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23 / 01 / 2025 | 28 vues
Joseph Vrezil / Abonné
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Elus du CSE : Mettre les Directions d'entreprise face à leurs responsabilités [Chapitre 7]

Pour contribuer à une maîtrise des situations de travail à risques, discutons des faits avec la ligne hiérarchique opérationnelle, et actons dans le PV du CSE les situations problèmes sans réponses satisfaisantes pour les salariés. C'est le chapitre 7 d'une série de 10 contributions pour maîtriser les risques du métier de syndicaliste en améliorant son efficacité.

 

 

Fondée sur le principe du rendement du capital investi, les finalités et l’utilité sociétale de l’entreprise industrielle et commerciale ne sont pas établies sur un mode de fonctionnement démocratique. L’entreprise est une « organisation à projets » : Qualité Coûts Délais, c’est son ADN. Le Comité de Direction décline les objectifs du Conseil d’Administration en objectifs opérationnels qui s’affinent chaque année lors du processus d’élaboration budgétaire (phase de réflexion active). En phase d’exécution des décisions on ne réfléchit plus : c’est le pilotage par la maîtrise des risques opérationnels, économiques, juridiques, commerciaux, sociaux, environnementaux, perte d’image, etc.
 

Bien souvent, les situations-problèmes (risques de dommages pour les salariés, les clients, les fournisseurs, la Société), que l’on peut qualifier de dysfonctionnements organisationnels, ne relèvent pas intentionnellement de mauvaises décisions mais plutôt d’inadéquation à des situations réelles de travail. Car toute situation de travail est issue d’un choix d’organisation qui est un compromis entre des objectifs, des moyens (budgets, compétences, ressources, …) et des délais. Toutes les décisions managériales présentent nécessairement des facteurs de risques ou de tensions, du fait des limites d’exercices au-delà ou en deçà desquelles les hypothèses qui les justifient ne sont plus valables. Ces décisions conduisent à des facteurs de tensions pour les opérateurs qui les subissent sans aucune marge de manœuvre (ex : poste de travail non adapté à la personne).
 

Avec la globalisation de l’économie, les choix industriels structurants conduisent à des investissements financiers (localisation des moyens techniques et des équipes) qui seront rentabilisés sur plusieurs années et pour lesquels les ressources humaines ne sont qu’une ligne de coût. L’outillage des processus de travail (robots, logiciels, intelligence artificielle, …) intègre de plus en plus les règles de gestion, les gestes professionnels, les mécanismes de contrôle et de suivi de production (Lean management). Les marges de manœuvre s’en trouvent réduites pour les managers et les opérateurs. La disparition des compétences métier appauvrit et fait perdre le sens du travail. L’organisation du travail encourage par ailleurs chaque opérateur à collaborer et coopérer, tout en étant en concurrence.
 

Adapter le travail à chaque salarié (comme le prévoit le code du travail) se trouve empêché. Les marges de manœuvre des acteurs décisionnaires (les directions locales d’établissement) sont limitées pour faire corriger les effets les plus néfastes. Les salariés subissent ces contraintes, bien comprises par les représentants du personnel. Le processus de prise de conscience d’une opinion publique nécessaire pour faire reconnaître le problème social, l’analyse des causes, le choix des solutions et leurs mises en œuvre est nécessairement long.
 

La place d’un élu au CSE dans un processus de transformation est nécessairement celle d’un observateur de faits, d’un lanceur d’alertes exigeant la prise en compte de la réalité par le décideur.
 

Il ne faut pas confondre la discussion avec la ligne hiérarchique opérationnelle sur l’organisation du travail et la négociation d’accords avec la Direction pour faire évoluer les droits et pratiques au sein de l’entreprise. La place d’un négociateur ne vient qu’à partir du moment où la pression de l’opinion publique, les obligations réglementaires, etc. viennent imposer aux décideurs à trouver un compromis.
 

Le Dialogue Professionnel constitue la première pierre pour bâtir cette opinion publique et devrait être permanent, en dehors des instances CSE et Commissions. Il repose sur un processus : instruction -> communication -> discussion avec la ligne hiérarchique opérationnelle.
 

D’où l’importance d’inscrire factuellement les dysfonctionnements organisationnels (constatés par les salariés et exprimés factuellement par les élus) dans les Procès-Verbaux du CSE. En tant qu’élu au CSE, il ne s’agit pas de débattre ou de négocier un changement, juste d’inscrire des faits. Les opinions (jugements) des représentants du personnel n’ont pas de valeurs vis-à-vis des opinions des décideurs, seuls les faits sont opposables ; charge aux décideurs de prendre leurs responsabilités s’ils font le pari risqué de les ignorer. La Direction est tenue de répondre de manière motivée aux alertes et suggestions des salariés.
 

Le CSE n’est donc pas un lieu de débat mais une chambre d’enregistrement :
 

1) de l’état des discussions sur l’expression collective des intérêts des salariés (L.2312-8) ;

2) des réponses que l’employeur est obligé d’apporter à cette expression (L.2312-15).

Un syndicat n’a pas de pouvoir mais a une capacité à organiser la défense collective des intérêts des salariés, c’est-à-dire à faire reconnaître et défendre la valeur de socialisation du travail ; et pour cela construire l’opinion publique nécessaire au changement par la négociation.

 

N’hésitez pas à compléter, commenter cette contribution.

A suivre : Chapitre 8 : Construire l’opinion publique pour négocier

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