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31 / 08 / 2018 | 6 vues
Didier Cozin / Membre
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Le compte de formation dans la fonction publique : entre risques et opportunités

En mai 2017, un ultime « cadeau » social a été fait aux fonctionnaires sous la forme d'un décret officialisant et organisant (un peu) le compte personnel de formation (CPF) dans les trois fonctions publiques.

Le CPF est à peine balbutiant dans le privé (1 % des salariés l'utilisent depuis 2015) et les difficultés posées dans le secteur public par ce dispositif de formation sont multiples.

  • Le CPF succède à un droit individuel à la formation (DIF) inutilisé et inabouti qui aura (de 2007 à 2017) rarement permis de changer la formation des fonctionnaires, de développer l'appétence pour les apprentissages ou de déployer de nouvelles ressources éducatives.
  • Le CPF public n'est plus destiné à l'adaptation au poste de travail mais au développement des compétences et à la prévention des déqualifications.
  • Les employeurs publics n'ont pas de moyen supplémentaire pour former 6 millions de fonctionnaires à raison de 24 heures par an (soit 150 heures de droits cumulés, une créance éducative représentant près d'un milliard d'heures de formation depuis 2007).
  • Le CPF a été conçu et imaginé par des entreprises pour ne plus tenir de compteurs (DIF), ne plus organiser ni financer les formations individuelles. Dans le privé, tout est désormais externalisé vers les OPCA ou la Caisse des dépôts.
  • Dans le secteur public, aucune nouvelle cotisation CPF n'a été mise en place, aucun OPCA ne gère, ni n'organise ni ne finance les formations (ni le CNFPT, ni l'ANFH n'en est chargé, ni capable). 
  • La comptabilisation des heures et la gestion des compteurs (plus complexes que ceux du DIF) repose (et reposera) sur l'employeur public.

Le CPF public peut malgré tout représenter une opportunité.

  • Il installe une priorité : celle de la formation du personnel le moins qualifié (catégorie C) sur le socle des compétences (français, calcul, informatique...) : les formations participant du socle des compétences sont de droit opposables à l'employeur et réalisables sur le seul temps de travail.
  • Il offre une plus grande liberté de choix dans les formations, leurs modalités, leur reconnaissance (pas de listes de formation éligibles et un choix largement ouvert sur tout le marché de la formation).
  • Il est une occasion de reconstruire les procédés, les règlements de formation ainsi que de préparer le management à son nouveau rôle qui sera d'accompagner les transitions professionnelles et les mobilités.

Pour déployer le CPF, les organisations publiques doivent se préparer et s'outiller.

  • Tenir des compteurs internes (parallèlement à ceux de la Caisse des dépôts) qui leur permettront de suivre et de gérer au plus près la formation et les parcours professionnels des agents.
  • Organiser des circuits simples et lisibles de formations CPF (supports d'informations et des entretiens, formulaires de demandes, catalogues et règlements CPF...).
  • Dégager des ressources (prises sur le plan de formation) pour former prioritairement le personnel non diplômé, inapte ou en reconversion professionnelle.

Le CPF va nécessairement être plus demandé que le DIF.

  • Il est restauré et réaffirmé dans la loi de formation votée le 1er aout 2018. 
  • Il devient le pilier de la réforme de la formation pour le Ministère du Travail (qui s'est engagé à rapidement et durablement communiquer sur ce sujet).
  • Il est entré en vigueur en 2017 (avec effet rétroactif au 1er janvier 2017) alors que les compteurs de CPF des agents étaient presque tous pleins (144 heures fin 2018 pour la plupart des fonctionnaires).
  • Il a pour mission de faire monter en compétences l'ensemble de la population active, alors que, selon l'OCDE, près du quart des adultes en France ont des compétences insuffisantes pour se maintenir en emploi (difficultés avec l'écrit, le numérique ou les savoirs de base).

Le CPF n'est pas ruineux ou inflationniste s'il est organisé et approprié par les employeurs.

  • Il peut substituer un plan individuel de formation (PIF) au plan collectif (et souvent inadapté) des organisations.
  • Il responsabilise les agents sur le développement de leurs propres compétences (que faites-vous de vos heures de formation ?).
  • Il doit accompagner les changements au travail (numérisation, globalisation, désintermédiation...).
  • Il peut favoriser de nouvelles modalités de formation : fin de stages présentiels pour les agents de catégorie A et B, développement de la FOAD ou de l'auto-formation, réorientation des budgets de formation envers le personnel de catégorie C.

Une formation pour tous et tout au long de la vie ?

Le DIF a été un échec dans le privé comme dans le public et un pari perdu par l'ensemble du corps social français (pari sur la réactivité et la responsabilisation éducative), le CPF est une opportunité pour désormais changer la formation et installer une formation enfin continue tout au long de la vie.

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