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Être recruté en contrat très court n’ouvre que de faibles perspectives de sortir de la précarité
Dans une étude parue il y a quelques semaines, la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES)* analyse le comportement des employeurs face aux CDD de moins d’un mois, dont le nombre a explosé en vingt ans.
Quels sont les principaux enseignements à en tirer ? La journaliste Clarisse Josselin s'est penchée sur cette étude pour FO Hebdo.
Ces contrats très courts se concentrent sur un nombre limité de travailleurs, souvent réembauchés par un ancien employeur.
Entre 1998 et 2017, la part des contrats de moins d’un mois dans l’ensemble des embauches en CDD est passée de 57 à 83 %. Alors que cette problématique est au cœur de la réforme du système d’Assurance chômage depuis des années, la DARES a publié une étude intitulée « comment les employeurs mobilisent-ils les contrats très courts ? » le 19 avril. Elle est basée sur l’enquête « offre d’emploi et recrutement » (OFER) de 2016.
Ces CDD très courts se concentrent sur un nombre limité de salariés dont le contrat est fréquemment renouvelé, précise l’étude : 84 % de ces embauches sont en fait des réembauches chez un ancien employeur. Toutes choses égales par ailleurs, ce sont les établissements des secteurs de l’administration publique, de l’enseignement et de la santé ou des services aux entreprises qui ont le plus recours aux contrats très courts. Cela concerne moins souvent la construction et l’industrie, davantage tournés vers l’intérim.
Parmi les raisons pouvant expliquer l’usage croissant de ces contrats très courts, la DARES cite les transformations du système productif, des changements réglementaires sur l’activité réduite ayant incité davantage de salariés à accepter des contrats très courts, l’usage de ces contrats comme période d’essai ou encore la volonté pour les employeurs de limiter les coûts en ne faisant travailler les salariés que lorsqu’ils sont indispensables à l’activité de l’établissement.
Enchaînement des contrats avec la même personne
Dans les motifs de recours aux contrats courts, 60 % des employeurs déclarent les avoir utilisés pour remplacer un salarié absent (60 % des cas), 24 % pour faire face à un accroissement temporaire d’activité (24 %) et 10 % pour réaliser des activités saisonnières ou occasionnelles. Il existe néanmoins de fortes disparités selon les secteurs d’activité. Si le remplacement d’un salarié vient en tête dans la santé ou l’action sociale, c’est l’accroissement temporaire d’activité qui arrive en tête dans la construction (49 %). Les établissements du secteur des arts et spectacles, autorisés à recourir aux CDD d’usage, mettent plus fréquemment en avant le caractère temporaire par nature de leurs emplois (30 %).
Un tiers de ces contrats très courts concerne des postes de manœuvre ou d’ouvrier spécialisé, 39 % des postes d’employé et personnel de services. Les ingénieurs, cadres et agents de maîtrise sont moins représentés parmi les embauches en CDD très courts que dans l’ensemble des embauches de plus d’un mois […] tandis que les manœuvres et les ouvriers spécialisés sont surreprésentés, constate l’étude. Dans les trois quarts des cas, les établissement font appel à d’anciens salariés pour pourvoir ces emplois, une pratique 2,5 fois plus répandue que pour le recrutement en contrats plus longs.
Plus de la moitié (58 %) des établissements recourant aux CDD très courts déclarent avoir un vivier de gens travaillant régulièrement pour eux, dans lequel ils puisent en fonction de leurs besoins. L’existence de ce vivier varie selon l’intensité du recours aux contrats très courts. Ainsi, 77 % des établissements fortement utilisateurs (plusieurs fois par semaine) en disposent. Ce taux passe à 64 % pour ceux qui recrutent en contrats très courts plusieurs fois par an et à 32 % pour les établissements utilisateurs occasionnels.
Faibles perspectives d’embauche en contrats plus longs
De même, plus un établissement a recours aux CDD de moins d’un mois, plus il enchaîne les contrats très courts avec la même personne. Si cet enchaînement s’établit en moyenne dans un quart (24 %) des cas, le taux grimpe à 57 % pour les plus gros utilisateurs (plusieurs par semaine). Il passe à 21 % pour ceux qui réalisent plusieurs embauches par an et à 9 % pour les plus faibles utilisateurs.
Être recruté en contrat très court n’ouvre que de faibles perspectives de sortir de la précarité. Seulement 21 % des établissements déclarent transformer fréquemment ou très fréquemment les CDD de moins d’un mois en CDD long et 16 % en CDI. Cependant, la probabilité de signer un contrat long augmente avec l’intensité du recours de l’employeur aux contrats très courts : ce taux passe de 38 % pour les plus gros utilisateurs (plusieurs fois par semaine) à 11 % pour les plus faibles.
D’autres facteurs jouent sur la pérennisation de l’emploi, comme la taille de l’entreprise ou le secteur d’activité, les « chances » étant plus réduites dans l’administration publique et plus élevées dans la construction ou l’hébergement/restauration. Les établissements les plus récents offrent aussi davantage de perspectives.
En revanche, un établissement qui fait davantage appel à d’anciens salariés pour les contrats courts réduit les perspectives d’obtenir un CDI. Cet effet peut refléter l’existence d’un vivier de salariés facilement mobilisables par l’établissement, ce qui rend moins nécessaire la poursuite de la relation d’emploi, souligne l’étude.
Depuis des années, notre organisation syndicale revendique la mise en place d’un système de bonus-malus pour mettre un terme à l’activité réduite et aux trappes de précarité, en sanctionnant les entreprises qui abusent des contrats courts
(*) l'étude complète de la DARES : https://dares.travail-emploi.gouv.fr/dares-etudes-et-statistiques/etudes-et-syntheses/dares-analyses-dares-indicateurs-dares-resultats/article/comment-les-employeurs-mobilisent-ils-les-contrats-tres-courts