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28 / 03 / 2011 | 53 vues
ALAIN ASTOURIC / Membre
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Souffrance au travail : I - le surstress n’est pas une fatalité

La souffrance au travail ne date pas d’hier. On la trouve dans l’étymologie même du mot travail, ce vocable qui nous vient du latin tripalium désignant un instrument de torture et que le dictionnaire moderne définit comme l'application nécessaire pour faire quelque chose.

Mais ne nous y trompons pas, le travail n’est pas pour autant la souffrance. De nos jours c’est à l’inverse l’absence de travail qui trop souvent constitue une cause de grande souffrance. Le travail, salarié ou non, parce qu'il mobilise le corps, l’intelligence et plus généralement la personne toute entière, reste la source incontournable de l’émancipation et de l’accomplissement de soi. Il est en outre un formidable moyen de mise en relation avec autrui et peut même conduire tout un chacun jusqu’au plaisir.

Il y a à peine trente ans, on parlait encore couramment de cadences infernales et la souffrance au travail relevait surtout de la pénibilité physique. Mais à l’époque, les salariés ne se suicidaient pas pour raisons professionnelles, ils n’avaient pas à retourner l’agressivité contre eux. Il faut dire que le sentiment d’appartenance à un groupe n’était pas qu’un slogan mais bel et bien une réalité : la notion de collectif était encore présente. Cela ne signifie pas pour autant que les risques psychosociaux n'existaient pas. Pour preuve, dans les années 1930, on évoquait déjà la charge mentale et dans les années 1950, les psychopathologies du travail. Mais si bien souvent les conditions matérielles de travail étaient éprouvantes, l'ambiance, elle, restait plutôt amicale. De son côté, le patron tenait sa place et c’est contre lui qu’à l’occasion on retournait l’agressivité.

Dans une organisation aux structures et aux missions bien repérées, l’opérateur, l’agent de maîtrise et le cadre étaient clairement positionnés. Les salariés se sentaient partie intégrante de l’entreprise avec laquelle ils partageaient véritablement un projet commun. On ne parlait pas d’employabilité mais le professionnalisme constituait la plus sûre des références, alors que ce que l’on appelle aujourd’hui la mobilité ne concernait qu’une minorité d’aventuriers. On ne parlait pas non plus de CDI puisque le contrat à durée indéterminée était la norme et le Medef, qui s’appelait CNPF, n’avait pas encore réussi à faire élargir l’usage du CDD. Enfin, les syndicats de l’époque avaient les moyens de défendre leurs salariés.

Depuis un quart de siècle les bouleversements n’ont fait que se succéder.


C’est à partir de 1981 que le monde anglo-saxon du travail a ouvert le feu sur ses propres salariés, alors qu’en France le naufrage de la sidérurgie, vers le milieu des années 1980, marquait le début des restructurations. Au bout de quelque temps, dans la plupart de nos entreprises le service du personnel a pris l’appellation ambiguë de « ressources humaines », reconnaissant par là l'homme comme une richesse, un potentiel, mais faisant du même coup trop peu de cas de la notion de personne et de l’imprescriptible dignité qui s’y attache.

Dès lors, en France aussi, les choses ont commencé à se gâter pour le salariat.

De transformations permanentes en changements incessants, le monde de l’entreprise s’est installé dans un management, officiellement innovant et souple, mais en réalité ultralibéral et dur. Un management fondé sur la rapacité au gain et l’individualisation des résultats à l’aide de techniques qui allaient casser tout sentiment collectif.

  • En vérité, tout a été fait pour renforcer l’individualisme dans le travail, aussi ne faut-il pas s’étonner de le retrouver aujourd’hui dans la société toute entière.
  • Dès lors, les salariés ont du faire face à un paradoxe consistant à vivre la solitude au travail alors que le discours officiel prônait l’esprit maison, le sentiment d’appartenance, les vertus du travail de groupe et celles de la synergie fédératrice. 


 
Du coup, tous (y compris ceux des employés qui avaient vraiment caressé quelque ambition individualiste) s’en sont trouvés perturbés. Un trouble que l’on comprend facilement dès que l’on considère que, quel que soit le domaine dans lequel on exerce, quel que soit le niveau de responsabilité que l’on tient, quel que soient l’âge et l’ancienneté que l’on ait, lorsque le discours officiel prône systématiquement l’inverse de ce que l’on vit sur le terrain depuis des années, la confiance ne peut que s’effriter et le virage pathologique ne peut qu’approcher.

  • Et pourtant, non ! Le surstress au travail et ses conséquences parfois dramatiques ne sont pas une fatalité mais le fruit d’une volonté politique ultralibérale, appuyée sur une petite demi-douzaine de façons de faire managériales : la religion de la mobilité ; la fabrique à stress ; la réingénierie ; l’« empowerment » et la rémunération variable.


Cinq techniques que nous allons nous appliquer à débusquer pour mieux les combattre. 

À suivre  : souffrance au travail : II - La religion de la mobilité

 

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