Organisations
Campagne anti-Sodexo : les enseignements des livres de comptes du syndicat américain SEIU
Le syndicat américain SEIU, toujours en lutte contre l’entreprise Sodexo, a récemment essuyé plusieurs revers, dont une procédure RICO (Racketeer Influenced and Corrupt Organisation), intentée par le Français à son encontre. Une inspection minutieuse des comptes du syndicat (tapez le numéro de dossier : 000-137) se révèle riche d’enseignements.
Pour bien comprendre les actions du syndicat américain à l’encontre de l’entreprise française, il est nécessaire d’appréhender la puissance financière dont dispose SEIU. Loin de correspondre à l’image classique du syndicalisme, SEIU est une entité n’ayant rien en commun avec les partenaires sociaux français, de type CGT ou FO (que SEIU essaye pourtant de rallier à sa cause). En effet, les actifs de SEIU représentent plus de 209 millions de dolalrs et son passif approche les 120 millions de dollars. Ses recettes sont d’environ 320 millions de dollars et ses dépenses flirtent avec les 300 millions de dollars. De telles sommes se retrouvent plus facilement dans les comptes des grosses entreprises. SEIU s’apparente davantage aux entreprises aux logiques financières affûtées.
Des soutiens grassement payés
SEIU s’est beaucoup appuyé sur un rapport de l’organisation TransAfrica Forum pour relayer ses accusations d’atteintes aux Droits de l’Homme contre Sodexo. Cependant, le syndicat a été démasqué dans sa tentative d’utilisation et de manipulation de son allié, puisqu’il apparaît que ce rapport de TransAfrica Forum n’est en fait qu’une copie à peine modifiée d’un rapport de SEIU lui-même, que le syndicat a tenté de faire publier par cette organisation présentée comme indépendante. Les comptes de SEIU indiquent un versement de 45 000 de dollars à TransAfrica Forum en novembre 2010, environ deux mois avant la sortie du rapport de l’organisation présidée par Danny Glover, fervent soutien de SEIU.
SEIU a aussi versé 20 000 dollars à Sinaltrainal, syndicat qui se trouve être un allié dans la lutte contre Sodexo.
Le relais étudiant des thèses de SEIU est bien connu. Cependant, et contrairement à ce que les organisations étudiantes, USAS (United Students Against Sweatshop) en tête, prétendent, le syndicat américain a été plus que généreux avec ces groupements universitaires. Les comptes du syndicat montrent en effet le versement de deux fois 25 000 dollars, puis de 5 000 dollars en février 2010 et de deux fois 25 000 dollars en avril 2010. Ce versement de 105 000 dollars ainsi étalé laisse à penser qu’il s’agit d’un financement organisé d’une campagne de relais, menée par les étudiants sur les campus auprès des présidents des universités. Les comptes de 2009 ne font pas mention d’une donation financière à l’USAS. Nous sommes assurément loin du mouvement spontané anti-Sodexo. Les tentatives d’USAS d’aborder les étudiants français ainsi que leur Truth Tour doivent donc également être considérées avec la possibilité d’un éventuel paiement.
- Il s’agit cependant de bien distinguer les éléments rémunérés par SEIU et trouvant un intérêt financier à la lutte contre le groupe français et ne pas les confondre avec les adhérents moraux de cette cause, simplement victimes de manipulation.
Au-delà de simplement compter sur l’activisme des étudiants, le syndicat a choisi d’attaquer également les universités par leur hiérarchie. L’organisation Regents of the University of California a ainsi bénéficié d’une gratification de 8 000 dollars. Des représentants de ce bureau ont activement soutenu SEIU dans ses manifestations à Santa Cruz. Autre indication du lobbying de SEIU envers les universités, le versement de 63 000 dollars à la Wayne State University. En remerciement, cette université a fourni un de ses professeurs pour représenter SEIU au secrétariat d’État du Michigan. La bibliothèque de cette université constitue également désormais une vitrine pour les thèses de SEIU puisqu’elle abrite la collection John Sweeney, recueil des idées de SEIU portant le nom d’un de ses anciens dirigeants.
