Organisations
Bilan social : un outil méprisé par tous et pourtant d’une grande utilité…
S’il est bien exploité, le bilan social peut devenir le socle de toute l’action représentative des représentants élus et désignés des salariés : consultations régulières et ponctuelles, concertations, négociations collectives. À condition de savoir le lire et l’analyser attentivement. Quelques trucs « d’expert »...
Exhaustivité
D’abord, il doit être exhaustif… Notre expérience montre que trop de bilans sociaux sont « mal » renseignés, ou le sont de façon plus ou du moins incomplète.
Une étude statistique menée sur les bilans sociaux analysés en 2010 par le cabinet Sextant Expertise montre que seules deux sections (sur les sept que doit comporter un bilan social) sont correctement renseignées dans plus de 80 % des cas : « l’emploi » et la « formation professionnelle ». En revanche, les sections consacrées aux « rémunérations et charges accessoires » (à peine la moitié des cas), et « autres conditions de travail » (moins de la moitié des cas) font figures de parents pauvres, particulièrement les indicateurs relatifs à la durée, à l’aménagement, à l’organisation et au contenu du travail.
- À titre d’exemple, seuls 30 % des bilans que nous avons analysés indiquent le nombre de salariés employés à temps partiel.
Pourtant, le contenu du bilan social est strictement encadré par le droit du travail (même si la règlementation offre quelques possibilités d’aménagement). Il nous semble important de commencer par vérifier la conformité et l’exhaustivité du document remis aux représentants. Si certaines informations font défaut, il ne faut pas hésiter à « retourner sa copie à l’employeur » en lui demandant de respecter ses obligations légales et cela avant même la réunion de consultation. Et correctement renseigné !
Fiabilité
Au-delà des oublis ou des omissions, nous constatons régulièrement des erreurs liées à la consolidation des données qui laisse parfois à désirer. Citons quelques bons réflexes à avoir lorsque l’on étudie un bilan social.
Nous pensons qu’il faut a minima :
- valider les totaux des indicateurs pour lesquels cela paraît pertinent (notamment ceux qui sont ventilés par catégories),
- s’assurer de la cohérence d’ensemble des données,
- et surtout comparer les données avec le bilan social de l’année précédente sur lequel deux années sont en commun.
Pour autant, restons modestes, on ne peut malheureusement pas tout vérifier. On le voit, le contenu du bilan social est souvent loin d’être satisfaisant : si les élus ne sont pas exigeants et ne font pas respecter leur droit, ce document qui reste une contrainte dans l’esprit de beaucoup de directions d’entreprise, sera élaboré avec d’autant moins de sérieux.
Enrichir le bilan social
Une fois le bilan social rendu conforme, l’analyse des informations peut débuter. Objectif : repérer les grandes tendances et identifier d’éventuels risque et problèmes : diminution importante de l’effectif et risques induits sur la charge de travail, populations mal ou peu formées et risque sur leur emploi à terme etc.
Dans cette optique, le mieux est de se construire ses propres indicateurs. En croisant entre elles les informations du bilan : par exemple, les employés représentent 40 % de l’effectif, mais 10 % seulement des formés. Voire, en recourant aux formes graphiques : transformer le tableau sur les tranches d’âge en pyramide des âges permet instantanément de voir si la population est jeune ou âgée, si elle vieillit ou si elle rajeunit.
Au-delà de la consultation, le bilan social permet de construire l’action dans le temps, du C.E. et des O.S… Le comité d’entreprise qui est régulièrement informé et consulté (plan et bilan de la formation professionnelle, égalité hommes-femmes, situation de l’emploi etc.), utilisera d’autant mieux ces séquences qu’il peut [et doit] s’appuyer sur un bilan social « propre » et bien analysé, pour nourrir sa réflexion, entre autres sur le traitement apporté aux problèmes qu’il aura pu soulever lors de la consultation sur le bilan.
Quant aux organisations syndicales, elles pourront, elles aussi, s’appuyer sur un bilan de qualité, pour construire un cahier revendicatif étayé, et donc plus solide. Ce, d’autant plus si les informations du bilan sont couplées aux autres informations communiquées tout au long de l’année.
Finalement, nous ne saurions trop recommander aux représentants élus et aux organisations syndicales de travailler ensemble, compte tenu de leurs rôles complémentaires.
Le CE est l’instance en capacité de mener des investigations (notamment via le recours à l’expert comptable, les travaux des différentes commissions et le CHSCT). Les OS sont les acteurs de la négociation. Or, pour bien négocier, il faut être bien informé.
Que faut-il retenir ?
1. Dans l’indifférence générale, trop de bilans sociaux sont soit incomplets, soit mal renseignés : les représentants du personnel à l’égard des directions doivent être plus exigeants.
2. Complet, le bilan social est une mine d’information qui peut être enrichi tout au long de l’année par les informations recueillies dans les autres informations/consultations du comité d’entreprise.
3. L’accès à l’information est le nerf de la guerre pour mener des négociations efficaces.
4. Ne pas oublier, lors des négociations, d’intégrer dans les revendications des améliorations du bilan social, afin d’accroître l’accès à l’information et la capacité de suivi des mesures mises en place dans l’entreprise.