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34 % des diplômés du master « négociation et relations sociales » de Paris-Dauphine sont des autodidactes avec le niveau Bac
L’enquête menée auprès des diplômés du master « négociation et relations sociales » de Paris-Dauphine donne 96 % de satisfaits*. Pourtant, en 2008, au moment de son lancement par le DRH Gérard Taponat, bien des critiques se sont fait entendre. À charge de revanche, aujourd’hui, les étudiants de la 8ème promotion préparent leurs mémoires.
L’innovation en général et en termes de formation notamment, trouve toujours son lot de critiques et de réfractaires. Le concept même du master NRS (négociation et relations sociales), qui consiste à réunir dans une même salle de cours et à former ensemble des responsables des ressources humaines et des cadres syndicaux, a tout de suite suscité la méfiance, chez les DRH et chez les organisations syndicales. Gérard Taponat, ancien directeur des ressources humaines de plusieurs grandes sociétés (Manpower, Kraft Foods, SFR Cegetel, Eurodisney et IBM), a pourtant su convaincre des bienfaits du dialogue social et de l’apprentissage de « l’intelligence sociale » plutôt que de la confrontation sociale.
Un master contre la fatalité sociale
La création de ce master NRS de 50 jours répartis sur 14 mois, ponctué par un mémoire décrit comme éprouvant par ses étudiants, est motivée par une conviction : celle qu’il n’y a pas de fatalité sociale et qu’il existe une méthode pour pratiquer un dialogue social de qualité. « La négociation quantitative, pratiquée dans nos entreprises, consiste à abandonner une partie de ses présupposés pour arriver à un équilibre socio-économique des projets. Dans notre formation, nous sommes tous face à un défi : pas face à face mais côte-à-côte et on demande à chacun, cadre RH et cadre syndicaliste, de le résoudre. On change donc la nature des choses : la négociation n’est plus une confrontation entre les parties prenantes mais une confrontation des parties avec un problème », explique Gérard Taponat.
Des DRH méfiants, des syndicats prudents
Une centaine de diplômés en sept ans et 96 % qui recommanderaient cette formation* : voilà le bilan affiché du master NRS de Paris-Dauphine, fin 2015. Désormais, trois organisations syndicales (UNSA, CFDT, CFE-CGC et d’autres partenariats devraient aboutir), réputées pour ne pas sous-traiter la formation de leurs cadres, sélectionnent chaque année ceux qui suivront cette formation diplômante (12 000 euros nets). Si les syndicats se sont laissé séduire, notamment dans le but d’attirer et de préparer les générations à venir, les DRH en revanche, sont restés en retrait en tant qu’institution, laissant à chacun de leurs membres le choix de s’engager individuellement. Parmi les candidats RH au master, on trouve ainsi des patrons d’entreprise, de jeunes responsables RH avec peu d’expérience de terrain et d’autres, plus expérimentés, venus acquérir des techniques et « des pistes de créativité » en négociation. Tous viennent suivre une formation fondamentale, pour comprendre et être avec des syndicalistes, pour apprendre à sortir d’une impasse relationnelle et avancer.
Sélection : avoir les mains et les pieds dans la glaise de la vie sociale
La composition de la promotion est fixée à 12 cadres syndicaux et 12 cadres RH, sélectionnés parmi une soixantaine de candidats. Outre un minimum d’expérience professionnelle ou dans un mandat (au moins cinq ans), le principal critère de sélection est celui d’avoir « les mains et les pieds dans la glaise de la vie sociale », c’est-à-dire d’avoir des responsabilités dans l’animation sociale en présidant ou en étant secrétaire d’une instance (CE, CCE, comité de groupe ou CEE), de diriger une DRH ou un service RH ou d’être délégué syndical central ou secrétaire d’un syndicat ou d’une fédération syndicale. Un premier tri des candidats se fait sur dossier et CV, un second sur entretien. « J’estime chacun par rapport à sa connaissance du sujet, pas sur ses diplômes. Les 30 ans d’expérience d’un cadre syndical doivent être reconnus comme une forme d’intelligence », précise Gérard Taponat. Parmi les heureux élus du master, 34 % sont des autodidactes avec le niveau Bac, 22 % ont un Bac +2 ou +3 et les autres sont au-delà*. Or, pour accéder à cette formation, une licence est requise et la VAE devient pour certains, indispensable. Si nécessaire, le directeur du master se charge lui-même de présenter le dossier et se porte caution en quelque sorte du candidat qu’il a sélectionné. « Le jury valide ma démarche, à condition expresse qu’on ne transige pas sur le niveau de qualité de la formation. Ce qui est le cas », explique-t-il.
Un master, et après ?
L’enquête TNS réalisée en 2015 auprès des diplômés, pose la question délicate de « l’après » : quels changements depuis la formation ? 31 % ont changé de poste ou de fonction ; 69 % sont restés dans le même contexte ; 13 % ont constaté un changement de leur situation professionnelle pendant la formation ; 88 % l’ont constaté entre le premier et le 18ème mois suivant la formation. Si le diplôme acquis n’a pas toujours donné accès à une augmentation ou à une reconnaissance officielle dans l’entreprise, les étudiants du master s’accordent sur ses apports : développement des capacités d’analyse et de réflexion ; prise de confiance et renforcement des aptitudes managériales ; constitution d’un réseau professionnel. Cependant, pour plusieurs d’entre eux, comme Marie-Pascale Colombier (directrice de l’emploi et de la mobilité chez Sanofi France, diplômée en 2013), l’expérience a été aussi intense que l’absence de retour dans son entreprise. « J’ai acquis une posture différente, je suis totalement en accord avec la vision des relations sociales de Gérard Taponat mais j’ai l’impression d’être la seule à penser cela dans mon entreprise où la scission entre DRH et syndicaliste est toujours là ».
Changer le monde
Alain Chenaux, ancien secrétaire du CE de Sanofi et qui a suivi la formation avec Marie-Pascale, est devenu consultant en ressources humaines : « Ce master est le meilleur dans le domaine mais je pense qu’il arrive trop tôt. Il est précurseur dans un monde du travail qui est en train de changer mais un monde qui n’est pas encore mûr pour accepter ce type de relations ». Loin d’être utopiste, Gérard Taponat est bien conscient de cette réalité : « Mon objectif est de « changer le monde de manière microscopique », comme le dit Théodore Zeldin. Aujourd’hui, le plus important est que plus d’une centaine d’acteurs dans différentes entreprises appliquent à leur échelle ce qu’ils ont appris ici ». Et qu’une 8ème promotion arrive à son terme.
* Enquête TNS réalisée en ligne auprès des étudiants des premières promotions du master NRS, de juillet à septembre 2015.