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13 / 02 / 2012 | 44 vues
Dominique Demaret / Membre
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Rompre l'isolement des élus face à la souffrance au travail

Un article récent dans Miroir Social a mis en évidence les difficultés des syndicalistes exposés aux risques psychosociaux. Réalisant des expertises pour les CHSCT depuis huit ans, nous avons pu constater la montée en puissance des problèmes que les élus rencontrent pour remplir leur mandat.

Dialogue social et souffrance au travail

Le dialogue social est mis à mal par des changements récurrents, aux conséquences profondes, rarement immédiates, dont les élus sont informés de façon souvent rapide. Ces changements multiples et parfois complexes supposent d’être analysés en temps réel, ce qui n’est pas une mince affaire. Dans le même temps, les élus sont alertés par des salariés en souffrance qui réclament de l’aide. Les symptômes d’une souffrance au travail ne sont pas toujours faciles à mettre en relation de prime abord avec les conditions de travail.

  • Aussi, sommes-nous convaincus qu’il faut rendre l’autre expert dans sa fonction de régulation, dans l’exercice de son métier, dans sa capacité à appréhender ces nouvelles situations qui ne sont plus strictement de l’ordre de la revendication, ni de la défense du salarié.

L’analyse doit passer par une approche critique de l’évolution du travail et du sens donné à l’activité des salariés.

Alors que sur un certain nombre de questions, les positions des élus peuvent se différencier en fonction des politiques syndicales, quand il s’agit de la souffrance au travail, les débats deviennent plus confus. La légitimité des différents syndicats au sein des entreprises et des institutions peut d’ailleurs être remise en question face à ce mouvement qui n’épargne aucun secteur, aucune catégorie, aucun statut. Il faut tout à la fois trouver des solutions pour venir en aide aux salariés et affronter une direction sur un registre relationnel nouveau, où la prise en compte de l’humain au travail est à redéfinir.  Le « psycho-social » vient très directement solliciter les élus sous une forme inédite, en ce que les symptômes sont diffus et renvoient chacun à ses propres difficultés. Constater que le niveau de stress persiste dans le rouge ne donne pas pour autant accès à une compréhension de la situation de travail et ne débouche pas spontanément sur des actions de prévention. C’est là également que les élus peinent à traduire, pour leurs instances départementales et fédérales, la réalité vécue des dilemmes qu’ils ont à trancher sur le terrain.
Échanger sur ses pratiques avec d'autres élus.

Rompre l'isolement des élus

Devant ce constat et l’expérience régulièrement renouvelée de leur désarroi et de leur solitude, notre propos est d’offrir aux participants l’occasion de travailler ensemble, à partir de leur situation vécue d’interface entre les salariés, la direction et la situation de travail qui génère des difficultés. Au-delà de tous les aspects méthodologiques, réglementaires, juridiques et idéologiques, le représentant du personnel se trouve immanquablement pris dans des situations où il est attendu pour agir. L'une des particularités des questions de souffrance au travail est qu’elles émergent dans toutes les instances. L’enjeu est alors de faire en sorte que la souffrance au travail ne soit pas uniquement et exclusivement prise en charge de manière individuelle, en dehors de la situation de travail. En effet, on ne travaille jamais seul, mais dans un système structuré par l’organisation et les questions posées par l’être humain au travail ne pourront trouver une issue stable que replacées dans leur contexte organisationnel collectif.

  • L’isolement est aussi le lot commun des élus qui se trouvent prisonniers des prérogatives de leur mandat, de leur appartenance syndicale ou encore des stratégies d’acteurs qui animent le dialogue social dans leur entreprise ou dans leur institution. Pour cette raison, il nous paraît  important que des échanges autour des pratiques puissent se faire de manière croisée, entre des représentants du personnel d’horizons différents. 


Nous avons élaboré un module de formation centré sur le positionnement et la pratique des salariés titulaires d’un mandat de représentant du personnel, sans distinction d’instances, ni d’appartenance syndicale. Ce module a été conçu pour répondre aux nombreuses interrogations des représentants du personnel face à la multiplication des symptômes de souffrance au travail, à leur complexité et à la confusion qui règne autour de ces sujets dans le champ du conseil et des expertises réglementaires. Il est centré sur le positionnement et la pratique des salariés titulaires d’un mandat de représentant du personnel. Si la situation des élus et des syndicalistes est particulièrement complexe en raison des registres multiples sur lesquels ils agissent, celle des autres membres du CHSCT est mise également en danger.

Rôles contradictoires

Toutes les fonctions attachées à l'humain au travail sont concernées.

La fonction ressources humaines, à laquelle on attribue (ne serait-ce que symboliquement) une mission de soutien de l’humain au travail, est aujourd’hui prise dans des rôles contradictoires. Le responsable des ressources humaines doit maîtriser l’humain avec des outils de gestion conçus pour soutenir l’efficacité des organisations du travail en calibrant les individus. Mais il doit aussi veiller, en présidant le CHSCT, à la santé au travail des salariés. Le champ d’intervention est vaste et les paradoxes se multiplient.

En effet, les outils de gestion, comme les organisations du travail, peuvent être à l’origine de dommages pour la santé des salariés. Comment prévenir d’une main, les risques que l’on fait naître de l’autre ? Les entretiens d’évaluation, le lean management en sont des exemples courants.

Les médecins du travail, particulièrement attendus pour décoder les questions du côté de la santé, exercent leur activité auprès du salarié qu’ils entendent individuellement dans sa singularité. De leur propre aveu, la plupart d’entre eux évoquent cette difficulté récurrente qu’ils rencontrent pour passer d’une collecte de problèmes individuels à une situation de travail structurée dans un collectif.

Enfin, il y a lieu d’être inquiet quand on constate que les entreprises multiplient les dispositifs de signalement des risques psychosociaux au sein de leur personnel, alors qu’une politique de prévention devrait en premier lieu chercher à comprendre les faits, l’activité, le travail. Un malentendu est en train de s’installer avec le déploiement systématique d’une formation des managers aux risques psychosociaux. Les managers, identifiés comme responsables de la gestion de leurs équipes, sont attendus aussi pour alerter la direction sur les salariés en souffrance. Les directions concentrent en effet leurs actions sur le registre curatif et défensif pour parer au plus pressé et en raison sans doute d’un réflexe compassionnel. Mais les organisations du travail mises en place ne permettent plus vraiment aux managers devenus gestionnaires, d’encadrer leurs équipes. Les organisations par projet et le management à distance sont devenus monnaie courante. De ce fait et face à la pression des coûts et des délais, l’animation d’une équipe s’exerce le plus souvent sur le registre de la domination qui favorise la pratique du harcèlement. Mais pour un cadre et son équipe, c’est aussi, dans l’exercice d’une autorité de compétence éclairée, que résident les sources du plaisir au travail.

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