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30 / 05 / 2016 | 1 vue
Jacky Lesueur / Abonné
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Les rémunérations des dirigeants d’entreprise sur la sellette

Dans le contexte de la réforme du Code du travail, les exorbitants revenus pharaoniques des dirigeants des entreprises cotées en bourse suscitent une incompréhension quasi générale.

Pour mémoire : la rémunération des patrons du CAC 40 a connu une progression importante depuis le début des années 2000, elle est même passée de 6,8 % à 11,4 % entre 2014 et 2015.

Qui se souvient de John P. Morgan (1837-1913), grande figure du capitalisme financier américain ? Ce banquier estimait que l’écart admissible des salaires entre le moins rémunéré et le plus payé dans une entreprise ne devait pas excéder 1 à 20. En 2008, en pleine crise financière, le Président Barack Obama a proposé de plafonner à 500 000 dollars (450 000 euros) la rémunération annuelle des dirigeants des entreprises qui bénéficient d’une aide fédérale. Soit un écart d’environ 1 à 25 avec le salaire minimum. Il faut dire qu’outre- Atlantique, ces écarts sont allés crescendo ces soixante dernières années. Ils étaient de 1 à 20 dans les années 1960, puis de 1 à 30 dans les années 1970 et de 1 à 60 dans les années 1980. Dans les années 1990, ils ont explosé et sont passé de 1 à 300.

Peu d’archives en France

Pourquoi évoquer les États-Unis plutôt que la France ? Parce qu’il n’existe en France que très peu de données antérieures à la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (NRE). Avant cette loi, les historiens se cassaient les dents sur les procès-verbaux des conseils d’administration car la rémunération a souvent été reléguée dans une annexe qui a disparu des archives. Selon l’historien Hervé Joly, avant 1914, il pouvait y avoir des écarts de rémunération allant de 1 à 100. Des primes étaient également versées aux dirigeants sous forme de tantième des bénéfices. Cela pouvait atteindre des proportions considérables puisque quelques dirigeants pouvaient récupérer 5 à 10 % des bénéfices de l’entreprise.

Communiquer n’est pas réguler

En 2001, la loi NRE, a imposé de communiquer aux actionnaires les rémunérations de chaque mandataire social (dont le directeur général) des sociétés anonymes : salaires, jetons de présence, compléments de retraite, ainsi que certains avantages en nature.

Un coup de canif a été porté à cette loi en 2003, quand la loi de sécurité financière a limité cette obligation aux sociétés côtées en bourse et aux entreprises qu’elles contrôlent.

Mais communiquer n’est pas réguler et en 2011 l’écart entre les rémunérations a atteint 1 à 211 pour 37 patrons du CAC 40.

Pour 2015, une étude du journal économique La Tribune a fait état d’un montant de rémunération moyen de 4,2 millions d’euros pour les patrons du CAC 40. Mais la rémunération moyenne cache les écarts qui sont de 1 à 17 entre ces dirigeants. Le « moins » payé en 2015, touchait 993 900 euros et le plus rémunéré, 16,76 millions d’euros.

Loi Macron : un cadeau fiscal pour les hauts revenus

Si les rémunérations fixes sont restées stables, c’est la part variable qui a drastiquement augmenté, notamment les attributions d’actions gratuites introduites en 2015 par la loi Macron. « Pour une attribution d’actions d’une valeur d’un million d’euros, la nouvelle fiscalité va faire économiser en moyenne environ 200 000 euros de prélèvements obligatoires au bénéficiaire et 150 000 euros à l’entreprise », rapporte La Tribune.

Le code AFEP-MEDEF ne fonctionne pas

Il n’existe pas de loi réglementant les rémunérations des dirigeants des entreprises privées. La mesure avait été évoquée lors de la campagne présidentielle par François Hollande. Le gouvernement a bien plafonné les rémunérations des dirigeants des grandes entreprises publiques à 450 000 euros bruts par an mais la promesse est passée sous le tapis pour le secteur privé. La régulation des rémunérations est donc échue au patronat lui-même avec son code de bonne conduite AFEP-MEDEF. Mais il semblerait que l’autorégulation ne fonctionne pas très bien.

Demander l’avis des actionnaires : fausse bonne idée ?

Dans ce contexte de laisser-faire, d’une part, et de mobilisation contre la loi sur le travail, d’autre part, Manuel Valls a annoncé que des mesures encadrant la rémunération des dirigeants d’entreprise figureront dans la loi Sapin II. Notamment un dispositif qui rend contraignant le vote des actionnaires au sujet de la rémunération des dirigeants. Mais cela suffira-t-il ?

En 2014, Les rémunérations des dirigeants ont été validées à plus de 91 % en moyenne par les actionnaires.

Une discussion en séance publique se tiendra le 6 juin 2016 à l’Assemblée nationale.

Pour la confédération FO, seul le recours à la loi serait pertinent pour assurer un encadrement des rémunérations. Les chartes éthiques ne sont pas contraignantes et créent des régimes à géométrie variable suivant les sociétés. La moralisation de la rémunération ne doit pas concerner que les mandataires sociaux et les sociétés cotées en bourse.

L'organisation syndicale demande également plus de transparence concernant la rémunération des dirigeants et que les organisations syndicales disposent d’informations sur le sujet. L’indemnité de départ des dirigeants en cas de démission n’a pas lieu d’être car il n’y en a pas pour les salariés.

Quant aux actions gratuites, la confédération pense qu’elles sont soumises à un régime social et fiscal trop avantageux.

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