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02 / 12 / 2010 | 1 vue
Irène Pereira / Membre
Articles : 2
Inscrit(e) le 01 / 12 / 2010

Une ethnologue au coeur des luttes syndicales dans le secteur de la culture

Présentation de l’ouvrage Les travailleurs de la culture en lutte - Le syndicalisme d'action directe face aux transformations du capitalisme et de l'État dans le secteur de la culture sous forme dialoguée :



Dans quelles conditions a été réalisé cet ouvrage ?

Je travaille depuis douze ans au Ministère de la Culture, comme agent d’accueil et de surveillance dans un musée. J’ai commencé cet emploi pour financer mes études. Cela m’a conduit par la suite à réaliser une thèse de doctorat en sociologie, à l’École des hautes études en sciences sociales de Paris, sous la direction de Luc Boltanski. Celle-ci portait entre autres sur SUD Culture Solidaires (syndicat dans lequel par ailleurs j’étais investie) : j’avais choisi ce terrain car ma situation de salariée ne me permettait pas de me démultiplier.

À l’issue de cette thèse, comme beaucoup de jeunes chercheurs, je n'ai pas trouvé d’emploi titulaire : j’ai enseigné comme vacataire à l’Université. Comme cela ne me suffisait pas pour vivre, j'ai continué mon emploi au Ministère de la Culture. J’ai donc proposé au syndicat SUD Culture Solidaires d’effectuer une nouvelle étude sociologique. Celle-ci s’est appuyée à la fois sur des entretiens semi-directifs avec des militants du syndicat et sur une enquête ethnographique en situation d’observation participante. C’est-à-dire que tout en militant, j’ai tenu un journal dans lequel j’ai noté ce que j’observais : c’est une méthode relativement courante en sciences sociales.

Quel a été l’objectif poursuivi par cette étude ?


Les objectifs de cette étude étaient multiples et se situaient à plusieurs niveaux.

Le premier consistait à essayer de tracer une esquisse de la situation des travailleurs dans le secteur de la culture, qu’il soit public ou privé, et de la situation syndicale. En effectuant ce travail à partir de douze entretiens semi-directifs et avec des militants du syndicats SUD Culture Solidaires, certes tous très investis et de secteurs professionnels différents (Ministère de la Culture, spectacle vivant, édition, media, exploitation cinématographique...), il ne s’agit pas non plus de prétendre faire une présentation exhaustive des situations. Mais cela permettait au moins de tracer un portrait relativement fidèle de la situation que vivent les militants du syndicat SUD Culture Solidaires.

Le second objectif de cette étude, c’était de présenter également des actions collectives concernant quelques problèmes importants auxquels s’affrontent les militants syndicaux dans le secteur de la culture. J’ai donc choisi d’analyser le traitement de la lutte contre la précarité au sein de ce syndicat. En effet, avec 22 % de précaires, contre 13 % chez les autres actifs, le secteur de la culture est celui qui est le plus touché par la précarité. Le second exemple analysé est celui des luttes contre la révision générale des politiques publiques, qui est une importante réforme de l’État, initiée par le gouvernement Fillon, juste après l’élection de Nicolas Sarkozy. Le Ministère de la Culture avait été choisi comme ministère pilote et au sein de celui-ci, cette réforme a donné lieu a d’importants mouvements sociaux à l’appel de l’intersyndicale culture.

Le troisième objectif de cette étude était plus théorique, il s’agissait de présenter des analyses sur les transformations de l’État et du capitalisme dans le cadre à la fois de la mise en place de politiques néo-libérales et de transformations du système capitaliste que certains théoriciens qualifient de capitalisme post-moderne.

L’ouvrage part donc des entretiens et des observations participantes en allant vers les analyses les plus théoriques, en essayant de présenter de la manière la plus claire et la plus accessible possible des débats contemporains en sciences sociales sur ces questions. Mais il ne s’agit pas uniquement de présenter des débats, mais également d’y prendre un positionnement original.

Le sous-titre comprend l’expression de syndicalisme d’action directe : à quoi cela renvoie-t-il exactement ?


Le « syndicalisme d’action directe » est une expression qui avait été utilisée par l’historien Jacques Juillard dans les années 1970 pour qualifier le syndicalisme de Fernand Pelloutier (1867-1901), le fondateur des Bourses du travail (Fernand Pelloutier et les origines du syndicalisme d’action directe, Paris, Seuil, 1971).

L’action directe, pour les syndicalistes de la Belle Époque, consistait principalement en la grève. À cela, ils ajoutaient trois autres formes d’action : le sabotage, le boycott et le label syndical. C’est une expression qui me paraît assez bien convenir aux syndicats SUD. En effet, les militants de ces syndicats, issus bien souvent de la CFDT, s’opposaient au recentrage effectué par cette dernière organisation syndicale et mettaient en avant l’importance de la grève comme outil de lutte syndicale. Le second point, c’est que la référence à un syndicalisme d’action directe, également sensible aux thématiques de la démocratie directe, tranche avec les traditions plus verticales qui caractérisent le syndicalisme de lutte de la CGT. Enfin, il semble plus juste de parler de syndicalisme d’action directe, plutôt que de syndicalisme révolutionnaire par exemple, car la notion de révolution n’est jamais explicitement utilisée dans les textes de ces organisation syndicales : elles utilisent plutôt les expressions de « transformation sociale » ou de « rupture avec le capitalisme ».

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