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Apprentis à la DGFiP : un artifice pour minimiser le chômage des jeunes ?
Dans une circulaire du 12 mai 2015, le Premier Ministre a rappelé l’objectif de 500 000 jeunes en apprentissage défini par le Président de la République lors des assises de l’apprentissage de septembre 2014. Pour ce faire et comme les résultats attendus peinent à se manifester, il a été décidé que l’ensemble des administrations et des établissements publics de l’État serait mobilisé. Chaque ministère s’est ainsi vu assigner un objectif cible d’apprentis à atteindre dès septembre 2015.
Au sein du ministère des Finances, la Direction générale des finances publiques devra donc accueillir 200 apprentis en 2015, dont 27 handicapés, et 301 en 2016, dont 43 handicapés.
Rappelons que notre organisation syndicale, dans la plus pure tradition ouvrière, a toujours marqué son attachement à l'apprentissage, nécessaire à la transmission intergénérationnelle des savoirs techniques dans le cadre d’un enseignement en alternance permettant à un jeune, âgé de 16 à 25 ans, d’obtenir une qualification professionnelle validée par un diplôme national.
Cette formule associe donc une formation théorique, dispensée essentiellement au sein des centres de formation d'apprentis (CFA), à une formation pratique en lien avec le diplôme préparé chez un employeur. Durant sa formation, l’apprenti est obligatoirement accompagné par un maître d’apprentissage.
- Enfin, le contrat d’apprentissage est un contrat d’embauche de droit privé qui relève pour l’essentiel des dispositions du code du travail et n’offre pas de possibilités particulières de recrutement dans la fonction publique.
Ainsi, les directions accueillants des apprentis devront bien préciser qu’au terme du contrat, l’apprenti n’aura pas pour vocation de devenir fonctionnaire, sauf s’il passe un des concours de la Direction générale des finances publiques ou d’une autre administration. Le contrat d’apprentissage est d’ailleurs traité par l’administration comme un contrat à durée déterminée (CDD).
Les apprentis de la DGFiP
La DGFiP prévoit que les futurs apprentis devront être accueillis en septembre, voire octobre 2015. Un maître d’apprentissage sera désigné pour guider l’apprenti. Il aura pour mission de contribuer à l’acquisition par ce dernier des compétences nécessaires à l’obtention du titre ou du diplôme préparé, en liaison avec le CFA ou l’établissement de formation. Il devra justifier d’une expérience professionnelle et d’une qualification suffisantes et sera responsable de la formation de l’apprenti.
Premier bémol : la DGFiP a décidé, pour 2015, de privilégier en priorité l'accueil de jeunes âgés de plus de 18 ans, titulaires de qualifications de niveaux I, II et III (diplômes de niveau supérieur ou égal à bac+2), tout en annonçant, par prudence, que les autres qualifications ne seraient pas exclues.
La durée des contrats d’apprentissage, au moins égale au cycle de formation suivi par l’apprenti, peut varier entre 6 mois et 4 ans. Second bémol : la DGFiP a décidé que les contrats seraient d’une durée maximum d’un an mais, toujours prudente, « des contrats de 2 ans peuvent être envisagés si le cursus de l'apprenti l'exige ».
Les métiers de la DGFIP
Des esprits chagrins pourraient s’inquiéter de connaître les métiers offerts aux apprentis de la DGFiP dont, soulignons-le, compte tenu du niveau de diplôme requis, la plupart aurait intérêt à passer les concours de catégorie A plutôt que de faire un apprentissage sous-rémunéré.
En fait, toutes les fonctions exercées par des agents des finances publiques ont été recensées comme des métiers pouvant contribuer à l’obtention du titre ou du diplôme préparé au sein d’une douzaine de familles de métiers.
Cela va de chargé de la dépense de l’État à chargé de la communication, en passant par chargé de la caisse ou chargé d’accueil usagers.
Responsabilités des maîtres d'apprentissage
Si le chômage des jeunes est une question primordiale pour notre société et une préoccupation essentielle pour notre organisation syndicale, encore faut-il que les projets mis en place s’inscrivent dans une véritable politique d’insertion des jeunes dans le monde du travail.
Ce n’est pas le cas ici.
Cela ne peut également pas se faire sans respecter leurs droits, ni leurs attentes.
Ceci implique aussi que l’administration soit en capacité de mobiliser des maîtres d’apprentissage qui doivent « être motivés et disposer de compétences pédagogiques et professionnelles » alors que la situation des services de la DGFiP laisse aujourd’hui peu de possibilité de dégager le temps nécessaire à l’exercice d’une telle responsabilité.
Car il s’agit bien d’une responsabilité morale importante pour les futurs maîtres d’apprentissage, qui ne peut être prise à la légère, puisque de leurs qualités personnelles dépendra le succès, ou l’échec, de l’apprenti.
Cela appelle immédiatement d’autres questions :
- l’échec de l’apprenti sera-t-il imputé au maître d’apprentissage ?
- cet échec aura-t-il une incidence sur son évaluation professionnelle ?
Encore faut-il que soit vraiment précisé le statut de ces apprentis. Il est bien évident que le syndicat n’admettra pas que, sous prétexte de contrat d’apprentissage, l’administration recrute des jeune pour pallier les carences en effectifs des postes et services en les sous-rémunérant et en ne voyant que son intérêt immédiat et non le leur.
C’est ce que l’on constate malheureusement chez certains employeurs indélicats qui usent et abusent du contrat d’apprentissage pour bénéficier d’une main d’œuvre à bon marché.
Pour sa part, notre syndicat craint malheureusement que l’intérêt des jeunes diplômés passe à l’arrière-plan.
La probabilité est forte pour que les motivations qui animent le gouvernement soient de simples calculs politiciens et qu’elles ne visent qu’à retarder l’arrivée sur le marché du travail de plusieurs milliers de jeunes plombant ainsi les statistiques sur les demandeurs d’emplois. Pour conclure, il nous revient qu’une certaine frénésie règne aujourd’hui entre administrations d’État, puisque la chasse à l’apprenti est ouverte. Il serait en effet de mauvais ton de ne pas remplir son quota d’apprentis d’ici la rentrée.
Mais qu’allaient-ils donc faire dans cette galère ?