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21 / 03 / 2018 | 36 vues
Didier Porte / Membre
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Conséquences des nouveaux textes sur le régime juridique du comité social et économique

Avec l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, le paysage des instances représentatives du personnel (IRP) a été profondément bouleversé, compte tenu de la disparition prochaine des instances actuelles que sont le comité d’entreprise, les délégués du personnel et le CHSCT, au profit du comité social et économique (CSE).

Depuis, plusieurs textes complètent et/ou corrigent certaines dispositions prévues par l’ordonnance précitée. Il s’agit de l’ordonnance n° 017-1718 du 20 décembre 2017, communément appelée « 6ème ordonnance » ou « ordonnance balai » et du décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017, relatif au comité social et économique (applicable depuis le 1er janvier 2018).

Par ailleurs, la loi de ratification des ordonnances apporte également des modifications au régime juridique du CSE [1].

Quelles conséquences auront ces nouveaux textes sur le CSE ? Coup de projecteur sur les principaux thèmes affectés.

Mise en place du CSE

  • Mesures transitoires pour la mise en place du CSE

Pour rappel, l’ordonnance du 22 septembre 2017 a prévu des mesures transitoires pour la mise en place du CSE pour les mandats arrivant à échéance en 2017 et en 2018 (possibilité de réduire ou de proroger leur durée d’un an). En revanche, rien n’était prévu pour les mandats arrivant à échéance entre le 1er janvier et le 31 décembre 2019.
Le projet de loi de ratification des ordonnances règle cette question en permettant, par accord collectif ou par décision de l’employeur, de réduire ces mandats pour une durée d’un an au maximum, afin d’anticiper la mise en place du CSE. Il n’est pas possible de les proroger.

  • Reconnaissance d’établissements distincts

Avec l’ordonnance du 22 septembre 2017, la reconnaissance de la qualité d’établissement distinct a évolué. Les établissements distincts ne sont désormais plus définis par le protocole d’accord préélectoral mais par accord d’entreprise, à défaut par accord avec le CSE et, à défaut, par décision unilatérale de l’employeur.

L’ordonnance du 20 décembre 2017 précise qu’en cas de contestation de la décision unilatérale de l’employeur, lorsque celle-ci intervient dans un processus électoral global, la saisine de l’autorité administrative suspend ce processus jusqu’à la décision administrative et entraîne la prorogation des mandats des élus en cours jusqu’à la proclamation des résultats du scrutin. Cette précision apporte une clarification en la matière.

  • Mise en place de CSE d’établissement et de CSE central

Des CSE d’établissements et un CSE central sont mis en place dans les entreprises d’au moins 50 salariés comportant au moins deux établissements distincts. Par le passé, ce seuil de 50 salariés s’appréciait au niveau de l’établissement et non de l’entreprise.

Cette nouvelle rédaction est-elle susceptible d’avoir des conséquences sur la possibilité de reconnaître l’existence d’établissements distincts, dans les entreprises de moins de 50 salariés ? La question reste posée.

  • Caducité des anciens accords collectifs relatifs aux IRP

Tous les accords collectifs relatifs aux IRP (par ex. : accord prévoyant un nombre de délégués supérieur à ce qui est prévu par le Code du travail) seront caducs à compter de la date du premier tour des élections des membres de la délégation du personnel au CSE. Cela vaut pour les accords, quel que soit le niveau auquel ils ont été conclus (entreprise, branche…).

  • Transfert des biens du CE au CSE 

C’est lors de la dernière réunion du CE que sera réglée la question de l’affectation des biens de toute nature dont ce dernier dispose et, le cas échéant, des conditions de transfert de ces biens. Cette affectation se fera en priorité à destination du CSE ou conseil d’entreprise.

Lors de la première réunion du CSE ou du conseil d’entreprise, l’instance décide, à la majorité de ses membres, soit d’accepter les affectations prévues par le CE lors de sa dernière réunion, soit de décider d’affectations différentes.

Les transferts de biens meubles ou immeubles ne donneront lieu ni à un versement de salaires ou honoraires au profit de l’État, ni à perception de droits ou taxes. 

Élections professionnelles

  • Élections partielles et représentation équilibrée hommes/femmes

Le texte de la CMP supprime la possibilité qui avait été introduite par l’ordonnance du 22 septembre d’organiser des élections partielles lorsque des sièges étaient devenus vacants du fait de l’annulation par le juge d’élus n’ayant pas respecté l’alternance et la représentation équilibrée. Il s’agit d’un grand retour en arrière, ce qui va de nouveau mettre en péril la pérennité de la représentation du personnel. Cette modification avait été adoptée par le Sénat qui ne voulait pas faire supporter à l’employeur le fait que des syndicats n’aient pas respecté les règles.

