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05 / 06 / 2025 | 166 vues
Claire Guelmani / Membre
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Les médecins du travail n’ont pas vocation à être les fossoyeurs de la réforme des retraites !

Face aux réformes successives des retraites, de l’assurance chômage ou encore de l’invalidité, les médecins du travail alertent : ils refusent d’être instrumentalisés pour compenser l’usure professionnelle ignorée par les politiques publiques. Le Syndicat national des médecins du travail (SNFOMTSIE) dénonce un «jeu de dupes» et exige des moyens concrets pour prévenir la désinsertion professionnelle.

 

La désinsertion professionnelle reste une préoccupation majeure des médecins du travail confrontés à l’accompagnement de salariés victimes d’usure professionnelle, d’accidents du travail, de maladies professionnelles ou de problèmes de santé impactant leur emploi  : cancer, maladies chroniques, etc.


Ces travailleurs, quels que soient leur métier et leur statut, risquent de se retrouver exclus du monde du travail faute d’anticipation et d’accompagnements adéquats.

 

Prévenir la désinsertion plutôt que constater les dégâts

 

Dans les suites de l’ANI du 9  décembre  2020, la loi pour renforcer la prévention en santé au travail du 2 août 2021 fixe comme objectif majeur d’améliorer le repérage précoce d’un risque de désinsertion professionnelle et de sécuriser le parcours professionnel des salariés.
 

Avec la publication de cette loi, des espoirs importants naissent pour l’accompagnement des travailleurs dont le maintien en emploi est menacé. Ainsi, des cellules de prévention de la désinsertion professionnelle sont instaurées dans chaque service de prévention et de santé au travail.
 

Parallèlement, les liens entre les médecins du travail, les médecins du soin et les médecins-conseils de l’Assurance Maladie ont vocation à se renforcer afin d’améliorer la coordination et la prise en charge de ces travailleurs dont certains seront malheureusement exclus du travail à l’issue d’un parcours passant notamment par une inaptitude puis un licenciement pour impossibilité de reclassement.

 

Dans ces situations dramatiques, le rôle du médecin du travail est aussi de s’assurer qu’une solution sociale sera trouvée (chômage, invalidité, retraite anticipée, …) afin qu’une désinsertion professionnelle d’un travailleur ne conduise pas à sa désinsertion sociale et à celle de sa famille.

 

Des réformes en cascade qui fragilisent les plus vulnérables

 

Pourtant, nous assistons à une succession de réformes et de mesures qui «  grignotent  » chaque jour davantage les droits des salariés.
 

Ainsi, malgré une mobilisation d’une ampleur inédite et l’opposition d’une grande majorité de nos concitoyens, la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la Sécurité sociale est entrée en vigueur le 1er septembre 2023, avec son pendant sur la réforme des retraites allongeant de 62 à 64 ans l’âge légal de départ.

 

L’âge d’ouverture à la retraite sera porté à 63  ans et 3  mois en 2027 (génération 65) pour atteindre 64 ans en 2030 (générations 68 et suivantes).

 

Parallèlement, la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein sera portée à 43 ans en 2027, dès la génération née en 1965. Cette réforme à l’initiative d’un gouvernement qui a supprimé la majorité des critères de pénibilité est injuste, inéquitable et cruelle !

 

La santé au travail, grande oubliée de la réforme des retraites

 

En 2022, Olivier Dussopt, le ministre du Travail de l’époque, inaugurait les Journées Santé Travail en demandant aux Services de Prévention et Santé au Travail d’aider le Gouvernement à « mener à bien la réforme des retraites ». C’est un transfert de responsabilité lâche et scandaleux. Les médecins du travail n’ont pas vocation à être les fossoyeurs de la réforme des retraites ! Ils ne sont pas là non plus pour favoriser le licenciement des travailleurs malades ou usés par leur métier.

 

Alors «  jeu de dupes  »  ? La réponse est clairement «  oui  »  ! Sous prétexte d’une politique budgétaire de rigueur, après la réforme des retraites, c’est l’assurance chômage qui est réformée, et bientôt l’invalidité.

