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27 / 10 / 2014 | 3 vues
Didier Porte / Membre
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Contrat de travail : quelles nouveautés pour les stagiaires en entreprise ?

La multiplication des stages en entreprise ces dernières années a créé un véritable effet d’aubaine pour les employeurs. D’après un rapport du CESE de 2012, 1,6 million de stages seraient signés chaque année.

Encore trop d’abus sont constatés, certains stagiaires étant considérés comme une main-d’œuvre à faible coût. Malgré quelques tentatives pour donner aux stagiaires un statut légal et protecteur (pas moins de 5 réformes se sont succédées ces 8 dernières années !), les jeunes ont, jusque-là, souvent fait les frais de l’absence de règles suffisamment contraignantes.

Il aura fallu attendre la publication de la loi n°2014-788 du 10 juillet 2014 relative au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires pour espérer que soient enfin mises en place des règles susceptibles de contenir les dérives, sans pour autant remettre en cause une pratique qui permet aux jeunes de faire un premier pas dans le monde du travail.

Voici un tour d’horizon des récentes mesures destinées à donner aux stagiaires (du collégien à l’étudiant) un véritable statut en leur accordant de nouveaux droits et en donnant aux entreprises de nouvelles obligations. Certaines de ces mesures sont applicables depuis le 12 juillet 2014 alors que d’autres n’entreront en vigueur qu’après publication de décrets d’application.

Un dispositif entièrement intégré dans le code de l’éducation


Pour permettre une meilleure lisibilité du « mille-feuilles » législatif existant, le législateur a procédé à une recodification du code de l’éducation en consacrant au régime des stages un chapitre entier reprenant à la fois les dispositions existantes et les dispositions nouvelles.

  • Définition du stage


L’ancien article L 618-8 al. 3 du code de l’éducation qui donnait la définition du stage devient ainsi l’article L 124-1 al. 3. Cette recodification n’a pas pour effet de modifier cette définition qui demeure identique : « Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages correspondent à des périodes temporaires de mise en situation en milieu professionnel au cours desquels l’élève ou l’étudiant acquiert des compétences professionnelles et met en œuvre les acquis de sa formation en vue d’obtenir un diplôme ou une certification et de favoriser son insertion professionnelle ».

Pour rappel, on parle de périodes de formation en milieu professionnel lorsqu’elles s’effectuent dans le cadre des enseignements scolaires et de stages s’il s’agit du cadre universitaire.

Il ressort de cette définition que la période de formation ou le stage doit nécessairement intervenir avant la délivrance du diplôme préparé. Il est impossible d’effectuer un stage répondant à cette définition une fois le cursus scolaire ou universitaire terminé.

Enfin, la loi rappelle expressément que le stage doit s’inscrire au sein d’un cursus d’enseignement d’un certain volume horaire qui sera déterminé par décret. Ce seuil minimal devrait être fixé à 200 heures.

  • Détermination de l’objet du stage


Il n’y a pas non plus de nouveauté dans ce domaine précis. Il est rappelé que les missions confiées doivent être « conformes à l’objet pédagogique défini par l’établissement d’enseignement et approuvé par l’organisme d’accueil ».

Comme auparavant, ces objectifs pédagogiques devront être précisés dans une convention tripartite conclue entre le jeune, l’employeur et l’établissement d’enseignement.

Toutefois, la loi prévoit expressément qu’il est interdit de confier au stagiaire des tâches dangereuses pour sa santé ou sa sécurité (art. L 124-14 du code de l’éducation), mais également de conclure une telle convention de stage « pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent… » (art. L 124-7 du code de l’éducation).

La vocation de cette période en entreprise étant de compléter la formation dans le cadre d’un parcours pédagogique, il était important de réaffirmer clairement cette interdiction de confondre stage et contrat de travail.

 

Des mesures destinées à améliorer la qualité des stages

  • Conclusion d’une convention de stage


L’obligation de conclure une convention tripartite entre le stagiaire, l’établissement d’enseignement et l’organisme d’accueil, public ou privé, demeure.

Les mentions obligatoires devant être indiquées dans la convention seront précisées par décret. Un projet de décret prévoit ainsi que devront figurer dans la convention :

  • les compétences à développer ou à acquérir pendant le stage ;
  • les missions confiées au stagiaire qui doivent être conformes au projet pédagogique défini par l’établissement d’enseignement et approuvé par l’organisme d’accueil ;
  • la durée hebdomadaire de présence effective, ainsi que sa présence éventuelle la nuit, le dimanche ou certains jours fériés ;
  • le montant de la gratification ;
  • la liste des avantages offerts par l’organisme d’accueil (restaurant d’entreprise, titres restaurant, frais de transport, activités sociales et culturelles…).