L’International Commission for Labour Rights (ICLR) a aussi bénéficié d'un financement de SEIU à hauteur de 32 000 dollars. L’ICLR travaille main dans la main avec l’Industrial and Labour Relations School de l’Université de Cornell, à laquelle appartient Lance Compa qui n’est autre que le rédacteur du rapport de Human Rights Watch : A Strange Case. Ce rapport, sorti en septembre 2010, relaie parfaitement les thèses de SEIU contre Sodexo et constitue, comme le rapport de TransAfrica Forum, une pierre angulaire de la campagne. En outre, l’ICLR renvoie vers la fédération syndicaliste Change to Win, abondamment trustée par SEIU. Elle fait également la promotion de l’USAS et assure de son soutien d’autres campagnes, comme celle luttant contre Exxon Mobil.
Basée en Suisse, l’IUF (International Union of Food Workers), a reçu près de 60 000 dollars de la part de SEIU. L’IUF a pris position contre Sodexo pour avoir attaqué par le RICO son généreux donateur SEIU.
- Les satellites de SEIU, par leur financement reçu du syndicat, n’ont pas l’indépendance nécessaire pour apparaître comme crédible. Les arguments deviennent de moins en moins crédibles au fur et à mesure qu’émerge le sentiment qu’il s’agit davantage d’une savante orchestration.
Une campagne confiée à des professionnels de la communication
S’il est clair que SEIU mise avant tout sur la communication et les éléments de langage, l’étude de ses comptes montre que le syndicat s’est adjoint les services de professionnels du secteur. L’on note ainsi à son service, l’agence de communication Ketchum. Elle se présente comme une agence conseil en relations médias et stratégie d’influence. Étrangement, les clients de cette agence appartiennent plus à la sphère du libéralisme qu’au monde syndical. SEIU côtoie ainsi en tant que client, Baccarat, Dassault Systèmes, Total, General Electrics et bien d’autres entités contre lesquelles un syndicat à l’habitude de lutte. Pourtant, Ketchum compte visiblement beaucoup sur SEIU car le syndicat américain lui a confié des prestations pour un montant de 100 000 dollars, étalées sur 2010.
Par ailleurs, il faut signaler la présence d’une autre agence française travaillant pour SEIU. La Netscouade, pour près de 30 000 dollars s’est ainsi chargée de cartographier le web social français pour le compte du syndicat. À nouveau, nous sommes très loin d’une démarche spontanée. Et la campagne contre Sodexo ressemble toujours plus à une opération de déstabilisation médiatique.
Car SEIU s’assure de disposer des moyens suffisant pour véhiculer le plus efficacement ce qui semble ne relever que du domaine de l’idée et de la contre-vérité. Nouvelle pratique peu orthodoxe dans le monde syndical, l’utilisation des prestations tarifées des réseaux sociaux. En effet, SEIU s’est offert les services de Facebook Advertising à plusieurs reprises pour d’importants montants : 26 000 dollars, 5 000 dollars et 21 000 dollars. Comme l’explique le réseau social, il s’agit du meilleur moyen pour toucher 500 millions de personnes présentées comme des « clients cibles », pouvant aider à « élargir son réseau ». Un vocabulaire marketing qui colle désormais à SEIU.
Des syndicalistes grassement payés
L’étude des revenus de ses dirigeants met en lumière deux éléments. Premièrement, ces salaires confirment l’idée que SEIU s’apparente davantage à une entreprise qu’à un syndicat. Les revenus de la présidente, Mary Kay Henry, dépassent les 250 000 dollars. La rémunération moyenne de l'équipe dirigeante du syndicat est proche des 200 000 dollars. Une petite vingtaine d’« élus » à la tête de SEIU se partagent ainsi quelques 3.6 millions de dollars.
Plus proche encore de la rémunération type d’un cadre dirigeant, Andrew Stern, qui a annoncé son départ de la tête de SEIU en avril 2010, a néanmoins perçu une rémunération de plus de 128 000 dollars (300 000 dollars en 2009). Par ailleurs, ses activités actuelles restent très loin du syndicalisme puisque l’ancien patron de SEIU a désormais intégré le monde du « private equity » et jongle avec les stock-options.