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Autopsie psychologique : ces psys qui mènent l'enquête après des suicides de salariés
Quand un suicide survient sur le lieu de travail, les directions mettent désormais souvent en place des cellules de soutien psychologique où les praticiens sont avant tout là pour écouter, soulager, déculpabiliser les collègues.
Avec l'autopsie psychologique, l'approche est radicalement différente. Là les entretiens sont orientés parce qu'ils visent à nourrir un travail d'observation clinique. "Cela passe principalement par une série d'entretiens d'une durée d'environ 1h30 avec les conjoints, la fratrie et parfois les parents du côté familial. Côté cercle professionnel, après avoir regardé le dossier des RH, nous nous entretenons avec une dizaine de collègues de niveaux hiérarchiques différents qui ont été en contact avec la personne à des périodes différentes. Il est essentiel de pouvoir apporter des éclairages les plus variés sur des tranches de vie, correspondants à des périodes différentes. Une perspective temporelle est indispensable", explique Stéphanie Palazzi, psychiatre IPRP (Intervenants en Prévention des Risques Professionnels) qui a déjà réalisé sept autopsies psychologiques en tant qu’expert Technologia et qui est cofonfatrice d'ICT, une consultation de clinique du travail.
La discipline est nouvelle. Mieux vaut donc la border. "Pour maîtriser l’information et avec l’accord préalable de tous les acteurs,il est précisé dès le départ que les comptes-rendus relatifs à cette autopsie seront oraux. Nous ne remettons donc aucun document écrit aux différentes parties ", indique Jean-Claude Delgenes, le directeur de Technologia, un cabinet qui a déjà mené une trentaine de missions d'expertise post suicides sur les risques psychosociaux à la demande des CHSCT ou des représentants du personnel et de la direction.
La meilleure approche consiste à partir du principe que l'autopsie psychologique ne puisse pas servir d'élément à charge ou à décharge. Surtout qu'il y a pratiquement toujours intrication de facteurs d’ordre personnels et professionnels dans les facteurs de risques repérables dans la vie du salarié qui s'est suicidé.
Une autopsie va apporter entre 10 et 20% d’informations à l’étude globale. Selon Jean-Claude Delgenes, "l'autopsie psychologique ne doit surtout pas se substituer à l’approche globale et socio organisationnelle visant à identifier les facteurs de risques. Elle pourrait même alors être dangereuse dans ces conditions car elle conduirait à une surinterprétation à partir d’un groupe qui ne représente pas toute l’entreprise." Il s’agit donc bien d’aller du général vers le particulier pour revenir au général.
- Découvrez l'interview croisée de Stéphanie Palazzi et de Jean-Claude Delgenes qui expliquent les grands principes d'une nouvelle pratique qui ne laisse pas de place à un raisonnement binaire. Alors pour ou contre l'autopsie psychologique ? (accès réservé aux abonnées et aux membres inscrits en période découverte).
- Santé au travail parrainé par Groupe Technologia
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Pour dissiper un malentendu ou une mauvaise compréhension
Il s’agit d’un malentendu ou d’une mauvaise compréhension de ce qui a été dit ! J’ai déclaré que l’autopsie psychologique ne pouvait en aucun cas se mener sans une étude préalable et approfondie de l’organisation du travail. SEULE cette approche dite de prévention primaire permet dans ce cadre de situer les facteurs à la source des risques psycho sociaux ! L’autopsie psychologique a du sens si elle permet de compléter cette approche primaire de la prévention. L’autopsie psychologique s’inscrit alors dans une démarche de postvention : la collecte d’éléments favorise la mise en place d’un plan de prévention le plus adapté et le plus précis possible.
Donc pour être clair l’autopsie psychologique ne se substitue pas, en aucune manière, à un diagnostic approfondi des causes qui renvoient à l’organisation, au contenu et à l’environnement du travail !
Je précise que pour moi, pour TECHNOLOGIA ce diagnostic en vue d’une prévention primaire doit toujours être partagé entre la direction, le service de santé au travail et les représentants des salariés et en particulier les membres du CHSCT. Ce diagnostic partagé est le vrai problème car très souvent les choix se font en dehors des salariés et de leurs représentants et ensuite il est demandé au collectif des salaries d’entériner des moyens, des solutions, des issues qui sont par essence peu adaptées car mal appréhendées au départ.
Une bonne prévention bien entendu dépend de bons préventeurs mais je suis persuadé qu’elle dépend encore plus de la méthode utilisée…
L’autopsie psychologique à la condition de compléter ce diagnostic partagé peut permettre de compléter l’information. Les constats que nous avons fait à ce niveau sont d’ailleurs très intéressants et déstabilisants particulièrement pour tous ceux qui rêvent d’une simplicité en la matière qui n’existe pas.
Premier constat les résultats de l’autopsie psychologique dans tous les cas où nous l’avons réalisée convergent avec ceux de l’étude primaire et approfondie des facteurs à la source des Risques Psycho Sociaux. Cette convergence est intéressante car elle renforce le diagnostic partagé. En clair l’approche de la question au niveau « micro » conforte l’approche au niveau « macro ».
Prenons l’exemple d’une mauvaise gestion des parcours professionnels qui peut apparaître aisément au niveau de l’organisation du travail, elle va se retrouver aisément au niveau de l’individu. Second constat toutes les ’autopsies psychologiques que nous avons réalisées ont démontré la complexité qui conduit à la survenance de ce drame. Il n’y a rien de simple et l’aspect professionnel est toujours présent.
L’autopsie psychologique qui doit être réalisée obligatoirement par des cliniciens ne peut ne doit se mener qu’à la condition que les élus du CHSCT, et la direction en fassent la demande. Elle ne s’impose pas naturellement et de facto. Elle est le résultat de la volonté des acteurs de comprendre au plus précis pour mieux agir en prévention..