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Stratégie pluriannuelle de pilotage ministériel des RH à Bercy : gare à la troisième dose !
La loi du 6 août 2019 n’en finit pas de distiller ses méfaits dans la gestion des parcours professionnels des agents. L’abandon des commissions administratives paritaires (CAP) en matière de mobilité et de promotions, remplacées par des lignes directrices de gestion opaques, a déjà illustré la mainmise totale des directions générales dans le déroulement de carrière des agents, sans possibilité de recours, si ce n’est devant un tribunal administratif et une médiation aux contours encore bien flous.
Comme si cela n’était déjà pas suffisant, le décret du 29 novembre 2019 oblige chaque ministère à un troisième pilier de lignes directrices de gestion pour « fixer la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines pour la période 2022-20026, définissant les enjeux et les objectifs de la politique de ressources humaines à mener au sein du ministère, compte tenu des politiques publiques mises en œuvre et de la situation des effectifs, des métiers et de compétences ».
En résumé : « comment faire tourner la boutique dans une période où les effectifs diminuent, les réformes s’empilent et les compétences se raréfient avec les nombreux départs à la retraite concomitamment avec une pénurie de recrutement dans certains corps ? ».
Programme ambitieux mais dont, à ce stade, nous ne voyons pas trop les contours et encore moins le but final, si ce n’est peut être de faire penser que le dialogue social nouveau est arrivé. D’autant que ces travaux s’engagent sous le joug omniprésent des politiques budgétaires et d’emploi, imposées par la représentation nationale. Programme surtout très loin des préoccupations quotidiennes des agents que sont leur pouvoir d’achat, leur déroulement de carrière, leur environnement de travail et les conditions dans lesquelles ils l’exercent, sans évoquer les conséquences de la crise sanitaire.
Un groupe de travail s’est réuni, sous la présidence de Véronique Gronner, récemment nommée DRH au Secrétariat Général du ministère, pour commencer ces travaux et définir les principaux axes de travail. Pour seul document reçu en amont de ce groupe de travail, une fiche résumant les domaines pour lesquels le ministère souhaite ouvrir la réflexion. Notons que la DGFIP n’a pas attendu le cadrage ministériel pour engager un cycle de réunions avec ses organisations syndicales.
La synchronisation des travaux entre le Secrétariat Général et les directions est toujours aussi laborieuse. La présidente de séance a mentionné que l’objectif de ces lignes de gestion (LDG) était d’articuler l’ensemble des dispositifs de RH déployés pour en faire des objets coordonnés du dialogue social, précisant si nous en avions parfois douté, que le ministère ne les avait pas attendues pour faire de la politique de RH.
Les enjeux de cette troisième vague de lignes de gestion pour le ministère sont donc :
- les nouvelles formes d’organisation du travail et de pratiques managériales,
- la révolution numérique et son effet sur les missions, sur la relation usagers et sur les compétences des agents,
- le développement de l’interministérialité et de la territorialisation de l’action de l’État, y compris dans la gestion des ressources humaines,
- les attentes des agents en matière de parcours professionnel, de conciliation « vie professionnelle et vie privée » et de simplification des processus de RH.
Le ministère a proposé trois axes de travail, dont les intitulés peuvent être sources de bien des interrogations et confirment toutes les réserves de notre fédération sur l'exercice proposé.
Permettre aux directions de disposer des profils correspondants à leurs besoins
Pour le Secrétariat Général, ce chantier est prioritaire afin d’optimiser les compétences attendues par les employeurs et celles détenues par les agents. Dans ce cadre, il propose une meilleure connaissance des compétences internes et le renforcement de l’attractivité du ministère.
Les domaines inscrits dans ce premier axe sont :
- développer une politique de GPEEC ministérielle et directionnelle, tant qualitative que quantitative ;
- renforcer les compétences des agents et les accompagner dans leur parcours professionnel ;
- déployer et suivre les lignes directrices de gestion de mobilité et de promotion ;
- rendre le Ministère des Finances plus attractif via, notamment, sa marque employeur ;
- s’appuyer sur un réseau d’encadrants formés et ainsi leur permettre de pleinement jouer leur rôle.
Déployer une responsabilité sociale, sociétale et environnementale
Dans cet axe de travail, le Secrétariat Général mêle diverses thématiques dont le lien avec une « stratégie des ressources humaines » est parfois bien tenu : égalité professionnelle, éco-responsabilité, action sociale, conditions de travail et diversité.
Sans nier l’intérêt de ces sujets dans la vie professionnelle des agents, ils sont aussi un alibi pour le ministère pour rejeter les sujets qui fâchent tels que l'évolution des traitements, l'avenir des missions et le niveau des emplois de l’agenda social aux calendes grecques. D’autre part, avait-on là encore besoin d’élaborer des lignes directrices de gestion à Bercy pour aborder ces thématiques. À l’évidence, la réponse est négative. Heureusement d’ailleurs que nous n’avons pas attendu l’obligation de ces lignes directrices de gestion pour avancer sur bien des thématiques proposées dans cet axe, même si des travaux complémentaires doivent se poursuivre.
Poursuivre la transformation de la fonction de RH
En avant-propos de cet axe, la fiche fournie mentionne : « La modernisation de la fonction de RH constitue un vecteur clef pour rendre la gestion au quotidien des agents plus qualitative ». Que ces choses là sont bien dites mais nous serions tentés de rajouter « Mais encore ? ».
Face à notre perplexité, trois orientations ont été présentées :
- poursuivre l’optimisation des RH ministérielles,
- renforcer les liens de RH et managériaux dans les territoires,
- développer l’offre de RH personnalisée au profit des agents, via les conseillers de mobilité carrière.
À ce stade, ces priorités ressemblent plus à un plan théorique loin d’une réalité quotidiennement vécue par les agents et leur encadrement. La présidente de séance a voulu présenter ces lignes directrices de gestion comme une démarche novatrice du ministère, introduisant une politique de gestion prévisionnelle des emplois et des effectifs.
Notre fédération trouve cet exercice nébuleux et théorique et redoute qu’il ne soit de nouveau un prétexte pour remplir l’agenda social, excluant les principales attentes des agents dans leur vie professionnelle des débats. Nous sommes partisans d’une véritable gestion prospective du personnel mais elle doit être précédée d’un véritable débat sur les missions, systématiquement refusé par nos interlocuteurs.
Les deux premières doses de lignes directrices de gestion concernant les mobilités et les promotions ont déjà fait mal au moment de leur injection dans les parcours professionnels. La troisième dynamisera le « pass de carrière » au bon vouloir d’une stratégie de RH ministérielles, élaborée pour mieux s'intégrer dans une politique budgétaire contrainte. Mais attention aux effets indésirables...