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Pour Muriel Pénicaud, « le burn-out n'est pas une maladie professionnelle » : qu’en est-il vraiment ?
Selon la Haute Autorité de la Santé (HAS), le terme « burn-out » (épuisement professionnel) est utilisé pour décrire toute sorte de stress, de grande lassitude ou de fatigue liée à son travail. Il s’agit d’un véritable syndrome qui se traduit par un épuisement physique, émotionnel et mental profond, causé par un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes.
Les mots de la Ministre du Travail
Sur France Inter, la Ministre du Travail interrogée sur les suicides chez France Télécom et le syndrome d'épuisement professionnel (« burn-out »), a répondu que « ces sujets-là sont des sujets internationaux. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a très fermement dit, après étude, que ce n’était pas une maladie professionnelle. Une maladie professionnelle, ça a des incidences très vite. Il y a des sujets de « burn-out ». Mais ce n’est pas une maladie professionnelle au sens strict, il y a un cumul avec la vie personnelle et quand on arrive au désespoir il n’y a plus rien pour vous raccrocher. La définition n’est pas médicalement prouvée. De toute façon on est obligé de suivre l’OMS ».
Pourquoi c’est faux...
En réalité, l'épuisement professionnel a déjà été codé dans la nouvelle version de la classification mondiale des maladies adoptée par l’OMS et publiée en juin dernier. Elle sera présentée à l’Assemblée mondiale de la Santé en mai 2019 afin d’être adoptée par les États. Dans un guide d'aide à la prévention édité en 2015 réalisé en lien avec l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT) et l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), le Ministère du Travail (dont Muriel Pénicaud a la charge) identifiait lui-même les symptômes liés à l'épuisement professionnel : « fatigue extrême due à une exposition continue à des facteurs de risques psychosociaux, cynisme vis-à-vis du travail et diminution de l'accomplissement personnel au travail » et leur corrélation avec un environnement de travail dégradé ou inadapté. Le guide précisait par ailleurs les différences notables permettant de distinguer une dépression d'un épuisement professionnel, ce dernier étant directement lié à la vie professionnelle.
Que dit le droit ?
L’article L.461-1 du Code de la Sécurité sociale dispose que la maladie désignée dans le tableau de maladies professionnelles est « présumée professionnelle » sans que le salarié n’ait à prouver le lien entre la maladie dont il souffre et le travail. Toutefois, « les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d’origine professionnelle ». Certes, pour le moment l'épuisement professionnel ne figure pas dans la liste des tableaux de maladies professionnelles. En revanche, s’il ne bénéficie pour l’instant pas de la présomption, il est reconnu comme maladie professionnelle par la Sécurité sociale et par la Justice.
La reconnaissance d’une maladie professionnelle par la Sécurité sociale
La reconnaissance peut être sollicitée auprès de la CPAM par l’envoi d’une « déclaration de maladie professionnelle ou demande motivée de reconnaissance de maladie professionnelle ». La CPAM évaluera le taux d’incapacité de travail du salarié. Si ce dernier est supérieur à 25 % et s’il y a un lien direct entre la maladie et le travail, la CPAM transmettra la demande de reconnaissance de maladie professionnelle au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. Si la maladie professionnelle est reconnue, le salarié pourra bénéficier de la réparation de ses dommages corporels, de l’octroi d’indemnités journalières en cas d’interruption temporaire de travail et d’une rente en cas d’incapacité permanente.
La reconnaissance d’une maladie professionnelle par la Justice
L'épuisement professionnel peut trouver son origine dans des faits de harcèlement de la hiérarchie comme l'a reconnu la Cour de cassation sur le fondement de l’article L. 1152 du Code du travail (Cass. soc., 15 novembre 2006, n° 05-41.489). L’employé doit alors établir un lien de causalité entre la maladie et ses conditions de travail habituelles. Même s’il n’y a pas de harcèlement, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale des travailleurs qui sont des mesures d’ordre public. Ainsi, si l'épuisement professionnel est dû à une surcharge de travail, l’employeur sera condamné. Par ailleurs, le salarié en arrêt maladie prolongé en raison d’un épuisement professionnel sera protégé contre le licenciement (Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-22082).
En définitive, Muriel Pénicaud a tord quand elle affirme, s’exprimant sur les 35 suicides de France Télécom, que l'épuisement professionnel n’est pas une maladie professionnelle.
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