 

Pour un travail digne et sécurisé
 

Le  Syndicat National des Médecins du Travail et des Services Inter-Entreprises (SNFOMTSIE), est   pour un travail digne et sécurisé. La prévention de la désinsertion professionnelle est une question de justice sociale.


Elle nécessite des moyens pour le maintien en emploi ou en employabilité des travailleurs les plus vulnérables. La maladie, l’usure professionnelle ou les accidents ne doivent pas signer la fin d’une carrière.


Les dispositifs de reconversion ou d’accompagnement social méritent mieux que les économies à « coups de butoir » auxquelles nous assistons.


Pour le syndicat , trop d’entreprises défaillantes ne prennent pas la mesure des enjeux et ne s’investissent pas pour aménager les postes ou chercher des solutions en vue d’un reclassement pour leurs salariés en difficulté.


Il importe collectivement de lutter contre les licenciements abusifs « pour raison de santé ».


Le Syndicat considère que les moyens alloués à la prévention des risques, à la santé au travail et à la prévention de la désinsertion professionnelle sont insuffisants au regard des besoins et des attentes.


Enfin, il réclame davantage de lisibilité, d’accès facilité et de moyens pour les dispositifs de reconversion professionnelle.. et il refuse les réformes iniques de la retraite, de l’assurance chômage, de l’invalidité et s’oppose à l’atteinte à l’indépendance du service médical de l’Assurance Maladie.

 

NDLR: Pour le Dr Régis Badel, Médecin du travail: "Nous, professionnels de la santé au travail, savons bien qu’un grand nombre de travailleurs ne sont plus en capacité de poursuivre leur activité au-delà de 60 ans, sous peine de voir s’aggraver leur état de santé."
 

Une logique comptable qui menace le secret médical
 

Parallèlement, le service médical de l’Assurance Maladie, qui donne notamment des avis concernant les arrêts maladie, les maladies professionnelles, les accidents de travail, les affections longue durée, les invalidités ou les retraites pour inaptitude, est menacé de suppression pour passer sous l’entière direction des caisses primaires d’Assurance Maladie.


C’est incontestablement un glissement vers une logique purement comptable des dépenses de santé, ainsi qu’une réelle menace sur le secret médical et une atteinte à l’indépendance professionnelle des médecins-conseils.


Pire, depuis le 1er avril, l’Assurance Maladie a baissé l’indemnisation des arrêts maladie en espérant faire une économie de 600  millions d’euros au détriment de la santé de nos concitoyens, et en particulier de celle des travailleurs qui ne pourront plus assurer correctement leur soins et leur prise en charge médicale et reprendront leur travail, contraints et forcés, alors même qu’ils ne sont pas guéris ou stabilisés.


Le régime de l’invalidité va également être réformé, pénalisant là encore les travailleurs les plus touchés par la maladie, les accidents ou l’usure professionnelle.
 

Reconversion professionnelle : les dispositifs d’accompagnement en péril


Dans le même temps, le Projet de Transition Professionnelle (PTP), qui a remplacé depuis le 1er janvier 2019 le Congé Individuel de Formation (CIF), voit ses conditions d’accès se durcir. Son objectif, qui est de permettre une reconversion professionnelle au travers d’une formation certifiante reconnue tout en conservant sa rémunération et en bénéficiant d’une prise en charge des coûts pédagogiques de la formation, est sous-tendu par des priorités de financement.


Les critères de priorisation sont sou vent inéquitables et le MEDEF exerce une pression permanente pour diminuer les coûts de prise en charge par les entreprises.


Enfin, depuis le 1er  janvier 2025, dans un contexte de contraintes budgétaires, l’AGEFIPH ( Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées) a mis fin au financement ou au cofinancement des coûts pédagogiques des actions de formation pour les travailleurs.


De même, l’AGEFIPH a limité en 2025 ses engagements pour le dispositif INCLU’PRO FORMATION qui ne sera plus proposé dans certaines régions. L’objectif de ce dispositif était pourtant de permettre aux personnes en situation de handicap de se maintenir en emploi, de se réorienter ou d’accéder à un emploi.

 

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