Participatif
ACCÈS PUBLIC
08 / 07 / 2025 | 11 vues
Sandra Déraillot / Membre
Articles : 6
Inscrit(e) le 09 / 04 / 2025

Formation professionnelle : l’intersyndicale se mobilise pour la survie de l’Afpa

En grève le 26 juin à l’appel d’une intersyndicale , les salariés de l’agence spécialisée dans la formation professionnelle des adultes sont mobilisés pour les emplois de l‘Afpa et sa mission de service public. Depuis son ouverture à la concurrence, l’agence a perdu de nombreux marchés, alors qu’elle affiche un taux d’insertion professionnelle de 71% (contre 58 % pour l’ensemble des acteurs de la formation).

 

Toute manif a ses chansons. A Paris le 26 juin, la manif des salariés de l‘Afpa avait la sienne, interpelant Catherine Vautrin, ministre du Travail. Les salariés de l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes étaient ce jour-là en grève à l’appel d’une intersyndicale dont fait partie la Section fédérale nationale FO de la Formation professionnelle des adultes (SFNFPA-FO). Cette journée de mobilisation a reçu le soutien de la FNEC FO-FP et de la Confédération.

 

Les salariés exigent des moyens garantis et pérennes pour l’agence, la sauvegarde des centres de formation et de leurs emplois, et la reconnaissance de la mission de service public remplie par l’AFPA.

 

Sur l’ensemble des sites, un taux de grévistes de près de 60 % a été atteint. Et quelque 700 salariés se sont retrouvés à Paris et ont manifesté jusqu’au ministère du Travail, rue de Grenelle. Une mobilisation remarquable pour une institution qui ne compte plus que 6 000 salariés (contre 12 000 il y a vingt ans), souligne Jean-Marc Lemée, secrétaire général de la SFNFPA-FO. Des directeurs ont même participé à la grève. La fuite récente dans le journal L’Humanité d’une note confidentielle du ministère de l’Economie, préconisant de mettre fin à la subvention d’équilibre versée chaque année par l’État à l’agence, de vendre une partie de son patrimoine immobilier et de  resserrer ses missions n’avait fait que renforcer la volonté de mobilisation.

 

Une agence sous pression

 

Car depuis une vingtaine d’années, nous observons une érosion de notre financement, explique Jean-Marc Lemée. L’Association pour la formation professionnelle des adultes, créée en 1949 est devenue l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes, un établissement public à caractère industriel et commercial, en 2017. Au préalable la compétence en matière de formation professionnelle des demandeurs d’emploi (part la plus importante des recettes de l’AFPA) a été transférée aux régions en 2004, et le secteur a été ouvert à la concurrence en 2009. Conséquence : selon la Cour des Comptes, l’AFPA a vu « sa part de marché » dans la commande des régions chuter de 42 % en 2010 à 25 % en 2016. Et les commandes publiques de formation (État et régions confondus) ont diminué de près d’un quart entre 2009 et 2024, passant de 32000 formations achetées à 25000 selon les données de la DARES.

 

Le désengagement public s’illustre dans tous les territoires. En Ile-de-France, le Conseil régional a annoncé qu’il consommerait son reliquat du budget 2024 en formation professionnelle, mais ne passerait aucune commande sur les budgets 2025 et 2026, témoigne Jean-Marc Lemée. Par ailleurs, dans la région parisienne, celle des Pays-de-Loire ou encore dans les Hauts-de-France un même problème touche la formation : Les Conseils régionaux ont décidé de ne financer que les formations avec promesse d’embauche indique le militant. Un critère pour le moins restrictif pour des formations longues compte-tenu de la conjoncture économique actuelle.

 

On court après le chiffre d’affaires et l’excédent brut et on oublie les conditions de travail

 

Dans le cortège parisien, les manifestants n’ont pas manqué de pointer les conséquences de ces problèmes de financement. Moi je dispense des formations une semaine par mois, et je ne dois pas me plaindre car certains formateurs en ont encore moins, explique Xavier, formateur en maçonnerie et canalisation. Sur le site où je travaille, avant, les voitures devaient se garer hors du parking tellement nous étions actifs. Puis le parking est devenu suffisant. Et maintenant il y a des places libres toute la journée, poursuit le militant FO pour symboliser la baisse d’activité de l’agence.

 

Michaël Coriette, secrétaire national de la section SFNFPA-FO et secrétaire départemental de celle-ci pour la Seine-Saint-Denis, gère les formateurs itinérants de l’AFPA : Nous devions recruter 70 formateurs pour le service, cela a été annulé, raconte-t-il. Et nous rencontrons tellement de difficultés pour recruter pour notre propre administration en compta et en ingénierie qu’on se demande si la direction a vraiment l’envie de recruter. Abdelhakim Abouloukoul, délégué syndical FO sur la zone régionale de Troyes constate, lui, une baisse d’activité flagrante et une diminution des effectifs : Ce sont des départs en retraite non remplacés et des licenciements pour  insuffisance professionnelle, résume-t-il. Du fait de ces départs, il y a une augmentation des risques psycho-sociaux chez les salariés qui restent. Certains sont surchargés de travail et les réorganisations de services ne sont pas préparées. On court après le chiffre d’affaires et l’excédent brut et on oublie les conditions de travail.

 

De moins en moins de formations pour un diplôme qualifiant

 

Quant à Stéphanie Peyrouse, secrétaire générale de l’UD de l’Aube venue soutenir les salariés de l’Afpa, elle partage l’opinion de nombreux militants présents :  Il y a une réelle volonté du gouvernement de ne pas former les gens, pour qu’ils prennent le premier boulot venu., analyse t-elle. La militante remarque ainsi que l’agence forme de plus en plus sur des périodes courtes qui ne permettent pas d’obtenir un diplôme qualifiant. On formait sur des titres avant, poursuit Stéphanie, maintenant de plus en plus on forme sur des niveaux de compétences, on dispense des modules courts qui ne permettent pas d’obtenir le titre, et donc d’espérer le salaire qui va avec.

 

L’intersyndicale a été reçue par le cabinet du ministre du Travail. Celui-ci nous a assuré que la fermeture de l’AFPA n’était pas à l’ordre du jour, rapporte Jean-Marc Lemée. Mais on nous a aussi indiqué qu’il y aurait encore 1500 suppressions de poste, grâce aux départs en retraites non remplacés, aux fermetures de centres et de formations, aux fermetures de services d’hébergement et de restauration. Or, à moins de 6000 salariés il sera impossible d’assurer nos missions.

 

L’intersyndicale ne se démobilise pas, et d’autres actions sont en réflexion pour les mois qui viennent.  Nous nous sommes invités dans le débat sur l’avenir de l’Afpa, mais, appuie le militant, il va falloir encore peser notamment sur le prochain projet de loi de finances et sur l’élaboration du contrat d’objectif et de performance 2025-2029.

 

Pas encore de commentaires