Il est prévu que soit établie par les ministres concernés une convention type.

  • Rôle de l’établissement d’enseignement

Le rôle de l’établissement d’enseignement est désormais clairement défini.

Il est tenu d’aider les élèves et étudiants dans leurs recherches de stages qui correspondent à la fois à leur cursus et à leurs aspirations et de favoriser un égal accès à ces périodes.

Il doit également déterminer, en lien avec le stagiaire et l’organisme d’accueil, un projet pédagogique en tenant compte des compétences à acquérir ou à développer. Ce projet sera inscrit dans la convention de stage.

Il est expressément prévu que ces stages puissent être effectués à l’étranger. Afin d’encourager cette mobilité internationale, en particulier dans le cadre des programmes de l’Union européenne, l’établissement d’enseignement devra échanger, au préalable, avec les étudiants intéressés et l’organisme d’accueil, sur les modalités de déroulement du stage à l’étranger. Une fiche d’information sur la règlementation du pays d’accueil ainsi que sur les droits et les obligations du stagiaire devra alors être annexée à la convention de stage (art. L 124-19 et L 124-20 du code de l’éducation).

  • Accompagnement renforcé

Il est prévu que le stagiaire soit encadré, à la fois dans son établissement d’enseignement et dans l’organisme d’accueil.

- A - Désignation d’un enseignant référent

Chaque stagiaire doit être suivi par un enseignant référent appartenant à l’équipe pédagogique de l’établissement d’enseignement et désigné par cet établissement. Ce référent sera chargé de veiller au bon déroulement du stage ou de la période de formation en milieu professionnel, et devra s’assurer du respect de toutes les stipulations de la convention.

Pour que le stage soit le plus adapté possible au projet pédagogique, le référent devra ainsi se rapprocher régulièrement du tuteur afin de vérifier que tout se déroule bien et, le cas échéant, redéfinir avec l’organisme d’accueil les missions pouvant être accomplies (art. L 124-1 du code de l’éducation).

Un même enseignant peut être référent de plusieurs jeunes simultanément, mais dans des conditions et limites fixées par le conseil d’administration de l’établissement et par décret (non encore publié).

- B - Désignation d’un tuteur dans l’organisme d’accueil


Ce dernier est chargé de l’accueil et de l’accompagnement du stagiaire. Il doit s’assurer que les stipulations pédagogiques définies dans la convention de stage sont bien respectées.

D’autres tâches spécifiques ainsi que d’éventuelles contreparties valorisant cette fonction de tuteur peuvent être prévues par accord d’entreprise (art. L 124-9 du code de l’éducation).

Il existe cependant une restriction quant au nombre de stagiaires pouvant être encadrés simultanément par une même personne. Ce nombre devrait être prochainement fixé par décret.

  • Évaluation de la qualité de l’accueil


L’élève ou l’étudiant doit, après son stage, transmettre à son établissement d’enseignement une fiche d’évaluation sur la qualité de l’accueil dont il a bénéficié au sein de l’organisme (art. L 124-4 du code de l’éducation). Rien n’est précisé quant aux suites qui pourraient être données à cette évaluation mais on peut supposer que l’établissement de formation en tiendra compte à l’occasion de la conclusion d’une nouvelle convention de stage avec ce même organisme d’accueil.

Des mesures destinées à mieux protéger les stagiaires


La loi étend aux stagiaires certains droits dont bénéficient les salariés et améliore également le dispositif existant.

  • Nouveaux droits 


En l’absence de précisions dans la loi, il y a lieu de considérer que les droits visés sont ceux prévus par la loi mais aussi par les conventions collectives et les usages.

- A - Protection des droits et libertés

Le nouvel article L 124-12 du code de l’éducation prévoit expressément que les stagiaires bénéficient, dans les mêmes conditions que les salariés, des règles protectrices relatives aux restrictions aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives, ainsi qu’aux harcèlements moral et sexuel.

- B - Durée du travail

La présence du stagiaire dans l’entreprise d’accueil obéit aux règles applicables aux salariés de l’entreprise en ce qui concerne les durées maximales quotidienne et hebdomadaire de présence, la présence de nuit, le repos quotidien, le repos hebdomadaire et les jours fériés.

L’entreprise d’accueil doit établir un décompte des durées de présence du stagiaire (art. L 124-14 du code de l’éducation).

- C - Droits liés à la maladie ou la maternité


Le stagiaire a désormais droit aux congés et autorisations d’absence liés à la maternité, à la paternité ou à l’adoption, d’une durée équivalente à celle des salariés de l’entreprise (art. L 124-13 du code de l’éducation).

