Participatif
ACCÈS PUBLIC
10 / 12 / 2012 | 7 vues
Sylvain Thibon / Membre
Articles : 194
Inscrit(e) le 07 / 01 / 2010

Un plan social chez SFR pour rendre la mariée désirable

« Sois belle et tais toi ! » En voulant se restructurer, Vivendi assouvit d’abord les ambitions des marchés financiers qui désespèrent d’une valeur de l'action qui ne décolle pas…

Première victime de ces projets, SFR qui, avant d’être cédée, s’habille en Prada pour attirer le chaland. Comme toujours, c’est par un plan social que commencent les ronds de jambes aux investisseurs potentiels. Comme s'il fallait d’abord offrir en pâture aux oiseaux de mauvais augure des milliers d’emplois pour prouver que l’entreprise allégée sera plus élégante et donc plus rentable.

Mais d’où nous viennent ces archaïsmes ? D’une hérésie issue d’un modèle économique vieux de plus de 150 ans, lorsque dans l’industrie, des centaines de milliers d’emplois pesaient lourd au compte de résultat, lorsque la menace sociale d’un peuple d’ouvriers révoltés devait être maté par la contrainte ou le retrait du contrat de travail.

Un capitalisme de la rentabilité plutot qu'un capitalisme de l'efficacité à l'œuvre aussi chez Vivendi. Ces schémas sont certainement toujours inconsciement à l’œuvre parce que les dirigeants de nos grandes entreprises sont issus de cette génération formée dans les écoles du milieu du XXème siècle et dans lesquelles la valorisation du capital humain a été annihilée au seul profit du capital financier, guide suprême et salvateur de nos sociétés capitalistes « modernes ». Un capitalisme de court terme, aujourd’hui de très court terme, où la rentabilité en deçà des 20 % annuel rend nos entreprises inintéressantes pour le fond de pension américain.

Les résultats, on les connaît. La plus grave crise économique mondiale depuis les années 1930. Pourtant, malgré les catastrophes actuelles, on continue allègrement sur ce chemin comme nous irions livrer notre âme au diable de la finance, ce diable qui a toujours pouvoir de vie et de mort sur des milliers d’emplois et sur l’avenir d’autant de familles.

Depuis peu, c’est aussi comme ça chez Vivendi. Car comment expliquer que l’on licencie 1 000 salariés ou plus alors que la masse salariale pèse si peu au compte de résultat de SFR ? Nos amis syndicalistes de cette entreprise et les salariés qui les accompagnent sont révoltés par cette situation. Si l'arriviée de Free constitue l’alibi idéal, personne n’est dupe de cet artifice. Malgré les difficultés actuelles, l’entreprise SFR reste très rentable. Mais visiblement, elle ne s’inscrit plus dans le nouveau schéma de développement du groupe Vivendi, dans l’épure de rentabilité de court terme.

Pensez donc, comment comprendre un groupe qui vend du jeu en ligne, de la musique, de la télévision ? L'une des plus belles entreprises françaises risque donc d’être démantelée pour le seul intérêt des marchés financiers qui n’en peuvent plus d’attendre. Mais attendre quoi, au fait ? Peut-être aussi pour assouvir quelques ambitions personnelles de dirigeants aux ambitions démesurées, qu'ils viennent seulement de franchir le seuil ou qu'ils soient installés depuis plus longtemps aux commandes de quelques affaires.

  • En agissant ainsi, sert-on les intérêts de notre communauté ? Sert-on l’emploi ? Sert-on le développement de nos technologies françaises ? Non. C’est un véritable gâchis qui se prépare en catimini. Un gâchis qui pourrait faire de Vivendi un prochain Alcatel, une entreprise dépecée, fragilisée, incapable d’investir en France ou à l’étranger les sommes considérables que nécessite le déploiement des nouvelles technologies. Sans parler de ses filiales qui ne pourront s’appuyer sur un actionnaire fort, internationalement reconnu pour financer leurs projets de développement.


Canal+ est concerné au premier chef. Comment a-t-on financé le développement de Canal au Vietnam ? Qui a financé et garanti les achats de droits du foot ? Qui permet à Canal+ de se développer en Pologne ? Qui a permis à Bolloré de vendre ses 2 chaînes à Canal+ en échangeant cher leur valeur pour une part du capital du groupe Vivendi ? Ces quelques exemples pour comprendre que Vivendi nous a permis non seulement de survivre en finançant en 2003 le déficit abyssal du groupe par un chèque de 3 milliards d’euros mais aussi en servant de banque pour financer les grands projets de développement du groupe.

Bien sûr, dans tout cela, l’humain ne compte pour rien. Rien dans les maigres échanges que nous avons avec les nouveaux dirigeants du groupe Vivendi ne laisse penser à un quelconque souci du social.

L’argent fera le nécessaire si besoin

Un plan social chez SFR de 40 ou 50 millions d'euros, quelle importance ! C’est au final la collectivité qui prendra le relai, Pôle Emploi submergé de chômeurs, attend avec résignation ces nouveaux exclus du travail.

Du PNB au PNB... Le produit national brut se transforme ainsi en produit national des brutes, un capitalisme débridé qui semble dépassé par les événements, ne sachant plus à quel saint se vouer. Reste la madonne des marchés qui a pourtant perdu tant de son éclat depuis 2008.

Rendre la mariée plus belle… Une expression banale de syndicalistes aux aguets, inquiets de voir se démanteler un fleuron qu’ils ont contribué à construire.

N’y a-t-il donc aucune autre alternative possible ? Évidemment que si. Certains pays restructurent leur économie en pariant sur l’humain. Cela arrive parfois en France, mais rarement. Et quand cela se produit, les résultats sont au rendez-vous. La méthode ? Une simple écoute du personnel associé aux décisions stratégiques. Ce modèle a assez bien réussi en Allemagne. Il fait des merveilles dans certains pays du nord de l’Europe. Mais chez nous, il faudra encore des années ou peut-être un tsunami économique pour qu’enfin les yeux de nos dirigeants d’entreprises se décillent, s’ouvrent à la modernité d’un temps qui n’est plus depuis longtemps celui du décideur visionnaire. Cette révolution-là viendra obligatoirement. Nos entreprises de communication pourraient servir de modèles, mais non. Elles sont gérées à la bonne franquette sur un modèle industriel usité au XIXème siècle, entre gens de bonne compagnie, à l’abri des regards d’importuns qui ne connaissent rien au management ou à l’économie...


Funeste erreur ! Ce capitalisme-là mourra de cette cécité. Entre temps, il aura malheureusement provoqué énormément de drames et de dégâts sociaux.

À Canal+, nous avions toujours en modèle cette entreprise SFR, attachée au dialogue social et au respect des instances représentatives du personnel… Mais c’était un autre temps, celui de Franck Esser, formé dans une grande Université de Cologne, patron d’un grand groupe allemand avant de devenir PDG de SFR, issu de cette culture germanique où le dialogue social dans l’entreprise constitue un gage de réussite. Nous sommes passés à autre chose.

Il reste 5 mois aux dirigeants de Vivendi pour décider de l’avenir de 50 000 salariés et de leurs familles. Espérons qu’ils soient bien inspirés pour que le modèle économique qui surgira de ces cogitations contribue au développement de l’emploi, à la préservation de nos acquis industriels, au renforcement de nos activités d’abord en France mais aussi à l’étranger. Vivement 2013...

Pas encore de commentaires