  • Fusion d’entreprises 

Dans le cadre d’une fusion d’entreprises, si l’entreprise absorbante n’a pas d’IRP, en l’absence d’accord collectif en disposant autrement, il est procédé à des élections au sein de chaque établissement concerné pour la mise en place d’un CSE d’établissement, ainsi qu’à des élections pour la mise en place d’un CSE central.

  • Limitation du nombre de mandats 

Alors que l’ordonnance du 22 septembre 2017 prévoyait la possibilité de déroger à la limitation à 3 mandats par protocole d’accord préélectoral, cette possibilité n’est plus offerte qu’aux entreprises dont l’effectif est compris entre 50 et 300 salariés.

Cette limitation est donc absolue dans les entreprises de plus de 300 salariés.
Pour rappel, ces dispositions ne sont pas applicables dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Cette même limitation des mandats successifs est étendue aux membres du CSE central et, sous certaines conditions, aux membres des CSE d’établissement. Un décret en Conseil d’État devrait fixer les modalités de cette limitation de mandats successifs.

Certaines questions risquent de se poser quant à la notion même de mandats successifs et à la façon de les comptabiliser. S’agira-t-il de mandats exclusivement de même nature ou de mandats différents (comme par exemple celui d’élu au CSE et d’élu au CSE central) ? Par ailleurs, il était initialement prévu que la limitation du nombre de mandats ne pouvait avoir pour effet de réduire en deçà de 12 ans la durée des mandats successifs, quelle que soit leur durée. Cela n’est plus mentionné.

Cette disposition devrait, en principe, se retrouver dans un décret. Sinon, cela constituerait un important recul. Affaire à suivre…

Attributions du CSE

  • Droit d’alerte dans les entreprises de moins de 50 salariés 

Le droit d’alerte en cas d’atteinte au droit des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise avait disparu dans l’ordonnance du 22 septembre 2017. Il est rétabli, dans le projet de loi de ratification des ordonnances, ce qui est un point positif.

  • Consultation du CSE

Dans l’ordonnance du 22 septembre 2017, il était prévu qu’en présence d’un accord collectif sur un thème de consultation obligatoire (cela fait référence aux trois consultations récurrentes relatives aux orientations stratégiques de l’entreprise, à la situation économique et financière, ainsi qu’à la consultation sur la politique sociale de l’entreprise), l’employeur était dispensé de mener cette consultation, ce qui affaiblissait les attributions consultatives du CSE.
L’ordonnance du 20 décembre 2017 revient sur cette disposition. Désormais, l’employeur ne sera dispensé de consultation que si un accord de GPEC a été conclu et uniquement sur ce thème.

Moyens du CSE

  • Le nombre de membres du CSE et les heures de délégation

Le décret du 29 décembre 2017 fixe le nombre de membres de représentants du CSE et le nombre d’heures de délégation (art. R. 2314-1 C. trav.) [2].

Il était prévu dans l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 que le nombre de membres du CSE pouvait être « augmenté » par accord préélectoral. Désormais, il est énoncé que le nombre de membres et d’heures de délégation peut être modifié par accord dans les conditions prévues par l’article L. 2314-7.

Ce changement de terme laisse entendre que la modification du nombre de membres et d’heures de délégation pourrait ne pas se faire seulement à la hausse.

Si l’on se réfère à l’article L. 2314-7 du Code du travail, il prévoit que le PAP peut modifier le nombre de sièges ou le volume individuel d’heures de délégation dès lors que le volume global de ces heures, au sein de chaque collège, est au moins égal à celui résultant des dispositions légales au regard de l’effectif de l’entreprise.
Pour ce qui est du nombre de représentants, il n’y aurait, a priori, plus de limite pour les réduire, ce qui appelle à la plus grande vigilance.

  • Montant de la subvention pour les ASC

Le montant de la subvention versée aux ASC est fixé par accord. À défaut d’accord, un plancher est déterminé pour cette contribution. Dans ce cas, le rapport à la masse salariale brute ne peut être inférieur au même rapport existant pour l’année précédente.
Il est donc possible de fixer par accord un montant très bas pour la contribution des ASC.
En l’absence d’accord, la référence au rapport à la masse salariale brute existant pour l’année précédente n’est pas très explicite.