Il est également prévu que lorsque le stagiaire interrompt son stage, pour un motif lié à la maladie, à la maternité, à un accident, à la grossesse, à la paternité ou à l’adoption, sa formation sera tout de même validée, même si la durée de stage ou de formation en milieu professionnel prévue dans le cursus n’a pas été atteinte.

Il est également possible que lui soient proposées d’autres modalités de validation ou bien un report de la fin de son stage ou de sa période de formation, avec cependant l’accord de toutes les parties à la convention.

Ces mêmes règles sont applicables, en accord avec l’établissement, en cas de non-respect des stipulations pédagogiques prévues dans la convention, ou de rupture de la convention à l’initiative de l’entreprise d’accueil (art. L 124-15 du code de l’éducation).

- D - Congés divers


Lorsque le stage ou la période de formation en milieu professionnel a une durée supérieure à 2 mois, la convention de stage doit prévoir la possibilité de prendre des congés et des autorisations d’absence. Les modalités de prise de ces congés devront être clairement précisées, notamment au regard de la gratification.

Même si la loi est muette sur ce point, rien ne s’oppose à ce que des modalités identiques soient prévues pour les stages inférieurs à deux mois.

- E - Avantages sociaux de l’entreprise

Il est enfin prévu que le stagiaire puisse bénéficier d’autres avantages sociaux existant dans son organisme d’accueil, à savoir l’accès au restaurant d’entreprise ou aux titres-restaurant, ainsi qu’aux activités sociales et culturelles mises en place par le comité d’entreprise.

Il est également prévu qu’il bénéficie de la prise en charge des frais de transport (art. L 124-13 du code de l’éducation).

  • Gratification mensuelle minimale


Tout stage ou période de formation en milieu professionnel ouvre droit à une gratification, dès lors que la durée passée au sein du même organisme d’accueil est supérieure à deux mois consécutifs ou, au cours d’une même année scolaire ou universitaire, à deux mois, consécutifs ou non (art. L 124-6 du code de l’éducation).

Le montant de cette gratification peut être fixé par convention de branche ou accord professionnel étendu. À défaut, il est fixé par décret. En application du nouvel article L 124-6 du code de l’éducation, ce montant est au moins égal à 15% du plafond horaire de la Sécurité sociale (soit en 2014, 523 € pour 151,67 heures), contre 12,5% jusque-là (soit actuellement, 436 €).

La loi prévoit cependant expressément que ces nouvelles dispositions ne seront applicables qu’aux conventions de stage signées à compter du 1er septembre 2015. L’ancien régime continuera à s’appliquer à toutes les conventions signées jusqu’au 31 août 2015. Le ministre du Travail a cependant annoncé que cette hausse de 87 € s’effectuera en deux temps : une première augmentation de 43,50 € dès septembre 2014, pour les conventions signées à compter du 1er septembre, et du même montant à la rentrée 2015. Un décret devrait prochainement confirmer cette annonce.

Il est rappelé que ce montant peut être augmenté conventionnellement. Toutefois, les administrations et organismes de droit public doivent s’en tenir à ce montant. Enfin, il n’est pas impossible, dans le privé comme dans le public, de prévoir une gratification pour les stages d’une durée moindre.

La gratification est due au stagiaire à compter du premier jour du premier mois de la période de stage ou de formation en milieu professionnel. Son montant minimal forfaitaire est fixe, quel que soit le nombre de jours ouvrés dans le mois.

Enfin, cette gratification est exonérée d’impôt sur le revenu, dans la limite du montant du SMIC, que le stagiaire soit imposable, ou à la charge d’un contribuable.

Attention car les stages inclus dans les formations des professionnels de santé et des auxiliaires médicaux sont exclus de cette gratification (art. L 4381-1 du code de la santé).

  • Calcul de la durée du stage


La durée du stage est appréciée en tenant compte de la présence effective du stagiaire dans l’organisme d’accueil (art. L 124-18 du code de l’éducation).

Un décret devrait prochainement fixer les modalités de calcul de la durée du stage, permettant ainsi de définir notamment si le stagiaire est susceptible de bénéficier de la gratification. Devraient ainsi être pris en compte « le nombre de jours de présence du stagiaire dans l’organisme d’accueil, chaque période au moins égale à 22 jours de présence consécutifs ou non étant considérée comme un mois et chaque période au moins égale à 7 heures de présence consécutives ou non étant considérée comme un jour ».

Des mesures destinées à limiter les abus

  • Durée maximale sans renouvellement


Comme auparavant, la loi fixe une durée maximale de stage de 6 mois par année d’enseignement (art. L 124-5 du code de l’éducation). Cette durée s’apprécie en tenant compte de la présence effective du stagiaire dans l’organisme d’accueil (art. L 124-18 du code de l’éducation).

