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06 / 05 / 2011 | 12 vues
François Cochet / Abonné
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Pour un débat de fond sur les RPS : lettre ouverte à Daniel Sanchis, cabinet Degest

La réunion que vous avez organisée le 28 mars et le communiqué des 17 cabinets ou intervenants qui en a résulté contribuent à l'un des objectifs que s’est fixés la FIRPS : « contribuer aux débats sur les RPS » ! Certes, si vous nous aviez également sollicités ce jour-là pour que les participants puissent entendre nos arguments, le débat aurait été plus équilibré. Certaines contre-vérités concernant la FIRPS n’auraient pas non plus pu servir de point d’appui à votre réflexion. La méthode retenue m’oblige donc à faire valoir notre point de vue a posteriori.

Votre communiqué rappelle, à juste titre, que le point de départ reste les réunions organisées par la DGT en juin et en décembre. La DGT est sollicitée régulièrement par des entreprises qui ne savent pas à qui s’adresser pour faire face à la problématique RPS. Les offres, foisonnantes et inégalement sérieuses, se sont en effet multipliées aujourd’hui. Un processus intéressant a été engagé lors de ces réunions. Il va déboucher sur la proposition d’un cahier des charges pour les prestations de conseil destinées aux entreprises. Si tous les membres actuels de la FIRPS ont participé à ces travaux (dans le groupe de travail restreint, en séance à la DGT ou par des contributions écrites), ils ne sont pas les seuls. Ils ne sont bien évidemment pas non plus propriétaires de ces travaux qui sont un bien commun proposé aux acteurs intéressés.

Chacun sait que la DGT s’en tiendra là et n’a pas pour vocation d'organiser la profession. De ce point de vue, il est fallacieux d’entretenir une confusion avec l’agrément des experts CHSCT qui a un tout autre objet. Cet agrément joue en effet, et plutôt bien d’ailleurs, un rôle efficace en fournissant des garanties de professionnalisme aux CHSCT qui souhaitent l’intervention d’un expert agréé.

Rappelons aussi que le champ de l’expertise des CHSCT est beaucoup plus large que les RPS et concerne l’ensemble des questions du travail et de la santé. Agréé depuis l’origine, Secafi contribue autant que possible à répondre à ces besoins qui se développent rapidement.

  • Dès lors, si j’ai bien noté que les 17 signataires font tous partie des 77 cabinets disposant d’un agrément d’expert CHSCT, vouloir réduire les questions de santé au travail au périmètre des expertises du CHSCT, aussi honorable que soit cette profession, est un peu réducteur. Les cas où un CHSCT peut faire intervenir un expert ne couvrent pas toutes les situations. La loi a prévu que seul un « risque grave » ou la consultation sur un « projet important » permet au CHSCT de faire appel à un expert agréé. Beaucoup d’entreprises ne sont pas dans l’une de ces deux situations, sans parler des PME ou encore, pour l’instant, de la fonction publique. Leurs besoins en termes de prévention, y compris des RPS, échappent, quoique l’on en pense, à l’expert du CHSCT. 


Dans la même logique, il faut rappeler qu’il existe de très nombreux acteurs dans le champ de la prévention : les CARSAT, l’INRS, l’ANACT et son réseau, la médecine du travail etc. Et force est de reconnaître qu’il existe aussi d’autres acteurs du conseil qui interviennent sur ce champ. Ils le font souvent à la demande des directions d’entreprise mais aussi, plus fréquemment qu’on ne le pense, dans des cadres paritaires, voire sur sollicitation des IRP.

  • Pour toutes ces raisons, il me semble donc que votre revendication, et celle de ceux qui vous ont suivi, serait en fait de vouloir réserver les prestations de conseil en santé au travail aux seuls experts agréés.

J’ai évidemment le plus grand respect pour l’influence majeure qu’ont eu les démarches initiées par les CHSCT pour faire émerger dans la société les questions de santé au travail. Mais je trouve normal que des acteurs significatifs aient aussi construit des offres, parfois déjà depuis longtemps, pour aider les entreprises et leurs directions, à travailler sur le sujet.

