Interview de Francis Ginsbourger, économiste du travail et chercheur associé au Centre de gestion scientifique de l'École des Mines de Paris, auteur de Ce qui tue le travail l'un des huit ouvrages sélectionnés dans le cadre du Prix Malakoff Médéric pour l'innovation en santé au travail.

• Retrouvez les interviews des sept autres auteurs ou co-auteurs et les présentations de trois projets de recherche sur le site dédié au prix. Nous vous invitons à voter pour l'ouvrage et le projet de recherche que vous jugez les plus intéressants. 

 Vous dites qu’il y a un biais des risques psychosociaux et de leur médiatisation ?

Ce sont les experts qui définissent les problématiques des risques psychosociaux à la place des directions, des syndicats, des managers et des salariés eux-mêmes. Les sciences sociales doivent à mon sens permettre de réduire la complexité. Or, c’est tout le contraire sur le terrain des risques psychosociaux. Les sciences sociales, trop repliées sur elles mêmes, définissant de façon unilatérale les enjeux et les méthodes, en deviennent des obstacles à la prise en compte par les acteurs des processus de fragilisation.

En quoi est-ce un facteur de déresponsabilisation ?

Cela permet aux acteurs de ne pas se pencher sur les valeurs du travail. Ce qui tue le travail c’est sa réduction à des quantités, telles qu’un coût, une durée, un résultat... On ne perçoit plus en quoi il est source de valeur économique et sociétale. Les indicateurs sociaux par exemple écrasent tout. Ils contribuent à entretenir la non-remise en cause d’un système de non-gestion du travail en tant que source de valeur.


Vous estimez qu’il faut en revenir aux fondamentaux. Un exemple ?
Les salariés ne se sont jamais autant marché sur les pieds dans des entreprises. Cela renvoie à une conjoncture dans laquelle l’engagement et la coopération en situation l’emportent sur une simple coordination préparée. Pour que ça ne se transforme pas en problèmes de personnes, il faut en passer par une reconstruction, par tous les acteurs, des rôles professionnels et des métiers.