En revanche, il n’est plus possible de déroger à cette durée maximale. Aucun stage ou formation en milieu professionnel ne peut donc désormais dépasser 6 mois. Il est cependant prévu une mesure transitoire qui permet de déroger à la durée de stage ou de période de formation pour certaines formations dont la liste sera fixée par décret et ce, pendant deux ans à compter de la promulgation de la loi.

  • Quotas de stagiaires


L'une des mesures marquantes destinées à limiter les abus de la part des employeurs qui ont recours aux stagiaires consiste en une limitation du nombre de stagiaires pouvant simultanément être accueillis par l’organisme d’accueil (art. L 124-8 du code de l’éducation). Ce nombre s’appréciera sur une même semaine civile. Ce quota maximum de stagiaires dont la convention est en cours sur une même période sera fixé par décret en fonction de l’effectif de l’organisme d’accueil. Dans l’attente de ce décret, et selon les débats parlementaires, ce chiffre pourrait être de 10 % dans les entreprises de plus de 30 salariés et de 3 stagiaires dans les autres.

  • Succession de stagiaires


Le législateur a prévu, pour limiter les risques d’abus liés à un recours « intensif » aux stages, de ne rendre possible la succession de stagiaires sur un même poste, qu’après l’expiration d’un délai de carence égal au tiers de la durée du précédent stage, sauf si ce dernier a été rompu avant terme par le stagiaire lui-même (art. L 124-11 du code de l’éducation).

  • Moyens renforcés de l’inspection du travail


Pour lutter contre les abus de recours aux stages, il est également prévu de renforcer les pouvoirs des inspecteurs du travail. Ces derniers sont en effet habilités à constater les violations par l’organisme d’accueil de ses obligations en matière d’accueil des stagiaires : quotas de stagiaires dépassés, recours à des stagiaires sur un emploi permanent ou temporaire, refus d’accorder aux stagiaires les droits qu’ils tiennent de la loi, dépassement des durées maximales autorisées, absence de désignation d’un tuteur…

L’action de l’administration se prescrit par deux ans révolus à compter du jour où le manquement a été commis (art. L 124-17 du code de l’éducation).

Il est également prévu que l’inspecteur du travail constatant une telle infraction puisse en avertir le stagiaire intéressé, l’établissement d’enseignement ainsi que les institutions représentatives du personnel de l’organisme d’accueil (art. L 8223-1 du code du travail). Les conditions de mise en œuvre de ces mesures devront être fixées par décret.

  • Registre unique du personnel


Afin, notamment, de faciliter le contrôle de l’inspection du travail, il est prévu que les stagiaires devront être inscrits, par ordre d’arrivée dans une partie spécifique du registre du personnel (art. L 1221-13 du code du travail). En contrepartie, la tenue d’un registre des conventions de stage est supprimée.

  • Amendes administratives

Si l’inspecteur ou le contrôleur du travail constate une violation des dispositions légales relatives aux stagiaires, en particulier celles portant sur le nombre des stagiaires et celles relatives aux durées maximales et aux repos, il pourra prononcer à l’encontre de l’organisme d’accueil une amende administrative. Le montant de cette amende est d’au plus 2 000 € (4 000 € en cas de réitération dans un délai d’un an à compter de la notification de la première amende) par stagiaire concerné par l’infraction.

L’implication de l’inspection du travail est un objectif louable mais l’on peut toutefois se demander si elle aura les moyens nécessaires pour procéder à ces constatations.

  • Saisine du bureau de jugement du conseil de prud’hommes

À l’instar de ce qui existe en matière de requalification de CDD ou de prise d’acte de la rupture (depuis la loi n° 2014-743 du 1er juillet 2014), il est prévu une procédure accélérée devant les prud’hommes en cas de demande de requalification d’une convention de stage en un contrat de travail. L’affaire est alors directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans le délai d’un mois suivant sa saisine (art. L 1454-5 du code du travail). Le délai laissé au bureau de jugement n’étant pas prescrit à peine de nullité, il est difficile d’être sûr de l’efficacité de cette nouvelle procédure.

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Le problème ce n'est pas les abus de stages, c'est l'absence d'emploi pour les jeunes n'ayant pas d'expérience or sans stage pas d'expérience Recruter un stagiaire coûte du temps de l'argent et ne rapporte pas grand chose a l'entreprise, une nouvelle fois des personnes "qui ne travaillent pas dans l'entreprise" et ne "connaissent pas le chômage" décide pour les autres des règles qu'ils n'appliquent pas à eux même (fonction publique). On complexifie le recrutement de stagiaires, on rajoute des coûts, on interdit d'apprendre (occuper un métier)...conclusion moins de stages plus de chomeurs