courant de la nature de la pathologie. « Les décisions sont très hétérogènes selon les comités. Il faut dire que la décision repose sur les éléments subjectifs. Il n’y a pas d’indicateur clef en main, mais nous pouvons apporter aux médecins conseil de l'assurance maladie des éléments cliniques utiles », ajoute Patricia Mercier.
- Chaque années, les CARSAT enregistrent 70 000 demandes de reconnaissance de maladie professionnelle mais seulement environ 200 concernent des dépressions. Mystère sur le nombre de dépressions qui ont été reconnues maladies professionnelles.
Un effort d'information est à faire. Il appartient aux médecins généralistes de conseiller leur patient dans la démarche de reconnaissance mais ils en connaissent mal les procédures. Les délégués de l'assurance maladie ont sensibilisé en 2008 20 000 des 60 000 médecins traitants sur le sujet.
Quel accompagnement ?
La dépression se traduit souvent par un arrêt maladie de longue durée. Toujours sous contrat, le salarié en arrêt maladie perd tout lien social avec son employeur, ce dernier n'ayant pas le droit de se montrer intrusif. Ce qui joue d'un coté comme une protection, opère de l'autre comme une mise à l'écart. Focus sur la façon dont l’arrêt maladie de longue durée est pris en compte à La Poste et chez France Télécom. Un sujet d’autant plus crucial que beaucoup de suicides concernent ces salariés éloignés de l’entreprise. « Nous réfléchissons de quelle façon, sur la base du volontariat, faciliter le retour à l'emploi des salariés éloignés. Tout d'abord en renforçant un lien grâce aux outils de type intranet », explique Jean-François Colin, le responsable de la cellule nationale de soutien et de médiation à France Télécom Orange.« Le besoin d’accompagnement des salariés en arrêt maladie longue durée est mal pris en compte », confirme Catherine Trotin, fondatrice de Martin et Co un cabinet de coaching des salariés fragilisés portant une démarche originale. « Il y a, dans toutes les entreprises, des salariés qui ont connu de profondes dépressions, des cancers ou des handicaps de plusieurs natures. Ils les ont surpassés ou ont appris à les gérer. Notre démarche consiste à créer les conditions pour que ces pairs-émulateurs en puissance se portent volontaires pour accompagner des collègues », poursuit la lauréate du dernier prix « Acteurs économiques & handicap 2011 » de l’Ocirp. Pourquoi ne pas donner aux salariés dépressifs l’occasion de profiter de l’arrêt maladie pour se former ? Une démarche difficilement compatible avec la logique actuelle des textes qui régissent les droits de la personne en arrêt maladie...
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