  • Budget de fonctionnement

Le montant de cette subvention dépend de la masse salariale de l’entreprise :

- dans les entreprises de 50 à 1999 salariés : 0,20 % de la masse salariale brute ;
- dans les entreprises d’au moins 2000 salariés : 0,22 % de la masse salariale brute.

Par rapport à ce qui existait avant les ordonnances, le pourcentage a été augmenté pour les entreprises comptant au moins 2 000 salariés. Il reste inchangé pour les plus petites entreprises.

À noter : l’assiette de la masse salariale brute, qui avait été définie par la Cour de cassation (et non par le Code du travail jusqu’à présent), a été modifiée par les ordonnances. Cette définition vaut pour les deux budgets. La masse salariale est constituée par l’ensemble des gains et rémunérations soumis à cotisations sociales en application de l’article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale, à l’exception des indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat à durée indéterminée, qu’elles soient ou non soumises à cotisations sociales.
Dans l’ordonnance du 22 septembre 2017 avaient été ajoutées à cette assiette les sommes versées aux salariés lors de l’année de référence en application d’un accord de participation ou d’intéressement.

Avec cette nouvelle assiette, les budgets risquent d’être revus à la baisse compte tenu de l’exclusion des sommes versées à l’occasion de la rupture des contrats de travail à durée indéterminée.

De plus, le budget de fonctionnement va être davantage mis à contribution puisqu’il pourra prendre en charge la formation des délégués syndicaux et celle des représentants de proximité.

  • Fongibilité des budgets du CSE

L’ordonnance précitée du 22 septembre 2017 introduit la fongibilité des budgets du CSE c’est-à-dire que l’excédent annuel de l’un des budgets peut être versé sur l’autre après délibération du CSE.

Le décret du 29 décembre 2017 prévoit une limite au transfert du budget des ASC vers le budget de fonctionnement de 10 % de l’excédent annuel.
Pour ce qui est du transfert du budget de fonctionnement vers le budget des ASC, il est précisé que seule une partie de l’excédent du budget de fonctionnement peut être transférée. La limitation sera fixée par décret en Conseil d’État. Le fait d’opérer un tel transfert peut être pénalisant si le CSE recourt à une expertise (voir ci-dessous le point consacré à l’expertise).

  • Formation des membres du CSE

La formation économique, d’une durée de 5 jours maximum, est dispensée aux membres du CSE élus pour la première fois et se trouve renouvelée au bout de quatre ans de mandat.
Des doutes ont pu apparaître concernant le maintien ou non du droit au renouvellement de cette formation au bout de 4 ans de mandat, compte tenu de la rédaction quelque peu contradictoire entre deux dispositions de l’ordonnance du 22 septembre 2017 mais ce droit au renouvellement est finalement maintenu (cf. art. L. 2315-17 C. trav.).

Concernant la formation en santé/sécurité, elle sera dispensée à tous les membres de la délégation du personnel au CSE, sans restriction. Cette formation aura une durée minimale de 3 jours dans les entreprises de moins de 300 salariés et de 5 jours dans les plus grandes entreprises.

Initialement, cette formation devait bénéficier soit aux membres de la commission de santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT), soit à tous les membres du CSE en l’absence de CSSCT.

Cette généralisation de la formation en santé/sécurité est une bonne chose car, même en présence d’une CSSCT, les membres du CSE auront aussi à traiter ces sujets car toutes les questions de santé ne seront pas déléguées à la CSSCT. De plus, certains points ne peuvent être transférés, notamment le recours à l’expertise. Il est donc important que tous les membres soient formés sur ces questions.

  • Cas de recours à l’expertise

La liste des expertises financées exclusivement par l’employeur s’est enrichie d’un cas de recours : l’expertise pour préparer la négociation sur l’égalité professionnelle dans l’entreprises d’au moins 300 salariés, en l’absence de tout indicateur relatif à l’égalité professionnelle prévu dans le cadre de la BDES.

Pour rappel, les autres expertises financées exclusivement par l’employeur sont les suivantes :

- expertise dans le cadre de la consultation annuelle sur la situation économique et financière ;
- expertise dans le cadre de la politique sociale ;
- expertise en cas de projet de licenciement collectif de 10 salariés et plus ;
- expertise en cas de risque grave.

