Organisations
Compétences, le nouveau credo d'une formation professionnelle qui s'enlise dans la complexité
La nouvelle réforme de la formation (version 2019) prétend une fois de plus révolutionner une formation à l'arrêt en France. En démantelant les anciens dispositifs (CPF, CIF, périodes de pro et plan de formation) en liquidant les organismes collecteurs (les OPCA devenus OPCO) tout en pérennisant une cotisation obligatoire dont les entreprises de plus de 50 salariés n'auront plus que faire, les pouvoirs publics prennent le risque d'immobiliser une formation professionnelle à la peine depuis vingt ans.
En matière de réforme les compétences deviennent le leitmotiv d'une réforme impossible et improbable
France Compétences, plan d'investissement dans les compétences (PIC), socle des compétences (CLÉA), opérateurs de compétences etc., les compétences sont désormais servies à toutes les sauces sans que personne ne se demande s'il n'y a pas d'abus de langage ou de confusion entre les notions de compétences et celle d'apprentissage et de formation.
Comme le souligne l'expert des compétences, Guy Le Boterf, les compétences sont fugaces, insaisissables et difficilement formatables dans des certifications, qualifications ou titres rigides et anciens.
- Les compétences sont une dynamique, un « savoir agir » face aux aléas
On est compétent dans une situation de travail (ou autre) en mettant en œuvre un mélange de connaissances, d'expériences, de savoir-faire, de savoir-vivre, de « savoir apprendre ». C'est donc principalement au travail (ou lors d'apprentissage en alternance) que les compétences peuvent se démontrer et se valoriser, elles ne sont pas une discipline olympique ou une collection de savoirs théoriques acquis dans les livres ou via des cours magistraux (fussent-ils dispensés à distance via internet).
- Les compétences sont combinatoires
De même que la cuisine d'un chef ne consiste pas à aligner ses diplômes ou des ingrédients et recettes, les compétences (d'un expert ou d'un spécialiste) consistent à agir, réagir et entreprendre en fonction d'une situation (de travail) qu'il est capable de caractériser, de jauger, d'appréhender et de dominer.
Comme l'intelligence ne dépend guère du nombre de neurones dont on dispose (mais des connexions entre eux), les compétences sont la connexion entre des connaissances (il en faut), des situations réelles de travail, des initiatives ou des dialogues avec ses pairs (ou d'autres composantes de l'organisation).
- Les compétences sont à la fois individuelles et collectives
Au creux des décennies industrielles, avant le basculement dans la société de la connaissance et des réseaux, les compétences pouvaient se confondre avec les qualifications. On demandait, par exemple, à un ouvrier-ajusteur de savoir maintenir son poste de travail propre et ordonné, d'être consciencieux et sûr dans l'exécution de ses gestes et de livrer des pièces de qualité aux autres composantes de la chaîne ou ateliers de l'usine.
Aujourd'hui, il importe toujours d'être fiable, sérieux et consciencieux mais le travail a profondément changé et les compétences d'un ouvrier dépendent en grande partie de son organisation, de ses capacités d'innovation, du dialogue entre les services, de la capacité à prendre des initiatives, à faire des propositions au sein d'une entreprise devant se libérer à la fois du taylorisme (parcellisation des tâches) et du fordisme (déresponsabilisation et subordination) en échange d'un lien de subordination qui est de moins en moins tangible et vécu dans les organisations modernes.