  • En disant cela, je ne cherche pas à masquer les différences d’approches, parfois considérables, qui nous distinguent de ces cabinets. Mais je ne vois pas au nom de quel dogme il faudrait les exclure du champ de la prévention et des débats à engager pour la faire progresser.

Un autre de vos arguments porte sur l’isolement des RPS comme catégorie distincte, qui serait problématique. Je partage bien sûr l’idée que l’approche de la santé au travail doit être globale. Mais cela n’interdit évidemment pas de centrer parfois ses efforts sur des sujets plus spécifiques. Par exemple, Secafi a engagé des coopérations avec le GISCOP (groupement d’intérêt scientifique sur les cancers d’origine professionnelle) pour avancer sur la prévention des cancers professionnels. Cela nous a permis d’améliorer le service rendu aux CHSCT qui nous sollicitent sans avoir pour autant renoncé à une approche globale. Chacun sait que la prévention des RPS pose des questions spécifiques, qui méritent d’y réfléchir de façon distincte. 

Vous invoquez également qu’une « approche organisationnelle » est essentielle pour une prévention efficace des RPS. Je suis évidement d’accord là-dessus. Mais cela ne signifie pas que ce soit la « seule » démarche à engager.

  • Je ne partage pas le mépris trop facile et trop répandu vis-à-vis des autres niveaux de prévention, secondaire et tertiaire en l’occurrence.

C’est l’articulation pertinente des trois niveaux de prévention qui permet d’obtenir des résultats. Par exemple, lorsque certains métiers ont pour objet même de travailler avec des publics difficiles, il ne suffit pas de travailler sur l’organisation. Des formations professionnelles de qualité sont indispensables pour faire face au mieux à des situations de violence par exemple. Et que dire de l’indispensable intervention en prévention tertiaire
lorsque des salariés sont brutalement confrontés au suicide d’un collègue ? Michel Debout le disait récemment en distinguant « le temps de l’émotion », où des dispositifs de soutien psychologique sont indispensables, du « temps de la compréhension » où l’analyse organisationnelle reprend toute sa place.

Une autre de vos remarques mérite que l’on s’y arrête. En effet, vous indiquez : « A contrario, l’idée d’un regroupement par cooptation d’intérêts privés, attribuant un label de qualité à des intervenants, n’offre aucune garantie d’indépendance et de qualité ».

J’observe tout d’abord qu’aucune de vos signatures n’engage une structure qui serait « publique ». Quant à l’attribution d’un « label », il convient de préciser les choses.
 

  • Tout d’abord, nul n’a prétendu qu’un cabinet qui choisirait de ne pas rejoindre la FIRPS, ne pourrait pas faire un travail de qualité. Réciproquement, ne pas rejoindre la FIRPS ne fournit pas plus de label de qualité ou d’indépendance. 

La fédération a établi des règles (statuts, règlement intérieur, code de déontologie) qui précisent les droits et devoirs de ses membres. Toute association professionnelle procède ainsi. La FIRPS a repris intégralement les « règles déontologiques du consultant » proposées par l’INRS. Plus largement, des engagements précis sont indiqués sur plusieurs thèmes essentiels : compétence, responsabilité, transparence etc. Tous les intervenants sur les problématiques RPS qui seront en accord avec ces règles pourront demander à rejoindre la FIRPS. Nous sommes donc loin de la cooptation.  

La FIRPS propose donc à ses membres des exigences assez fortes qui devraient aider chacun d’entre eux à progresser. Si cet objectif se réalise, il est probable que l’appartenance à la FIRPS deviendra, à terme, un label de qualité. Ce sera aux destinataires des prestations des adhérents de la FIRPS, les différents acteurs de la prévention en entreprise, d’en décider.

Pour progresser dans cette voie, la FIRPS se dotera d’un conseil scientifique. Il nous apparaît en effet que les conseils de chercheurs et d’universitaires pourraient nous faire progresser, questionner nos pratiques professionnelles, proposer des innovations.

En conclusion, nous espérons surtout qu’un débat utile pourra s’engager sur des questions de fond. Et que celui-ci ne se réduira pas à la seule question de l’adhésion à la FIRPS, c’est le choix de Secafi, ou de la non-adhésion, un choix parfaitement respectable au demeurant.

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