  • Financement des expertises

Avec les ordonnances, un nombre croissant d’expertises ont pour vocation d'être cofinancées par le budget de fonctionnement du CSE (à hauteur de 20 %) et par l’employeur (à hauteur de 80 %).

Toutefois, si le budget de fonctionnement est insuffisant pour couvrir le coût d’une expertise cofinancée et qu’il n’a pas donné lieu à des excédents transférés sur le budget des ASC au cours des trois dernières années, l’expertise pourra être financée par l'employeur en totalité.

Dans ce cas, le CSE ne pourra transférer un éventuel reliquat du budget de fonctionnement vers le budget des ASC pendant les trois années suivantes. Un transfert d’une partie même minime du reliquat du budget de fonctionnement vers le budget des ASC pourrait donc compromettre le financement intégral d’une expertise par l’employeur sur plusieurs années...

  • Délai pour remettre le rapport

Le délai dont dispose l’expert pour remettre son rapport est déterminé par accord d’entreprise ou par accord conclu entre le CSE et l’employeur.

En l’absence d’accord, les délais applicables sont ceux fixés par décret pour chaque catégorie d’expertise.

Ces délais sont les suivants :

- remise du rapport au plus tard dans les 15 jours avant l’expiration des délais préfix de consultation du CSE ;

- dans le cas d’une expertise en raison d’une opération de concentration, remise du rapport dans un délai de 8 jours à compter de la notification de la décision de l’Autorité de la concurrence ou de la Commission européenne saisie du dossier ;

- lorsqu’il n’y a pas de délai préfix, l’expert dispose de 2 mois à compter de sa désignation pour remettre son rapport. Ce délai peut être renouvelé une fois pour une durée maximale de 2 mois par accord entre l’employeur et le CSE (à la majorité des membres titulaires élus de la délégation du personnel).

Fonctionnement du CSE

  • Commission de santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT)

Pour rappel, cette commission est obligatoirement mise en place dans les entreprises d’au moins 300 salariés, ainsi que dans les entreprises comportant des installations nucléaires ou Seveso. L’inspecteur du travail peut aussi imposer sa mise en place en raison de la nature de l’activité, de l’agencement ou de l’équipement des locaux. En dehors de ces cas, la commission peut être mise en place par accord d’entreprise et, en l’absence de délégué syndical, par accord entre le CSE et l’employeur adopté à la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel. En l’absence d’accord, l’employeur peut fixer le nombre et le périmètre des CSSCT. Le temps passé aux réunions de la commission de santé, sécurité et conditions de travail ne sera pas déduit des heures de délégation et sera rémunéré comme du temps de travail.

  • Règlement intérieur du CSE

Le texte prévoit que le RI ne peut comporter de clauses imposant à l’employeur des obligations « extra-légales », sans l’accord de ce dernier.

Ces obligations seront alors considérées comme un engagement unilatéral de l’employeur, que ce dernier pourra dénoncer après simple information des membres du CSE et respect d’un délai raisonnable.

Les dispositions « extra-légales » n’auront donc que peu de caractère contraignant pour l’employeur qui pourra, soit refuser de les intégrer, soit les dénoncer…

Conseil d’entreprise

Pour rappel, le conseil d’entreprise est instauré par accord majoritaire. Il a une capacité de négociation et peut conclure, réviser et dénoncer les accords collectifs. Si une telle instance est instaurée, les délégués syndicaux ne seront plus habilités à négocier et conclure des accords, ce qui remet en cause le monopole syndical de négociation et vise à intégrer le syndicat dans les rouages de l’entreprise.

L’ordonnance du 20 décembre 2017 accroît le champ de compétence du conseil d’entreprise en matière de négociation par rapport à l’ordonnance du 22 septembre 2017. Il sera désormais compétent pour toutes les négociations, y compris pour conclure des accords sur un PSE, en matière de protocole préélectoral, ainsi que pour conclure des accords modifiant le nombre et la composition des collèges électoraux et pour les accords prévoyant que l’élection des représentants du personnel aura lieu en-dehors du temps de travail.
Cet élargissement porte un nouveau coup au délégué syndical qui, dans le cadre de ce type d’accord, est amené à disparaître. Ce type d’accord visant à instaurer un conseil d’entreprise est donc à éviter.

[1] La loi de ratification ne sera applicable qu’à compter de la publication au Journal Officiel.
[2] Se référer au tableau figurant dans L’Info des CE n° 23 p. 8 (qui était basé sur le projet de décret).

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