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07 / 07 / 2015 | 136 vues
Personne Pierre / Membre
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Manpower : la face cachée du rêve de l’intérim numérique

L’entreprise mise énormément sur la numérisation des services à l’attention de ses clients
et intérimaires. L’entreprise axe d’ailleurs sa communication sur la modernisation de ses
relations et promet les plus belles avancées : information en temps réel, rapidité de traitement, accès à des services personnalisés... C’est la logique du « en un clic » avec « mon Manpower » au bénéfice des intérimaires et des e-services au bénéfice des clients.

Si nous, CFE CGC, reconnaissons les enjeux et les opportunités de la numérisation, cela ne doit pas nous empêcher de souligner les contradictions d’une stratégie numérique qui ne met pas les priorités là où elles devraient être. Aussi, bénéficie-t-elle réellement aux salariés, qu’ils soient intérimaires ou permanents ? L’homme reste-t-il au cœur des relations ? C’est la source d’une frustration que nous tenons à partager. La puissance du numérique pourrait être en effet mieux utilisée.

Visite guidée des incohérences et menaces que le quotidien nous enseigne et qui illustrent un certain degré de méconnaissance de la réalité des usages.

Gains pour nos clients et la relation commerciale ?

La première de ces incohérences tient dans le décalage que nous constatons entre la promesse d’e-services faite aux entreprises et la réalité des déploiements. Quelles avancées pouvons-nous aujourd’hui constater pour nos clients alors que ceux-ci sont très demandeurs en solutions intégrées et sur mesure ? La standardisation a ses limites, il faut que les solutions numériques répondent aussi aux besoin spécifiques de nos clients.

En dehors d’un arrosage compulsif et « vitaminé » en courriels pour la diffusion d’actions commerciales, pour une enquête qualité, pour confirmer la prise en charge d’une commande, de quoi bénéficient réellement nos clients ? Ne restent ils pas en attente de proximité et de disponibilité plutôt que d’avoir le sentiment de faire de l'e-commerce ?

Nous craignons que cette standardisation de la relation commerciale ne réponde pas aux besoins spécifiques de nos clients et menace la fonction commerciale. N’avons-nous pas à déplorer le recours croissant à des prestataires extérieurs pour le traitement de nombre d'actions.

N’est-il pas aberrant de constater que notre force commerciale ne soit toujours pas munie de smartphones, de tablettes ou d'ordinateurs portables ? Heureusement, le ridicule ne tue pas. Nous sommes bien loin du « en un clic ».

Gains pour nos candidats et nos intérimaires ?

C’est clairement sur le déploiement de « mon Manpower » et de solutions numériques envers les intérimaires que la stratégie digitale a été orientée. C’est une avancée pour le salarié qui en fera usage. Mais ce comportement est-il si généralisé ? Notre salarié intérimaire n’attend-il pas, lui aussi, plus de relations ? Les études montrent que les intérimaires recherchent avant tout de la proximité non numérique.

À défaut et a contrario, le numérique prenant corps au sein du projet envergure, nos candidats et intérimaires subissent de plein fouet la fermeture de nos agences et la compression de nos effectifs.

Gains pour les permanents ?

Dans cette ère du 2.0, les permanents se voient proposer quasi quotidiennement une nouvelle fonctionnalité, un nouveau portail et une nouvelle approche de leur métier.

Sommes-nous là dans une réelle démarche de progrès favorisant l’expression des talents et promouvant le droit à la création et l'initiative ?

Nous pensons au contraire que nous tendons vers une automatisation, une standardisation et une rationalisation dangereuses de nos pratiques.

Nous constatons aussi un décalage criant entre la quête de modernisation de l’entreprise et le manque d’ergonomie de certains outils, voire l’obsolescence de certains supports de travail.
L’outil « vente push » en est l’illustration la plus parfaite. Le processus est lourd et ne tolère pas le moindre écart par rapport à un référentiel. Plus de souplesse contribuerait à améliorer le rapprochement entre l’offre et la demande. Un gain d’efficacité d’autant plus grand que les nouveaux profils seraient intégrés plus rapidement dans la base.

Que dire de l’application d’espace commandes ? Le travail de saisie est alourdi, standardisé et bien des permanents sont amenés à déployer de multiples stratégies de contournement. Combien servent une commande grâce à leur talent de recruteur et se voient contraints de saisir après coups pour que les indicateurs soient bons au nom du saint taux de service qui ne reflètent finalement plus rien.

Que dire d’« action cash » et des grandes difficultés d’appropriation du réseau, avec,
comme par hasard, une augmentation simultanée de la provision pour créances douteuses ?

Est il acceptable de constater simultanément à ces supposées avancées que le système informatique en agence « mouline » de plus en plus et que nous continuions à utiliser un portail hors d’âge ? Les permanents du réseau sont pénalisés au quotidien et même parfois bloqués pour travailler. La productivité du réseau en pâtit sans que cela ne soit pris en compte dans les indicateurs chers a l’entreprise et les conditions de travail se dégradent. Nous restons dans l'attente, à ce sujet, du rapport informatique.

Ces évolutions des applications sont incontournables mais quid de la non moins nécessaire autonomie des utilisateurs ? Pour progresser dans l’efficacité du service, autant que l’approche soit partagée entre ceux qui conçoivent les applications et ceux qui les utilisent en interne. Tout le monde y gagnerait. Cependant, encore faudrait-il que la formation des permanents soit assurée. Au lieu de cela, la formation est, elle aussi, munérisée (espace compétences) ou bien donnée en pâture aux DS et RA qui n’ont pas forcément la pédagogie nécessaire. On ne cherche plus à savoir si on a compris mais plutôt si on a complété sa formation. Ainsi, se dédouane l’entreprise. Au final, les permanents ont souvent le sentiment de pénétrer dans une
salle des machines lorsqu’ils franchissent la porte de l'agence et beaucoup se sentent perdus ou étouffés au cœur de cette jungle numérique.

Dans cette jungle, si les communications paraissent plus rapides et le partage d'infos plus efficace, nous nous posons la question de la sincérité de bien des échanges. Si on n’a pas son Planet ou son Google+, si on ne « like » pas a cet endroit, on n’utilise pas sa fiche « Partir en mission ». On n’est pas dans le coup. La puissance des réseaux sociaux et du numérique est certes incontestable mais pouvons-nous pour autant attester que notre communication et nos conditions de travail en sont aujourd’hui améliorées ? Nous nous interrogeons sur la place de l'homme au sein de l’entreprise et du droit à la différence.

Le véritable pari digital

Une excellente vitrine de la capacité de Manpower à créer les conditions d’une nouvelle organisation numérique du travail serait d’ouvrir une réflexion sur le télétravail dans l’entreprise mais la direction le refuse catégoriquement. Autres points à peut-être interroger ?
Digitalisation, automatisation, amélioration supposée de la productivité, déshumanisation et fermeture d‘agence. Après tout, le numérique n’est il pas une composante du plan Envergure ?

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