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Quand Kafka devient le nouveau DRH de la Mairie de Paris et de Pôle Emploi
Après une fin de contrat à la Mairie de Paris, il semble impossible de s’inscrire à Pôle Emploi et de percevoir ses indemnités chômage...
Les relations entre la Ville de Paris et Pôle Emploi fonctionnent selon un système des plus étranges pour un observateur extérieur, dès qu’il s’agit de la gestion des dossiers du personnel vacataire, contractuel ou autre, embauché sous contrats de droit privé.
Lorsqu’un membre du personnel de la Mairie de Paris perd son emploi (généralement à la fin de son contrat), il doit impérativement s’inscrire à Pôle Emploi pour pouvoir toucher ses indemnités chômage, sauf que cette démarche est appelée à durer des mois, résultat d’un système administratif pervers qui semble sorti tout droit d’un livre de Franz Kafka.
« Normalement, dès la fin de votre contrat, votre gestionnaire administratif vous a remis une attestation « employeur » de couleur jaune, à remettre à Pôle Emploi. Un seul et unique exemplaire vous est remis. Il sera réclamé par le conseiller de l'ex-ANPE pour constituer votre dossier d'indemnisation, bien que votre indemnité vous sera refusée, mais ça, vous ne le savez pas encore ! », peut-on lire sur l'un des sites de la CGT de la Mairie de Paris.
- En effet, astuce suprême, ce n’est pas Pôle Emploi qui indemnise ces chômeurs anciennement employés par la Mairie de Paris mais la Ville de Paris elle-même ! Comme la collectivité parisienne ne cotise pas à l’assurance chômage, elle s’est constitué une ligne budgétaire spécifique pour pouvoir assurer ses obligations.
« Pôle Emploi vous apprendra que ce n'est pas eux qui vous indemniseront mais la Ville de Paris. Si vous voulez (vraiment) être indemnisé, il faut vous rendre au bureau des pensions de la Mairie de Paris. Mais avant de vous rendre au bureau des pensions, il vous faudra attendre le courrier de notification de refus de Pôle Emploi car la Mairie de Paris le réclame », réaffirme le syndicat CGT. Kafkaïen, n’est-ce pas ?
« Enfin munis du refus de Pôle Emploi, vous prenez la direction du bureau des pensions en espérant être indemnisé. Il n'en est rien et la galère n'en finit pas (elle commence même). Au bureau des pensions, on vous demandera de constituer un dossier comprenant toutes vos fiches de paie ainsi que cette fameuse attestation jaune que vous avez remise à l'autre administration et que, bien entendu, vous n'avez plus. Vous repartez fissa à Pôle Emploi demander que l'on vous rende votre document original. Comme vous n'avez pas suffisamment attendu, on vous fait patienter plusieurs jours pour le récupérer », continue la CGT qui ajoute un peu de Courteline à cette histoire.
Il est vrai que l’ex-futur chômeur municipal parisien n’est pas encore au bout de ses peines, même s’il en est déjà à un parcours (du combattant) qui a duré entre deux et trois mois, sans que son dossier n’ait avancé d’une quelconque façon. L’épreuve peut durer bien plus longtemps.
« J’ai été contacté par un collègue vacataire qui attends depuis dix mois d’être indemnisé », affirme Bernard Aland, représentant du syndicat UNSA des musées parisiens. « Depuis novembre 2011 et la fin de son contrat, son dossier n’a pas avancé d’un pouce et la dernière explication qu’il a reçue est que la personne qui s’occupe de son dossier était en vacances, ça veut dire que rien ne sera réglé avant octobre maintenant, soit onze mois après son départ », poursuit Bernard Aland qui ne cache pas son indignation.
« Résultat, notre ancien collègue se retrouve dans une situation financière si précaire qu’il doit faire appel aux services sociaux de la Ville de Paris, son ex-employeur », conclut le syndicaliste de l’UNSA, qui ne manque pas de souligner le paradoxe de la situation.
La Mairie de Paris contrainte de faire appel aux services sociaux pour subvenir aux besoins de personnes qu’elle aurait dû indemniser est un « comble » pour la CGT. « Et tout cela parce que la Ville de Paris et Pôle Emploi n'ont pas trouvé de solution pour simplifier les démarches administratives et éviter des drames humains », remarque le syndicat.
- Déjà en 2010, nous pouvions trouver un témoignage similaire assez édifiant mais néanmoins très détaillé dans une « chronique de l'arbitraire » publiée sur le site d'Agir contre le Chômage (AC!) . Le problème n'est donc pas nouveau mais persiste depuis des années (lire ici).
Cette situation ubuesque peut-elle trouver une issue, maintenant que la Mairie de Paris et l’État sont de la même couleur politique ? En tout cas, les deux parties ont trouvé de nombreux accords notamment pour faire avancer les dossiers d’urbanisme bloqués par le précédent gouvernement. À entendre la priorité au traitement social du chômage affichée par les deux parties, ce genre de situation ne devrait donc plus durer.
En tout cas pour la création du futur établissement public des musées parisiens sortant du giron municipal le 1er janvier prochain, les procédures d’indemnisation des nombreux vacataires embauchés pour les expositions devraient être désormais gérées directement par Pôle Emploi. Si les procédures administratives s’en trouvent accélérées, ce serait le seul point positif.
- Protection sociale parrainé par MNH